«Si on est en train de négocier avec le FMI c'est que le risque est évident» «La dette reste, jusqu'à présent, relativement soutenable mais l'augmentation continue de cette dette risque de mettre le pays dans une impasse. Ce qui a des implications très négatives et très graves» Contrairement à ceux qui veulent dresser une image soit trop noire soit trop rassurante de la situation économique du pays, Mongi Boughzala, professeur de sciences économiques, tient, lui, à dresser un état des lieux objectif. Il relève, à ce propos, que l'économie tunisienne n'est pas encore au bord du gouffre mais que les indicateurs sont globalement inquiétants. Les indicateurs relatifs au chômage, à l'investissement et à la croissance sont plutôt préoccupants, souligne-t-il. Les indicateurs macroéconomiques, notamment ceux de la balance de paiement (les réserves de change tout particulièrement), montrent qu'il y a encore une marge de manœuvre mais pas pour très longtemps. M.Boughzala pense que beaucoup plus que les taux négatifs annoncés, c'est le fait qu'ils puissent s'inscrire dans la durée qui est le plus alarmant. Il cite, notamment , le taux d'inflation qui se situe aujourd'hui à 6% et le déficit budgétaire à 6% et note que si cette dynamique persiste, alors le pays serait réellement en danger. Il pense, par ailleurs, que la dette reste, jusqu'à présent, relativement soutenable mais ajoute que l'augmentation continue de cette dette risque de mettre le pays dans une impasse, ce qui a des implications très négatives et très graves. «Pour le moment le danger s'annonce et si on est en train de négocier avec le FMI c'est que le risque est évident», relève-t-il encore. M.Boughzala pense, toutefois, qu'un PAS (Programme d'ajustement structurel) tel celui adopté durant les années 80 n'est plus à l'ordre du jour d'autant plus, souligne-t-il, que le concept n'est plus utilisé par la Banque mondiale et le FMI. On ne peut plus parler d'un PAS aujourd'hui. Il rappelle à ce propos que durant les années 80, le gouvernement a mis en place, simultanément, un programme de stabilisation et un programme d'ajustement structurel pour faire face à une situation économique très difficile. Cependant, il ne faut pas s'étonner que le FMI conditionne les crédits qu'elle octroie à des mesures et à des réformes. C'est la règle du jeu. Revenant sur la situation économique et les mesures à envisager pour s'en sortir, il note que les investissements sont, aujourd'hui, au plus bas, ajoutant que cet état des faits n'est pas étonnant et qu'il est inhérent à la situation générale du pays, au manque de visibilité et à l'insécurité. Il note, en outre, que ces facteurs impactent fortement l'économie du pays d'autant plus qu'elle est fragile et facilement affectée par des chocs externes et dépend énormément des échanges extérieurs (importations et exportations). M.Boughzala pense, ainsi, qu'aujourd'hui le problème à régler est d'abord politique et institutionnel. Il s'agit d'abord de rassurer les gens et de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la sécurité. La solution est politique et réside dans la réussite de la transition démocratique et dans la mise en place d' institutions démocratiques capables de répondre aux véritables aspirations de la majorité des Tunisiens et de la jeunesse tunisienne, ces aspirations étant en termes d'emploi, de conditions de vie, de progrès social et d'amélioration de la qualité des services sociaux pour tous (transport, santé, éducation...), et aussi de dignité et de liberté.