Face à la persistance de zones d'ombre, l'affaire risque de...s'éterniser.A moins d'un miracle ! L'hypothèse de l'existence d'une éventuelle implication étrangèren'est pas à écarter 40 jours et quelques poussières ont passé depuis l'assassinat du militant Chokri Belaïd sans que l'énigme ne soit élucidée. Une énigme décidément insondable et un mystère pour le moment impénétrable. En effet, dans cette affaire complexe, intrigante et, somme toute, digne d'un roman d'espionnage, rien, absolument rien, ne permet d'expliquer avec exactitude ce qui s'est passé le jour du drame. Pour une source policière proche de l'enquête, «les zones d'ombre persistent encore si bien que nous manquons de précieux indices sur la piste pouvant conduire à l'identification puis à l'arrestation de l'auteur du crime et son (ou ses) commanditaire(s). Mais il serait indiscutablement stupide de céder au découragement et au renoncement». Et notre interlocuteur de prévenir contre toute conclusion hâtive. «Que n'a-t-on pas dit, s'indigne-t-il, sur l'inefficacité de nos services de sécurité dans la gestion de cette affaire, sur fond d'inexactitudes, de frayeurs injustifiées et de rumeurs fantaisistes, alors que Dieu sait combien nous cravachons dur, en ne nous autorisant guère de répit, afin de lever le voile sur cet assassinat». Etat d'alerte maximum En effet, alors que la rue, sous l'emprise de la colère et de l'alarmisme, fait marcher la...machine à rumeurs, et au moment où l'on menace de porter l'affaire devant les instances internationales compétentes, nous avons constaté que nos enquêteurs semblent résolus à reconstituer le puzzle, en étudiant jour et nuit plusieurs éléments et pistes. Poussés par le juge d'instruction chargé du dossier qui a imposé une discrétion totale auprès d'eux, ils travaillent en ce moment au milieu d'un groupe soudé de 80 enquêteurs, en étroite relation (un blanc-seing quoi) avec les différentes unités de la police, de la Garde nationale et de l'armée. Une vraie ruche d'abeilles où est déjà constituée une banque de données qui promet. «Nous sommes actuellement sur de bonnes pistes», rassure notre interlocuteur qui affirme qu'«il y a bon espoir d'élucider l'énigme». Oui, mais quand et comment ? «Je ne peux piper mot là-dessus», se contente-t-il de répondre laconiquement, avant de renchérir dans un appel émouvant: «De grâce, gare à la tendance à l'autodévalorisation, genre ‘‘notre police est mal dans sa peau'', ou ‘‘notre police n'y arrivera jamais''». Entre-temps, des comptes rendus quotidiens ne cessent de...pleuvoir sur le bureau du nouveau ministre de l'Intérieur qui, aux dernières nouvelles, semble avoir fait sienne la volonté de relever ce qui s'apparente à l'un des défis les plus cruciaux de son mandat. En effet, le successeur de Ali Laârayedh, flanqué de l'homme fort du département de la sûreté nationale, Abdelhamid Bouzidi, n'a de cesse de mettre l'accent sur la nécessité d'en finir avec cette affaire dans les plus brefs délais, tout en clamant haut et fort qu'il n'épargne aucun effort afin d'améliorer les conditions de travail des enquêteurs. Travailleur tenace, connu aussi pour sa compétence en matière d'investigations, le nouveau ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a également promis de gérer ce dossier brûlant «plus blanc que blanc». Loin, peut-on comprendre, de tout interventionnisme et en toute transparence. Un polar ? Non loin de là, et plus précisément du côté de La Kasbah, le juge d'instruction chargé de cette affaire ne chôme pas non plus. La mine de renseignements dont il disposait jusque-là vient d'être renforcée par un flux supplémentaire d'indices, à la faveur des séances d'interrogatoires auxquelles il avait soumis récemment une...kyrielle de convoqués de marque dont le président de la République, Moncef Marzouki, l'ex-directeur de la sûreté nationale, Nabil Abid, et d'autres hauts cadres sécuritaires, ainsi que les membres de la famille du défunt et les deux journalistes Soufiane Ben Farhat et Zied El Hani. Dans la foulée, convocation (la 2e en un mois) a été également adressée ces jours-ci à l'ex-ministre de l'Intérieur, Ali Laârayedh, et ce, à la demande de l'équipe de défense mandatée par la famille du regretté. Or, en dépit de cette extraordinaire débauche d'efforts déployés par les ministères de l'Intérieur et de la Justice, rien n'indique que ces deux départements sont au bout de leurs peines ou si près du but. C'est que tous les renseignements collectés jusqu'ici n'ont pu aboutir, l'assassin et son (ses) commanditaire(s) courent toujours sans être définitivement identifiés, ce qui nous met face à un polar capable, par ses intrigues, de... scotcher les téléspectateurs devant leur petit écran. «Ça nous rappelle drôlement les films à suspense fraîchement débarqués de Hollywood», note un vieil enquêteur policier qui estime que «l'affaire Chokri Belaïd est une copie presque conforme de la vague d'assassinats politiques qu'ont connue les Etats-Unis dans les années 50-60». Et de conclure, visiblement pessimiste : «Pourvu que cette affaire ne connaisse pas le même sort que celle de l'assassinat, il y a 50 ans, de l'ex-président américain John Kennedy dont le mystère de la mort persiste encore». Piste étrangère ? Si nous ne voulons pas partager le pessimisme de notre interlocuteur, nous ne voulons pas non plus parler d'affaire routinière. Car il est hyperimportant de reconnaître que techniquement parlant, le drame de l'assassinat de Chokri Belaïd porte la griffe d'un tueur professionnel doublé de commanditaire(s) intelligent(s) et aguerri(s) en matière de liquidation physique. D'où la conviction des enquêteurs que si c'était l'œuvre d'amateurs, leur cavale n'aurait pas perduré et l'affaire aurait été vite classée. C'est pourquoi toutes les hypothèses, y compris les plus invraisemblables d'entre elles, ont été retenues par les enquêteurs qui n'écartent pas celle de l'existence d'une...couverture étrangère. Laquelle ? Qui l'a parrainée ? Au nom de quelle cause ? Et pourquoi Chokri Belaïd en personne, et pas d'autres cibles ?