«Plaidoyer pour la découverte de la vérité : mécanismes et processus dans les expériences internationales», tel a été le titre de la conférence internationale organisée hier à Tunis par l'Association tunisienne de droit du développement (Atdd) en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Qu'est-ce que la justice transitionnelle ? La justice transitionnelle est définie par l'Atdd comme étant un ensemble de mécanismes qu'utilise la société afin de réaliser la justice lors d'une période transitoire de son histoire (chute d'une dictature, déclenchement d'une révolution ou une fin de guerre). Pendant cette période, la société se trouve face à un défi, celui de son comportement face aux exactions et aux bafouillements des droits de l'Homme. Selon les Nations unies, il existe quatre principaux piliers pour que la justice transitionnelle soit un succès, tout d'abord «les commissions de vérité» qui ont pour mission d'étudier les dossiers un par un et de rétablir la vérité et les faits; viennent ensuite «les commissions de confession» qui forment une base à la réconciliation, l'établissement de procès (pour les dossiers qui en valent la peine et dont les victimes tiennent à un procès) et enfin l'indemnisation des victimes. Rétablir la vérité Il est faux de réduire la justice transitionnelle à des indemnisations qui au final portent préjudice aux victimes elles-mêmes en taisant les vérités historiques. Pour découvrir la vérité, première étape d'une justice transitionnelle, nous faisons face à un certain nombre d'obstacles plus ou moins surmontables. Il s'agit tout d'abord de la problématique liée aux archives puisque un nombre très important de ces documents ne sont pas disponibles. Jusqu'aux années 1980, il n'y avait pas véritablement un service d'archivage dans les administrations tunisiennes. D'ailleurs, certains dossiers ayant trait à la sécurité nationale sont protégés par la loi pendant 60 ans, c'est-à-dire depuis l'indépendance à nos jours, explique Hédi Jalleb, directeur général des Archives nationales, qui appelle à la révision de cette loi qui ne correspond pas au moment historique que connaît la Tunisie. D'un autre côté, il persiste des forces qui n'ont pas intérêt à ce que la justice transitionnelle se fasse, car elles sont impliquées dans des affaires d'abus de toutes sortes. C'est ce que révèle Abdelbasset Ben Hassen, président de l'Institut arabe des droits de l'Homme. «La seule alternative pour contrer ces gens-là et les neutraliser, c'est de faire de la justice transitionnelle un projet national au-dessus de toutes tractations partisanes», insiste-t-il. Abdelbasset Ben Hassen met en garde dans ce sens contre la volonté de certains de classer un type de victimes et de les placer hors du cadre du projet de justice transitionnelle. Plus jamais ça ! Comment un pays peut-il sombrer dans la barbarie ? Comment éviter de retomber dans ces pièges ? Voilà des questions que Abdelbasset Hassen souhaiterait voir débattues dans le cadre d'un programme national de sensibilisation à la culture des droits de l'Homme, nécessaire pour que la Tunisie devienne à jamais une terre où l'être humain est au centre de toute politique. Pour lui, ces pratiques horribles, telles que nous les avons connues pendant plus de cinquante ans, arrivent lorsqu'une personne ou une frange de la population est déshumanisée et que, par conséquent, toute forme de torture et de mauvais traitement devient possible et banalisée. «Seule la diffusion d'une culture des droits de l'Homme prémunira la Tunisie et lui évitera de sombrer encore une fois dans la dictature. Nous recommandons des formations pour les pédagogues ainsi qu'une réforme des programmes d'enseignement en vue de plus d'engagement envers les droits de l'Homme», conclut-il.