Slogans-quintette est la première création du chorégraphe français Hervé Robbe. Il s'agit d'un vrai projet artistique achevé en 2012 et qui a été réalisé au sein de sa structure de production Travelling & Co. On a eu le plaisir de le découvrir jeudi dernier sur la scène de la Bonbonnière dans le cadre de la manifestation «Tunis capitale de la danse». Il s'agit d'un spectacle de danse contemporaine qui propose différents styles de vie, à travers diverses situations, et une sorte de reconstruction du quotidien par l'imagination d'un autre rapport avec l'autre, où chaque corps renvoie à l'ordinaire mais aussi à l'originalité de chacun. Une installation vidéo , une bande sonore qui diffuse des messages de paix, d'amour, de bien être... et des slogans positivant le quotidien et offrant des solutions possibles pour la réalisation de son bonheur . «Les slogans naissent rarement de façon spontanée, ils sont souvent construits avec méthode par ceux qui proposent un message. Outil de communication destiné à frapper les esprits, les slogans sont courts et répétitifs, souvent réducteurs et séducteurs. Publicitaires, politiques ou idéologiques, ils participent à la promotion de l'immédiat, rythment et signent la frénétique accélération de notre époque». Telle est la vision de Hervé Robbe, exprimée à travers ce projet qui englobe musique, texte et mouvements dans une même sphère foisonnante d'énergie positive. Sur fond de musique lyrique, les annonces audio s'enchaînent, offrant des conseils subtils, ou incitant à une certaine vision des choses ou de la vie. «A l'immédiat de la jouissance, préférer la durée des préliminaires»... «Ne pas gober tout cru notre futur, mais prendre le temps d'imaginer de nouvelles recettes»... «L'action bonheur est en baisse, je croyais qu'elle n'était pas négociable» ... «A force de spéculer sur la générosité et interdire la gentillesse, on gaspille ces deux énergies renouvelables» ... «Si notre vraie richesse est notre bien-être, ne pas oublier de le mettre en partage»... La danse va donc dans ce sens. «La musique est un bruit qui pense», disait Victor Hugo , il en est de même pour la danse, ce sont des mouvements qui pensent, véhiculant des idées, spatialisant le rythme profond de l'être, parfois en le précédant, même. Les corps se trémoussent, alors, au gré du rythme, comme si l'on voulait rejeter des siècles d'idées reçues et de stéréotype, à travers ces moments de vérité avec son corps et son âme. Quant aux outils : projection sur écran, voix ou musique, ils étaient presque «autopsiés» devant nous. Chaque image de gens ou de lieux renvoie à un tableau sur scène, chaque note donnait lieu à un geste, tandis que chaque voix était diffractée entre les multiples interprètes. Une impression de viscosité s'imposait, une adhérence se créait entre les danseurs; corps commun dont la précision rappelait une mécanique huilée d'une horloge. Et c'est justement cette image de routine quotidienne qui piège l'homme dans un cercle vicieux, qui nous est renvoyée. Cela est exprimé également dans la répétition des mouvements simples, composés à partir de rotations d'épaules, de bras tendus, d'oscillations du torse, d'inclinaisons de la tête, entraînant le reste du corps vers une marche ou, parfois, vers un mouvement plus compliqué... Tous ces gestes, a priori déjà vus, gagnent à chaque fois, en profondeur et en humanité.