Je trouve que le discours du chef du gouvernement est un discours de circonstance qui se caractérise par un ton menaçant alors que le peuple qui a peur pour son présent et son avenir et celui du pays, après le troisième crime politique et l'assassinat de Mohamed Brahmi, s'attendait à être rassuré par des prises de position conséquentes. Or, Ali Laârayedh n'a pas reconnu l'échec de ce gouvernement et c'est là une grande erreur qui constitue une sorte de fuite en avant. Puisque le chef du gouvernement considère tous ces manifestants qui sont descendus par milliers après l'assassinat du député Brahmi dans toutes les régions du pays comme de simples fauteurs de trouble. Le chef du gouvernement a agi comme s'il faisait un discours adressé à ses partisans, omettant de voir que les Tunisiens protestent et manifestent aujourd'hui par milliers contre la violence, ces assassinats politiques et le terrorisme et sont même en train de créer des comités de coordination dans certaines gouvernorats. Ali Laârayedh a usé d'un ton menaçant parce qu'il pense avec ses partisans au gouvernement et dans le parti que tout le monde complote contre Ennahdha. D'où l'expression utilisée dans son discours «une poignée d'individus» visant entre autres les députés de l'opposition en sit-in leur manquant, ainsi, de respect. Moi, je me suis présenté aux élections de l'ANC pour écrire une constitution pour le pays conformément aux attentes de tous les Tunisiens : réaliser ne serait-ce que le minimum des objectifs de la révolution. Mais après 18 mois et au vu de tous les événements tragiques et autres troubles et tensions politiques qu'a connus le pays, je considère que je ne pourrai plus réaliser dans les conditions actuelles du fonctionnement du système politique les raisons pour lesquelles je suis à l'ANC. C'est pourquoi je me suis retiré, à moins d'un changement radical concernant la prochaine période. Aujourd'hui, je constate qu'on est loin du modèle démocratique que je rêvais pour le pays tant le parti au pouvoir a mis la main sur toutes les articulations de l'Etat dans le but de pérenniser leur pouvoir. Car la culture de l'alternance démocratique du pouvoir, est totalement absente dans leur esprit. A preuve 95% des délégués et 85% des gouverneurs sont issus du parti Ennahdha qui a accaparé le pouvoir, surtout qu'Ettakatol et le CPR ne peuvent rien faire. Une bonne partie de l'opposition a beaucoup œuvré pour l'émergence d'un consensus entre les diverses forces politiques, surtout après l'assassinat du martyr Chokri Belaïd. Nous avons appelé au dialogue à travers l'organisation de quatre rencontres. Nous avons participé au congrès national contre la violence, tout le monde a signé le document sauf Ennahdha, envoyant par là un message de permissivité et d'impunité à ceux qui prônent et utilisent la violence. Maintenant, le chef du gouvernement nous demande de dialoguer. On se demande pourquoi Ennahdha a refusé de participer à toutes ces rencontres et dialogues visant la recherche d'un consensus pour le bien du pays. La sortie de la crise politique où se débat le pays n'a de chance de réussir que par la formation d'un gouvernement d'union nationale constitué de compétences reconnues. Hamadi Jebali l'a bien proposé après avoir admis l'échec de son gouvernement. Concernant l'ANC, si tous les partis décident de son maintien, il faudra inconditionnellement remplacer la loi n°6 sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics par une autre délimitant les missions et les périodes. Sinon un comité d'experts pourrait revoir le texte de la Constitution pratiquement terminé. Il faudrait également cesser d'évoquer cette question récurrente de la légitimité et opter pour un fonctionnement politique privilégiant les accords politiques dans un esprit de consensus national. Car, après 18 mois d'exercice, ce gouvernement au lieu de s'améliorer donne des signes de faiblesse, de fragilité et d'échec. Ce que Hammadi Jebali a reconnu dans une lettre envoyée aux députés de l'opposition et où il appelait à la concertation. Il est temps que Ali Laârayedh dont on s'attendait à ce qu'il fasse de même suivre son exemple.