Vive émotion, hier matin, au siège de l'Assemblée nationale constituante, à la suite du lâche assassinat dont a été victime Chokri Belaïd, coordinateur général du Parti des patriotes démocrates unifié. Une première décision est tombée vers 13h00 à la suite de la réunion urgente de la conférence des présidents au sein de la Constituante (groupant le bureau de la Constituante, les chefs des groupes parlementaires et les conseillers du président) : annulation des activités de l'Assemblée où l'on prévoyait une séance plénière devant examiner une série de projets de loi et les réunions des commissions constituantes. D'autres décisions ont été prises au cours de la même réunion. D'abord, une séance plénière exceptionnelle à l'ANC, pour aujourd'hui 7 février, et l'appel à une séance plénière de questions au gouvernement qui se tiendra vendredi 8 février. La conférence des présidents a décidé, d'autre part, que le président de l'ANC, le Dr Mustapha Ben Jaâfar, prononce une allocution télévisée à l'adresse du peuple tunisien. Un crime politique par excellence Comment les constituants ont-ils réagi à l'assassinat ignoble du coordinateur général du PPDU et comment envisagent-ils l'avenir de la transition démocratique, plus que jamais menacée face à cette violence politique qui fait, désormais, partie intégrante du paysage politique national ? Mohamed Tahar Ilali, chef du groupe parlementaire «Liberté et dignité», dénonce l'assassinat de Chokri Belaïd comme «étant un crime politique par excellence, étranger à nos mœurs politiques, dans la mesure où les assassinats à caractère politique remontent à une époque très lointaine de notre histoire, plus particulièrement l'assassinat en 1952 du leader nationaliste et syndicaliste Farhat Hached». Il ajoute : «Naturellement, je ne ne peux que condamner fermement ce crime ignoble et à appeler à la vigilance de tous. J'invite les partis politiques à assumer leurs responsabilités, à tirer les conclusions de la détérioration de la situation générale dans le pays et à placer l'intérêt supérieur de la nation au-dessus des considérations partisanes. J'estime qu'il est aujourd'hui de la responsabilité de tous de mettre un terme définitif aux campagnes de calomnie et de dénigrement et à ces plateaux TV qui ne font qu'inciter à la violence. Malheureusement, le résultat est là et on ne sait pas ce qui se passera demain». De son côté, Walid Tlili, vice-président du groupe parlementaire d'Ennahdha à l'ANC, stigmatise «un crime d'une lâcheté rare qui, au-delà de la victime, vise la révolution et le pays». «Cet acte terroriste, précise-t-il, a pour objectif avoué de semer le chaos et la discorde parmi les Tunisiens, de saper le processus démocratique et de faire entrer la Tunisie dans un tourbillon de violence et de contre-violence dont personne n'est en mesure de connaître l'issue. J'appelle toutes les parties politiques à parler un même langage, un langage qui rassemble les Tunisiens en cette période pénible par laquelle passe notre pays. J'exhorte les autorités sécuritaires à arrêter immédiatement les criminels et j'invite le peuple à dévoiler toute information qui pourrait conduire à les identifier et à les mettre sous les verrous aussi rapidement que possible. Tant qu'ils demeureront libres, le danger continuera à persister. Sur un autre plan, je pense qu'il est temps de mettre en place un mécanisme pour la protection des chefs des partis politiques et des protagonistes du paysage politique national». La responsabilité du gouvernement Azad Badi, membre du comité constitutif du mouvement Wafa, est convaincu que «les balles qui ont tué Chokri Belaïd visent en réalité toute la famille politique nationale et ont pour objectif de faire avorter le processus révolutionnaire. Ce crime horrible s'inscrit dans le cadre d'un plan diabolique pour pousser à une guerre civile dont le seul perdant sera la Tunisie». Le constituant du mouvement Wafa appelle «le gouvernement et le ministère de l'Intérieur, en premier lieu, à dévoiler rapidement l'identité des criminels qui ont commis ce lâche crime et à assumer pleinement leurs responsabilités afin de reinstaurer la stabilité et la sécurité. L'ANC se doit également de prendre ses responsabilités et d'intervenir, avec l'efficacité que lui confère son statut d'autorité légitime, dans tous les problèmes générant la violence et la contre-violence. Les associations de la société civile sont aussi invitées à faire preuve de prudence et à ne pas verser dans des réactions qui pourraient aggraver davantage la situation déjà chaotique». Quant à Mohamed Hamdi, vice-président du parti Al Aridha Achchaâbia, il est convaincu que l'assassinat de Chokri Belaïd «est un acte terroriste que je dénonce avec vigueur, cherche à semer la discorde au sein du pays à un moment où nous ne pouvons plus souffrir les dissensions ou les tiraillements. Pour nous, la violence est inadmissible, d'où qu'elle provienne. Le gouvernement assume la responsabilité de ce qui vient de se produire dans la mesure où il s'est montré incapable de diriger le pays et de conduire la transition démocratique à bon port. Si le ministre de l'Intérieur était indépendant, il aurait pu arrêter la spirale de la violence dès son déclenchement, il y a bien des mois. Nous sommes, d'autre part, convaincus que la vie du défunt Chokri Belaïd aurait pu être sauvée si ses déclarations, selon lesquelles il était menacé, avaient été prises au sérieux par les autorités compétentes».