Il semblerait que c'est le succès dans le monde arabe du désormais célèbre «Gumus» (Nour en arabe) et son héros Mohannad, qui a ouvert la voie à de nombreuses autres productions turques, telles que «Fatma», «Al Ichk Al Mamnou'» (l'amour interdit), «Baiat Al Ward» (la fleuriste), «Ezel» et le fameux «Harim Esoltan» (le harem du sultan) qui fait un tabac et dont la troisième partie vient d'être livrée aux distributeurs des programmes télé. Attirés par la beauté, le romantisme et le sens de la loyauté et du sacrifice, des millions de femmes et même d'hommes arabes ont succombé au charme de ces feuilletons à l'eau de rose, doublés en dialecte syrien, qui ont vite fait de damer le pion aux tenovelas mexicaines et brésiliennes, doublées en arabe classique. «50 millions de spectatrices arabes regardent les feuilletons turcs» Selon des sondages effectués par le groupe de chaînes satellitaires saoudiennes MBC, dans la région Mena (Moyen Orient et Afrique du Nord), le nombre de téléspectateurs, qui ont regardé le dernier épisode de «Nour», diffusé en 2008 sur la MBC 4, a atteint les 85 millions. Ces téléspectateurs, des deux sexes, ont tous plus de 15 ans. Ils comptent 50 millions de téléspectatrices, l'équivalent de plus de la moitié du nombre de femmes adultes dans le monde arabe. On ne peut ne pas croire en ces statistiques. Car, qui n'a pas, dans son entourage, une amie, une tante, une sœur, une belle-sœur, ou une femme de ménage accro à ces séries turques ? Beaucoup de femmes à la retraite gèrent leur temps selon la programmation télé de ces fictions. Elles sont clouées dans leurs fauteuils, à différents moments de la journée, pour suivre les péripéties d'un jeune couple tiraillé entre tradition et modernité, d'une femme violée qui tente de survivre à sa plaie secrète, ou d'un beau «Mohanned» aux yeux bleux qui trahit la famille en s'amourachant de l'épouse de son oncle. Il suffit de zapper d'une chaîne à l'autre pour rattraper tel ou tel épisode qu'elles ont dû rater pour une raison «majeure». Et comme plusieurs autres spectatrices arabes accrocs, ces femmes rêvent d'aller en Turquie pour marcher sur les pas de leurs acteurs préférés et visiter ces superbes décors naturels que les réalisateurs de ces fictions ne manquent pas de recadrer avec leurs caméras. «Les agences stambouliotes ont doublé le nombre de leurs clients» Dans une interview accordée au journal La Turquie européenne, Ayman Maslamani, président d'une agence de voyages, affirme que ce sont les images de fond utilisées par les séries et dévoilant les charmes d'Istanbul bien plus que les aléas sentimentaux de leurs héros qui attirent les touristes. Cem Polatoglu, un autre entrepreneur, quant à lui, avoue qu'en l'espace d'un an, après la diffusion de «Nour», son agence de voyages a doublé le nombre de ses clients. Une dizaine d'autres agences stambouliotes — sur la centaine travaillant avec le marché arabe — ont désormais inclus un passage sur un lieu de tournage dans leurs circuits. «Les touristes les plus fortunés sont prêts à débourser jusqu'à 60 livres turques (28 euros, 40 dollars) pour pénétrer dans la villa ayant accueilli Nour et Mohannad», indique l'entrepreneur. Et pour lui, écrit-on sur les colonnes de «La Turquie européenne», il n'y a pas d'erreur possible, ce sont bien les feuilletons qui sont à l'origine de cet afflux. «Avant, on emmenait les touristes arabes visiter les mosquées d'Istanbul, on allait aux thermes de Bursa (l'ancienne Brousse, nord-ouest). Maintenant, plus personne ne veut y aller aux cures thermales», raconte Polatoglu. Et de continuer : «Tout le monde veut visiter les maisons où les séries ont été tournées, dîner dans le restaurant vu à la télé». Qui a dit que les feuilletons ne servent à rien ?