Par Foued ALLANI Un nouveau modèle de développement. Cet objectif de la révolution tunisienne, l'un des plus grands et des plus pressants, a été encore une fois inscrit noir sur blanc dans les annales des deux derniers grands rendez-vous nationaux... Celui organisé sur initiative de l'Utica, la centrale patronale, le 11 mai, et qui a été consacré à la relance de l'économie, et celui organisé par l'Ugtt, la centrale des travailleurs, et dont le second round a eu lieu à Tunis également, le 16 du même mois et qui a englobé l'ensemble des problèmes et défis auxquels est confronté le pays. Réalité préoccupante du pays oblige, ces deux rencontres ont permis de rapprocher les différents points de vue et de renforcer le partenariat entre représentants des patrons et ceux des travailleurs, dont le second souffle a été déclenché le 14 janvier dernier, lors de la signature du «Pacte social». Un engagement tripartite (incluant l'administration chargée du travail au sein de l'Etat) qui se propose de promouvoir les relations au travail, le dialogue et la paix au sein de la sphère laborieuse. Imprégnés de bon sens, de patriotisme et de humanisme, l'ensemble des participants ont mis en exergue, au cours de ces débats, l'importance de cet objectif urgent et primordial consistant à sauvegarder l'appareil productif du pays. Mais aussi et surtout de faire en sorte que l'économie soit au service du citoyen et non le contraire. D'où la nécessité et l'urgence de la construction d'un nouveau modèle de développement. Un modèle où la croissance économique doit obligatoirement se traduire par une régression de la pauvreté, du chômage, du déséquilibre régional, de la dépendance technologique et culturelle, de tous les fléaux sociaux (exclusion, échec scolaire, violence, délinquance, addiction de toutes sortes...) et environnementaux. A ce noble objectif, il faut joindre une méthode efficace pour le réaliser. Là, les participants ont insisté sur la concertation qui, elle-même, devra mener à un large consensus comme démarche générale. Ils ont également insisté sur l'importance de la réalisation d'un diagnostic approfondi de la situation actuelle, puis d'études prospectives sérieuses, mais réalistes, et proposant des scénarios réalisables. Nous avons sur ces mêmes colonnes (janvier-juin 2012) essayé de participer un tant soit peu à cet effet diagnostic et parti de la constatation suivante : le modèle actuel de développement est, en fait, un modèle qui a débouché sur le mal développement et sur des complications (évitables) de notre réalité socioéconomique, politique et culturelle. Ce modèle, basé sur l'exclusion, est venu s'incruster sur un processus d'indépendance hésitant et incomplet qui a fini par donner naissance, avec le temps (un peu plus de cinq décennies), à l'anti-citoyen à l'Etat personnifié, à une classe mafieuse et à des horreurs socio-urbaines que sont les grandes villes, surtout le Grand-Tunis. Un situation qui a favorisé l'apparition de la «rurbanité», foyer de tous les fléaux et énorme frein au développement, car elle possède la particularité d'aggraver les problèmes existants et de générer d'autres encore plus complexes. Après près de 30 mois du déclenchement du processus révolutionnaire, le flottement qu'a connu notre pays a permis, malgré les conséquences fâcheuses sur l'ensemble des aspects de notre vie de citoyens et sur le pays en général, de mettre à nu tous les problèmes dont souffre la Tunisie. Ce qui a pour avantage de rendre le diagnostic plus facile et plus fiable. Il s'agit donc de déclencher le plus rapidement possible le processus de mise au point de ce nouveau modèle de développement dans le sillage de ces deux dialogues et profiter, ainsi, de leur effet positif.