Paul Van Haver, connu sous le pseudonyme Stromae (qui s'applique à Maestro en verlan), est un auteur-compositeur-interprète belge d'origine belgo-rwandaise. Ce jeune homme métis chétif est un vrai dandy, toujours élégant, original et plein d'esprit. Il a marqué le jeune public européen et méditerranéen avec son tube sorti en 2010 Alors on danse qui lui a valu la Révélation musicale belge francophone 2009 et hit de l'année 2010 lors de la quatrième édition des Music Industry Awards. Cette chanson doit son couronnement grâce au rythme et, surtout, aux paroles qui invitent à danser, à chanter et à oublier les ennuis et les soucis quotidiens qui nous accablent. La musique permet alors d'orchestrer notre vie et d'harmoniser ses vertus. Elle est aussi le langage de nos émotions, la langue de nos douleurs et de nos amertumes. Et là on voit notre jeune chanteur faisant le buzz avec sa nouvelle chanson : Formidable dont l'album sortira à la rentrée 2013 et dans laquelle Stromae chante un amour perdu, un chagrin d'amour qu'il noie dans l'alcoolisme. En effet, il était en direct sur France 2 vendredi 24 mai dans l'émission «Ce soir ou jamais». En exclusivité, il chante et interprète sa chanson. Les invités de l'animateur Frédéric Taddei regardent sur le plateau Stromae se balançant «un peu fort bourré», comme il le dit dans sa chanson, ardent et dramatique et essaient de cacher leur ébahissement. Dans cette prestation, le petit Jacques Brel est né... émouvant, surprenant. Oui, d'accord, mais qu'est-ce qu'il a ce jeune homme? Est-il vraiment «bourré»? Est-il alcoolique? Au bord d'une dépression peut-être? Et la courtoisie? Et la bienséance mesdames et messieurs? En fait, le lendemain de cet évènement, le web et les réseaux sociaux, qui, sont emphatiques par essence et par excellence, ont bien vu dans l'émission qu'il était manifestement ivre, et se sont interrogés sur l'état d'âme de l'artiste qui, allant jusqu'à s'asseoir sur la table du plateau pour se reposer et continuer de chanter, n'a pas pu dissimuler son éthylisme ... Un ou deux jours plus tard, le chanteur lance une vidéo amateur en streaming... c'est quoi cette histoire? Ceci n'est pas une rue Par un temps de pluie, le ciel est gris, les passants fourmillent dans cette rue, on voit ce chanteur désorienté, se dandinant, regardant la procession dans un état d'ébriété : pantalon souillé, ceinture défaite, écouteurs enfoncés dans les oreilles fredonnant près de l'arrêt de tramway de la station Louise à Bruxelles: «Formidable... j'étais fort minable, t'étais formidable»! La voix était tremblotante sur cette rue glissante dans laquelle le chanteur a failli tomber... mais c'est une rue qui peuple sa solitude... Il est venu, ce mal-aimé, dans cette station de tram, partager ses sentiments, criant seul un amour malheureux. Avait-il besoin de dire aux autres que la rue, comme le cœur, est le siège de nos malheurs, de nos déceptions et nos déboires et doit nous réunir pour le meilleur et pour le pire, pour tout ce qui est formidable et ce qui ne l'est pas... même minable? Quand Jacques Prévert disait : «je vous salis ma rue», Stroame répond tout simplement : «je vous salue ma rue!» Nous rappelant un tant soit peu Jacques Brel, Stromae confirme que la rue est l'«accordéon de la vie». On a l'impression qu'il y a une personne qui est en train de le filmer en cachette, une personne paparazzi astucieuse qui le suit partout, un voyeuriste peut-être qui doit le prendre dans cet état pour confirmer ce qu'on a vu dans l'émission. Ceci est un spleen Voir une vedette, une star rodant dans une place publique chantant l'amour, «quand on n'a que l'amour», nous fait penser à Jacques Prévert qui notait que «l'amour de la musique mène toujours à la musique de l'amour». Le public est là, le chanteur est las dans son sanctuaire en pleine contorsion, désespéré, se dénigrant et chantant avec une ironie fracassante: «Qu'est-ce que vous avez tous à me regarder comme un singe, vous Ah oui vous êtes saint vous Bande de macaques ! Donnez-moi un bébé singe, il sera... formidable ». Dans l'errance et la détresse, les autres le dévisagent dans la rue comme un « anarchiste ». Il nous rappelle également «les amants tristes » de Léo Ferré : « Il est au féminin ton sentiment Il est comme ces demoiselles qui en ont à revendre Et qui le vendent bien » quand Stromae chante : «Mais c'est qu'un anneau mec, t'emballe pas, Elle va te larguer comme elles le font chaque fois». Dans cette station, comme dans Les gares et les ports de Léo Ferré, on saisit «Qui va qui vient Sans rien donner Partir En cocotte en papier (...) Et dans tes bras Faire une escale (...) Rien que nous deux Sans boussole et sans voile Avec toi pour étoile». Mais «qui donc réparera l'âme des amants tristes»? Dis-moi ce que tu mimes, je saurai qui tu es... Leurre? Feinte? Effectivement, ceci n'est qu'un clip, oui un clip formidable. Il a récolté en moins d'une semaine plus de 3.400.000 vues sur YouTube. Ce chanteur qui diffuse des vidéos où il montre et explique ses œuvres musicales sous forme de cours et de leçons (les leçons de Stromae), livre au monde entier un message, une façon différente de dire et de concevoir les choses pour laisser des traces imposantes dans la cité virtuelle : l'internet. Ceci n'est pas une leçon comme c'est bien dit dans le titre de la chanson, il a réussi après quelques jours à faire taire les rumeurs. «L'aventure est-elle au coin de la rue ?» Oui, répondait Jacques Dutronc. Stromae est bel et bien un dandy, un dandy formidable, anticonformiste. Dans ce clip qu'il a conçu seul, jouant et interprétant une personne qui a le cœur brisé après une rupture amoureuse, Stromae n'avait pas besoin d'engager une autre personne pour le faire, et c'est ce qui fait que ce clip sorte des clichés et des sillons coutumiers du showbiz. Le résultat est saillant : clip très émouvant mais aussi très subtil dans la manière de promouvoir sa nouvelle chanson. D'ailleurs, on a tous applaudi sa « formidabilité ». A la fin du clip, on voit le cadavre ivre devenant exquis, riant, dansant, regardant la caméra comme pour dire à la Léo Ferré : «C'est extra». Alors «Poète .... Circulez! Circulez poète ! Circulez !»