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Duras, toujours vivace
Colloque - Altérité et étrangeté ou la douleur de l'écriture et de la lecture (II)
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 06 - 2013


Par Nebil RADHOUANE
Nous publions, aujourd'hui, la deuxième partie (voir la première, dans notre édition d'hier) de la présentation et de l'analyse des actes du colloque sur «les étrangers et l'étrangeté dans l'écriture de Marguerite Duras» publiés à l'instigation et sous la direction du Pr. Najet Limam-Tnani, sous le titre Marguerite Duras. Altérité et étrangeté ou la douleur de l'écriture et de la lecture (*).
Le cinéma et le théâtre ne sont pas que des lieux de références en aval pour l'œuvre durassienne. Ils peuvent constituer, entre autres, un "intertexte littéraire et cinématographique" où puise l'univers de l'écrivain. C'est l'une des idées développées par Cécile Hanania, de Western Washington University, dans une étude inscrite dans le deuxième volet du colloque, après celle de Joëlle Pagès-Pinchon, des Classes Préparatoires aux Grandes écoles littéraires – Janson de Sailly. Conformément au thème de ce volet, cette dernière montre, avec force détails, comment au-delà des influences héritées de son expérience asiatique, Duras résistera dans "L'empire français" au désordre de l'altérité et au déracinement irréversible par ses réminiscences françaises et ses codes du terroir.
Altérité à soi, identité quand même
Les codes coloniaux sont en revanche dénoncés, comme en témoignent les analyses de Wafa Ghorbel, Julia Waters et de Joël July, de l'Université d'Aix Marseille. Ce dernier nous propose une riche réflexion, à partir d'une lecture de "Un barrage contre le Pacifique", sur "l'image des enfants de la plaine" souvent décrits dans l'œuvre durassienne sur le mode de l'ironie et de l'humour noir. Cette autre forme d'hybridation et d'étrangeté marque encore le recul et la distance et de l'écrivain et du lecteur par rapport aux codes colonialistes. De l'Institut Supérieur des Etudes Appliquées en Humanités de Gabès, Wafa Ghorbel nous propose ensuite, toujours en renvoyant à "Un barrage contre le Pacifique", une analyse de la figure de la mère en tant que métaphore identitaire chez les enfants indigènes, en tant que primogéniture étrangement reniée au profit d'un substitut parental recherché et trouvé en Indochine. Quant à Julia Waters, de l'University of Reading, elle nous convie à une lecture de "L'Amant" et "L'Amant de la Chine du Nord" à travers un autre idéal androgyne (ou plutôt à l'idéal androgyne de l'Autre). L'étrangeté affecte cette fois, en accord avec la sagesse orientale du "wen-wu" de Confucius, le fantasme d'une "virilité" si exotique et si "autre" qu'elle emprunte les attributs de la féminité.
De la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, Najet Tnani-Limam, coordonnatrice du colloque et de l'ouvrage, propose d'autres thèses à partir de "L'Amant" et "L'Amant de la Chine du Nord". Dans une analyse remarquable par son inspiration et sa cohérence, Najet Tnani-Limam pousse à leurs extrêmes les figures de l'altérité, de l'étrangeté et de l'extranéité. Le déracinement ne serait donc pas unique mais double. Le métissage serait multiple et l'identité complexe, "ramifiée et ouverte aux altérités les plus radicales", laquelle identité d'ailleurs n'exclut pas même "l'étrangeté au cœur de l'intime" et l'altérité par rapport à soi.
De l'étrangeté comparée
Comme l'étrangeté est la notion la mieux partagée (bien qu'à divers degrés) par tous les écrivains dignes de ce nom, un troisième volet s'est imposé. Le modèle durassien devient une tribune où d'autres chercheurs sont venus témoigner d'expériences similaires. Mathias Aronsson, de l'Université de Dalarna, compare "L'Amant" et "L'Amant de la Chine du Nord" à "Saison de la Migration vers le nord " de Tayeb Salih : mêmes récurrences thématiques, mêmes représentations de l'autre, mutatis mutandis.
Emna Beltaïef, de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, nous convie à une lecture originale de "Dans le Café de la jeunesse perdue" de Patrick Modiano comparé à "Moderato Cantabile" de Marguerite Duras. L'analyse de Emna Beltaïef, marquée d'un classicisme qui s'accommode bien d'une approche moderne, essaie de montrer que les personnages chez l'un et l'autre écrivains sont manifestement raciniens, dans la mesure où leur étrangeté atteint à la passion tragique et à la mort. Au tragique s'ajoute le dramatique dans l'étude de Najet Labidi, de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, qui voit dans "Le théâtre de l'Amante anglaise" et le "Malentendu" de Camus, la même tension sans issue qui, ajoutée à la récurrence du "crime" et du "meurtre", enferme les personnages à l'intérieur d'eux-mêmes. Et c'est en comparaison de "L'Etranger" que Selila Mejri, de l'Institut Supérieur des Langues de Tunis, interroge la même œuvre durassienne. Elle est, quant à elle, surtout sensible à la binarité d'une structure dans les deux écrits et, comme dans les deux communications précédentes, au tragique des personnages qui évoquent ceux du théâtre classique. Mais, en analyste attentive également aux spécificités de la langue, Selila Mejri voit que l'un des indices de l'étrangeté réside dans les distorsions volontaires et la subversion des normes syntaxiques et lexicales. Ce serait dans l'étrangeté de cette "langue inversée", cette langue en négatif, que réside "le vrai".
Enfin, Amor Ben Ali, de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba, est bien le seul à convoquer les arguments d'un poète, Henri Michaux, pour nous proposer une lecture comparatiste des plus originales de l'œuvre durassienne. Les thèmes communs de l'Orient, la mort et les paradis artificiels, pour emprunter le terme de Baudelaire, ne sont pas que des lieux illustratifs d'une vision marquée de bout en bout, chez l'un et l'autre, par le souci de l'introspection généralisée, de "l'exploration du dedans" et de la spéléologie de soi poussée aux extrêmes, mais nous rappelle aussi que ces formes d'étrangeté ne sont pas exclusives à un genre. Ce sont là des traits qui jamais du prosateur ne séparent le poète.
La variété et la richesse de tous ces articles autour de l'œuvre originale de Marguerite Duras s'insèrent joliment dans une harmonie d'ensemble. On aura compris qu'il s'agit là d'un ouvrage composé autour de concepts porteurs - génériques si l'étrangeté est entendue au sens large d'attribut reconnaissable due à la littérarité, ou spécifiques si elle est perçue comme le degré optimal d'un texte singulier et marquant.
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(*)Marguerite Duras. Altérité et étrangeté ou la douleur de l'écriture et de la lecture, sous la direction de Najet Tnani-Limam, Presses Universitaires de Rennes, 2013, 253 pages, 16 euros.


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