A World Not Ours (un monde qui n'est pas le nôtre) du Libanais Mahdi Fleifel vient de remporter le Prix du public et le Grand Prix au festival du film documentaire Millenium, en Belgique. On a eu l'occasion de voir ce film multiprimé (trois prix au festival d'Abu Dhabi dont celui du meilleur documentaire, le Peace Film Prize à la Berlinale, le Prix du public à Punto de Vista et le Prix Viktor DOK.horizons à DOK.fest Munich) et on n'a pas résisté à l'envie de faire partager notre avis sur cette «perle». Le documentaire propose une incursion étonnante, touchante et drôle dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban. Depuis plus de 60 ans, environ 70.000 Palestiniens vivent entassés dans le camp de Aïn El-Hilweh au Sud-Liban. C'est là qu'a grandi le réalisateur Mahdi Fleifel avant d'émigrer au Danemark. Au fil des années, il est revenu au camp passer ses vacances et a réuni plus de 20 ans d'enregistrements tirés de vidéos familiales et de son propre journal documentaire. Avec une grande délicatesse et un humour inattendu, A World Not Ours propose une incursion très personnelle dans l'univers du camp. On découvre un microcosme surprenant qui, contarairement aux clichés, durant la Coupe du monde de football, se pare de drapeaux brésiliens, italiens et allemands, et où le plus grand ennemi n'est pas Israël mais l'absence d'espoir. Au centre du film, la relation entre le cinéaste et son ami d'enfance, Abu Eyad, laquelle relation met en lumière l'inégalité des destins. Si les deux hommes partagent une même passion pour le foot, la musique mélancolique et la politique palestinienne, l'un peut quitter le camp mais l'autre pas. Quand on va voir ce film, on s'attend à voir une énième fois le même conflit entre Arabes et Israéliens et les mêmes images de la cause. Mais le tour de force de Mehdi Fleifel est, justement, de servir cette cause, autrement. En effet, pour un premier film, on peut dire qu'il s'agit d'un documentaire à la fois drôle et profondément humain. En plus, et nous n'hésiterons pas à le dire, le travail de ce jeune réalisateur doit servir d'exemple aux seniors arabes du métier, ceux qui remâchent les mêmes clichés et les mêmes rythmes narratifs jusqu'à faire fuir le public. Oui, il s'agit bien d'une construction et d'une narration captivantes... Et tous les membres du jury ont été unanimes sur ce point : «Une construction intelligente d'histoires humaines, avec leurs anxiétés, leurs peurs et leurs espoirs». On ne manquera pas non plus de noter cette bonne dose d'humour mêlée à une musique jazzy et à une narration hors champ. Le film vient aussi nous rappeler l'importance des archives personnelles, puisque l'auteur a introduit plusieurs séquences de vieux films tournés sur plus d'une vingtaine d'années et qui lui ont servi à la construction de son documentaire; un documentaire émouvant et un vrai régal technique qu'on espère voir un jour sur nos écrans. Avis à nos programmateurs.