Totalement ou en partie en relief, les personnages sont gais, à grosses têtes hautes, dans des corps légers et frêles comme des marionnettes et occupent tout l'espace offert, longitudinal ou transversal. Il est fort possible que, pour l'artiste, le vide est néant et le néant est aliénant! Par conséquent, elle fonce et se défonce à faire perdre la tête! La galerie Aire libre d'El Teatro abrite, du 19 mars au 1er avril 2013, la première exposition personnelle Ex Nihilo de la plasticienne autodidacte Irane Ouanès. L'une des branches de l'arbre généalogique de cette universitaire et enseignante en communication est d'origine russe. Le mélange des sèves a donné un goût intertropical au fruit qu'est Irane. De nature joyeuse, l'œil vif, miroir de son âme, singulière et libre, elle a rapidement écarté et boudé les règles académiques du dessin, qu'elle avait, auparavant, appliquées à la perfection, lors de son parcours artistique. Ainsi, elle a libéré ses pulsions internes et écouté attentivement le gazouillement de ses tripes, traduit dès lors par un langage pictural expressionniste figuratif, plutôt naïf. Par conséquent, Irane a brisé la chaîne de la régularité du trait de son dessin, égayé sa palette et éveillé l'imagination de l'enfant qui est en elle. En ce qui concerne le support, elle n'a nullement de contraintes. Elle peint sur tout ce qui se trouve à portée de main et ce, à l'image des bambins qui n'épargnent ni murs ni portes ni objets de la maison, avec leurs premiers gribouillages! C'est comme a dit Balzac : « il y a chez le Slave un côté enfant». L'unique installation exposée, le vilain petit canard, rassemble des chaises, jean, pull, soutien-gorge, gants, chapeau, anciens disques 45 tours et 33 tours, seaux métalliques..., illustrés par des dessins ludiques et scintillants donnant à chaque objet un rôle dans un décor de pièce de théâtre ou de fête improvisée pour enfants. Inhibition, dites-vous ? Pour la série des œuvres accrochées de l'exposition, Irane Ouanès peint sur du bois récupéré des conteneurs, imbibé de l'âme des objets divers, retournant au bercail après l'errance. A défaut de pouvoir changer les mentalités et les décors habituels et figés, la plasticienne chasse la déprime générale actuelle, refoule les complexes inhibants et les sentiments accablants, comme la solitude inspirant le son des cordes d'une lyre, la souffrance de l'exil, la désinvolture, la déception, la manipulation à donner des frissons et même l'amour hélant. S'en dégage alors une révolte colorée par des scènes comiques enrichies avec un assemblage de différentes matières de récupération, spécialement le bois, la tôle et le fer; donnant ainsi une dynamique particulière, une vibration, et une singularité à chaque œuvre chatoyante de couleurs primaires, dansant la vie, actant les tâches ordinaires, fuyant le désespoir comme la lumière jaillissant du noir, illustrant les instants de bonheur et de libre désir notamment chez les déshérités, avec leurs habits rapiécés et les instincts affectifs et intuitifs entre les membres de la famille (mère, père et enfants), tout cela à l'image de la vie dans les colonies intertropicales. Les personnages, totalement ou en partie, en relief sont gais, à grosses têtes hautes, dans des corps légers et frêles comme des marionnettes et occupent tout l'espace offert, longitudinal ou transversal. Il est fort possible que pour l'artiste le vide est néant et le néant est aliénant! Par conséquent, elle fonce et se défonce à faire perdre la tête! Les sculptures en fer représentent des rassemblements humains aux sentiments généreux ressemblant aux attitudes sociables des communautés antillaises, dans leur cité splendide de rêves sans loup-garou, leur errance et leur spleen autour de la braise, leurs façons de gérer ensemble, bien que séparés, leurs déceptions et les soubresauts de la vie! Les obélisques sur pied, peints sur les deux ou les trois côtés, sont prêts à être propulsés comme une fusée volante ou un feu d'artifice afin d'égayer la grisaille du ciel de l'île socioculturelle! Irane Ouanès est une incarnation des espoirs de bonheur et de l'euphorie, par une aptitude picturale qui dérange le silence des malheurs de l'autre et les réfléchit avec un miroir ardent, un miroir déformant, un miroir magique et un miroir tordu à tordre les entrailles de douleur ou de rire. L'émotion est, par conséquent, bien là !