Par Khaled TEBOURBI Alors que le moment politique est à l'incertitude, l'agenda culturel de l'été 2013 est quasiment bouclé. On eut dit deux mondes à l'opposé l'un de l'autre. Une prolifération de festivals, d'animations de villes et de quartiers d'un côté, en «surmultiplication» par rapport aux deux précédentes saisons, et pratiquement «en contrepoint», un dialogue national et un projet de Constitution qui «avortent» presque, un dossier sécuritaire qui patauge dans le flou, et la perspective des élections qui s'éloigne à perte de vue. Honnêtement, on ne voit pas comment les deux «réalités» vont pouvoir s'accorder sur le terrain. L'humeur des Tunisiens, à se fier aux derniers sondages d'opinion, est tout sauf aux réjouissances. Celle des partis se durcit comme jamais elle ne fut. On s'inquiète surtout du déroulement des spectacles. Si la situation sécuritaire n'est pas encore tout à fait maîtrisée, pourra-t-on garantir quiétude aux dizaines de milliers de spectateurs que l'on s'apprête à accueillir ? L'impression est que chaque partie fonctionne seule, sans souci de «se coordonner». Ou alors, c'est qu'il manque un «bout» à la communication. Le département de la Culture se contente d'ébruiter son programme estival. Le ministère de l'Intérieur tient des conférences de presse sur les événements du Chaâmbi et les éventuelles menaces terroristes. Curieux! On est début juin. Les festivals sont dans un petit mois. Et encore, dans un peu plus d'une semaine s'ouvre «La rencontre internationale de Carthage pour la musique municipale», et à peu près à la même période, on célébrera la Fête de la musique, avenue Habib-Bourguiba, à Bab Souika, à Sidi Bou Saïd et au café Saf-Saf à La Marsa. En outre, du 23 au 30 juin, l'exposition «Derrière les murs» réservée à nos plasticiens, ainsi qu'à nombre de peintres américains, taïwanais, libanais, jordaniens et égyptiens. Sans compter le festival du Grand-Tunis qui va «chevaucher» les festivals de Carthage et de la Médina (10-15 juillet). Risques patents Un encombrement sans précédent qui n'est pourtant réellement envisageable que sur le papier. Songeons un peu à ce qui peut survenir durant la même période. Interrogeons-nous surtout : - La quatrième mouture du projet de Constitution met déjà aux prises les différentes coalitions de l'Assemblée constituante. On en vient presque aux mains depuis quelques jours. Et s'il fallait tout effacer et repartir à zéro, quelles en seraient les conséquences sur l'équilibre urbain, sur la psychologie des citoyens? Arrivera-t-on dans ce cas, à régler le problème de la légitimité? Ira-t-on vraiment vers des élections? Les risques sont proches, tout proches, et patents. Se peut-il qu'on les laisse venir sans prévenir, et en «s'attelant» à programmer des galas et des expositions sans se préoccuper le moins du monde de la situation réelle, ni même potentielle du pays? On n'ira pas jusqu'à accuser les responsables de «distraction». Mais au fur et à mesure que les complications politiques se précisent et que les échéances festivalières se rapprochent, on est, de plus en plus, tenté de conclure qu'ils n'en sont pas loin. Une solution? Ne pas attendre la toute dernière heure pour éclairer le public sur les mesures à prendre. On a vu ce à quoi cela a pu aboutir l'an dernier à El Abdellia et un peu partout où des représentations entières avaient dû être interrompues ou simplement annulées. Concrètement, on aimerait qu'autorités culturelles et sécuritaires fassent, d'ores et déjà, le point, et décident dès maintenant en fonction de «l'état des lieux». On attend surtout d'être informés, dans le détail, sur ce que serait l'attitude de la force publique si, «d'aventure», la gent extrémiste s'avisait encore à pointer du nez. Que l'on sache, hélas, celle-ci est toujours libre de ses mouvements.