Par Rafik SARRAJ (*) Je suis tout simplement sidéré par les affirmations de certains officiers parues sur vos colonnes en date du 18 mars 2013 et, sans trop m'attarder sur les considérations et les approches avancées pour étayer leurs considérations de la grande erreur politique de Bourguiba à propos de la bataille de Bizerte, je leur pose la question : l'Armée tunisienne d'aujourd'hui, après plus de 50 ans d'indépendance, aurait-elle été capable de déloger les forces françaises se trouvant à Bizerte en 1961 avec les renforts qu'elles pouvaient recevoir dans des délais très courts à partir de l'Algérie ? Ceci non en considération de la valeur des hommes (les actes d'héroïsme dont ont fait preuve beaucoup d'officiers, de sous-officiers et de soldats durant cette bataille méritent d'être cités) mais simplement en considération des forces en présence et des moyens de chacun des deux adversaires. Il faut reconnaître aussi, sans insulter la mémoire ni la valeur morale d'aucun officier, que le commandement de l'Armée tunisienne à cette époque n'était pas très apte à mener des opérations coordonnées. En tenant compte des faits suivants : – Bourguiba a toujours dit et répété que tant qu'il y aura un seul soldat étranger sur le sol tunisien, la souveraineté de la Tunisie ne sera pas entière. – Bourguiba a toujours tenu à associer le peuple tunisien à la réalisation de ce qu'il considérait hautement symbolique de la souveraineté nationale et il en entretenait le peuple tunisien. – Pour l'histoire, au même moment où se déroulait la bataille de Bizerte, l'Armée tunisienne avait pris fort Carcouet qui se trouvait à quelques centaines de mètres de Borj El Khadra (Fort Saint du temps du protectorat, extrême Sud tunisien). Ordre a été donné à l'Armée tunisienne de l'évacuer ! Pourquoi ? Bourguiba voulait que la conclusion de tous les actes accomplis par l'Etat soient politiques. – Il est vrai qu'il y a eu de nombreux morts parmi les civils, mais par-delà le fait dû à un vandalisme de certains militaires français, l'association des civils avait valeur de symbole à l'adhésion populaire. Pour conclure, la guerre du Vietnam a démontré, s'il en était besoin, que la seule puissance des armes et des armées ne peut venir à bout de la volonté d'un peuple, et Bourguiba croit très fort en cela et il avait raison.