Un cirque italien, en tournée dans le pays, a été empêché de se produire à Msaken. Prétexte officiel : la ville ne pouvait pas garantir la sécurité du cirque, ce qui l'a obligé à annuler ses représentations. Garantir la sécurité d'un cirque est louable, mais il faudrait d'abord garantir celle des citoyens. Or, les agressions se multiplient à travers le pays : maisons dévalisées à El Mourouj, journalistes agressés, voire menacés de mort, tentative de kidnapping d'une écolière par une « niquabée » au sexe biologique douteux; sans compter la curieuse apparition d'un homme armé, dans un café des « Berges du lac », en quête d'un journaliste connu...Où allons-nous ? Devant une telle situation, la sécurité d'un cirque et de ses lions passe largement au second plan ! Un motif plus convaincant à la suspension du cirque réside dans la tenue des acrobates : ces dames, sur leur balançoire, sont outrageusement dévêtues. Le maillot qui les moule dévoile trop de peau; tout cela est contraire aux préceptes islamiques. On ne peut rien contre la nudité des quadrupèdes, mais que des femelles exhibent leurs chairs en toute impunité, voilà ce que les « hommes » de Msaken n'ont pas toléré. Msaken n'est pas une enclave, d'autres villes risquent de réserver le même sort au cirque ou à des prestations similaires. C'est que l'incident présage d'autres interdits à venir : ceux qui ont prohibé la tenue des acrobates, refuseront le tutu des danseuses, le maillot des nageuses, ou le short des sportives... dans ce sens, le saccage du club sportif féminin de ‘la Zitouna' s'inscrit dans cette lignée de refus, agressive, brutale, élémentaire. Le renvoi du cirque par les habitants de Msaken vient s'ajouter à la longue liste d'incidents, (petits ou grands), qui expriment le rejet d'une expression culturelle contraire aux règles imposées par de prétendues normes religieuses. Dans le cas présent, il s'agit de la norme vestimentaire ; faut-il rappeler que celle-ci émane d'un contexte à plusieurs composantes et que certaines situations imposent des tenues qui, seules, permettent de mener à bien une activité ! Imaginez, un seul instant, des acrobates ou des nageuses, affublées d'un foulard et empaquetées dans un tissu leur couvrant bras et jambes! Allons-nous devenir une société sans sportives, ni danseuses, ni acrobates, une société où les femmes n'auront droit qu'à deux postures : verticale le jour, horizontale quand vient la nuit ? Le sort réservé au cirque italien représente un exemple minuscule, mais édifiant de l'enfermement sur soi et de la négation de l'autre. Or, rien n'est plus périlleux que l'enfermement : lorsqu'une société se fige sur ses valeurs, (bonnes ou mauvaises), qu'elle devient monomorphe, lorsqu'elle considère l'altérité comme un manquement à la règle, cette société est sur la voie du déclin, ou de l'éclatement... De cette malheureuse histoire de cirque, que garder? Un malaise culturel dominé par le refus de l'autre et une violence qui ne cesse de s'amplifier...que les lions italiens soient sortis indemnes de l'affaire ne suffit pas à nous consoler !