• Franchement, je n'ai pas ressenti les effets de la crise mondiale, le Festival non plus. Les artistes sont toujours aussi demandés et ils n'ont pas baissé leurs prix. Même le sponsoring, un domaine qui aurait pu être touché par la crise, n'a pas été affecté, du moins en ce qui nous concerne. Carthage suscite l'intérêt, autant, sinon plus qu'avant. J'ai d'ailleurs été contacté, à la suite du point de presse que j'ai tenu le 24 du mois dernier, par différents partenaires potentiels qui ont adhéré à nos idées et au genre de programmation que nous projetons. Pour ce qui est de Ramadan, dont la première semaine coïncidera avec la fin du festival, je pense sincèrement que c'est une chance pour nous. En effet, grâce d'abord au Festival de la Médina, ensuite à «Mûsîqât», il y a une tradition de sorties, d'écoute et de désir de découverte qui s'est installée à Tunis et ailleurs. Le tout est de savoir proposer le genre de spectacles qui va avec Ramadan sans nous éloigner de nos orientations essentielles. En tout cas, cette semaine ramadanesque sera, pour nous, une sorte de «répétition» pour les deux années à venir où nous aurons 18 jours puis pratiquement un mois du festival en plein Ramadan. • La politique que nous avons adaptée et que nous essaierons d'ancrer session après session, se divise en deux points essentiels. Le premier est d'une urgence absolue, dans la mesure où il concerne la vocation même d'un festival de l'importance de Carthage, à savoir l'élévation du niveau artistique et esthétique du produit proposé et, par là-même, l'élévation du goût général. Aussi, est-il nécessaire et indispensable pour nous de prévoir des spectacles et des concerts qui se présentent à contre-courant avec ce que le public écoute et voit tout au long de l'année. Il faut donc lui offrir un produit de qualité, mais sans couper avec ses repères. Autrement, il y aurait rejet. C'est ainsi que la variété, par exemple, sera présente sans être dominante. En plus, les artistes spécialisés dans ce genre, que nous avons invités, sont tous performants sur les plans voix, technique et répertoire. A côté, ou en parallèle, nous allons favoriser d'autres formes d'art, comme le ballet, le cirque, la magie… tout en nous ouvrant sur des régions et des pays que nous connaissons peu ou pas du tout. Or, opter pour la qualité et la découverte et ambitionner de mélanger les publics dans le sens d'amener les amateurs de la variété par exemple, à venir voir autre chose, sans récupérer sur les billets, malgré les moyens supplémentaires à consentir ne sont pas chose aisée. Pourtant, c'est ce à quoi nous œuvrons avec optimisme, grâce à l'apport du sponsoring. Le deuxième point sur lequel nous avons commencé à travailler dès cette saison et qui prendra mieux forme à partir de l'année prochaine, concerne la promotion du tourisme culturel. En effet, nous réserverons, en collaboration avec l'Office du tourisme, notamment, un certain nombre de billets pour des spectacles susceptibles d'intéresser les visiteurs étrangers dans un package qui englobera avion, séjour, visites guidées… et, bien sûr, soirées à Carthage. Je suis convaincu qu'à travers la culture et le festival surtout, nous pouvons donner un coup de pouce au tourisme, en termes d'affluences et de qualité. Cela nécessite évidemment une préparation et une prospection bien à l'avance. C'est pourquoi nous avons convenu avec notre ministère qu'un noyau d'administration du festival soit permanent. Et c'est une bonne chose de faite. • J'en viens à votre dernière question pour dire qu'en concrétisation de nos options, nous avons privilégié, dans la majorité de notre programmation, les projets avec des fils conducteurs, au détriment des noms. Pour les Tunisiens qui sont et qui doivent être toujours prioritaires, quand ils ont surtout du nouveau et de la qualité à faire valoir, nous avons trois catégories : d'abord des habitués et des confirmés de Carthage, à qui nous avons demandé qu'au moins 75% de leur programme soit inédit pour le festival. Il y aura également des artistes qui ont deux, voire trois décennies d'expérience, et qui n'ont jamais eu la chance de monter sur la scène de Carthage, dans un projet bien à eux. Enfin, on donnera à des noms plus ou moins jeunes, et pas assez médiatisés, l'opportunité de se produire et de montrer ce dont ils sont capables. Je pense que cela aussi doit être la vocation, dans une certaine mesure, du festival. Volet arabe, il y aura la variété et des concerts de tarab (Mejda Erroumi, Sabah Fakhri…), toujours avec l'exigence de la qualité et de l'inédit, puisque tous les invités sont tenus de présenter eux aussi 75% de nouvelles chansons. Sabah Fakhri, le maître du classique d'Alep, en est, bien entendu, exempté. Le dernier chapitre concerne la participation étrangère et l'élargissement des genres artistiques. Là, je peux affirmer que nous sommes partis à la découverte du monde et que nous proposerons des shows et des spectacles féériques (ballets, cirque, magie…) auxquels même les jeunes et les enfants adhéreront, loin des play-back et des DJ. En somme, à côté du ludique, il y aura le divertissement, mais avec la qualité, encore et toujours.