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Le retour aux idéaux de l'identité tunisienne pour lutter contre le jeu latent des grandes puissances
Entretien avec Noureddine ennaifer (Expert en études géostratégiques)
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 08 - 2013

Dans l'optique de mieux saisir la place de la Tunisie par rapport à la nouvelle carte des relations internationales, La Presse est allée à la rencontre de Noureddine Ennaifer, secrétaire général de l'Association tunisienne des études stratégiques, directeur de recherche et professeur à l'Ecole supérieure des forces de sécurité intérieure de Tunisie pendant dix ans. Entretien.
De nombreux Tunisiens songent aujourd'hui à une relation étroite entre les actes terroristes qui ont proliféré en Tunisie, l'extrémisme religieux, le terrorisme international et les agendas étrangers. Jusqu'à quel point s'articulent-ils selon vous ?
D'abord, il faut qu'on définisse la position géopolitique de la Tunisie, surtout sa fonction politique dans la mouvance de ce qu'on appelle le Printemps arabe. Dans ce sens, il est fondamental de dire que le 14 janvier 2011, il y a eu un mouvement de changement politique pour la création d'une nouvelle région au monde plus ou moins démocratique. Cela a commencé par la Tunisie, puis l'Egypte, la Libye, la Syrie et le Yémen où l'on n'a pas beaucoup réussi. La volonté d'opérer un changement dans cette région du globe date de 2002, c'est-à-dire du temps des néoconservateurs, tels que Condoleezza Rice, Paul Wolfowitz et Leo Strauss. Les peuples de ces pays ont participé activement à ce projet qui leur semblait prometteur si l'on parle démocratie et liberté d'expression. Or, il se trouve qu'ils sont aujourd'hui confrontés à d'énormes difficultés d'ordre économique et sécuritaire. C'est que leur niveau de vie ne cesse de se dégrader, le service public est devenu d'une médiocrité insupportable et leur endettement s'accroît d'un jour à l'autre. Sachant que tous leurs repères socioculturels ont été perdus. De ce point de vue, l'invasion de l'extrémisme religieux en est un témoignage vivant et semble être lié, de surcroît, à des agendas internationaux. Lesquels agendas s'articulent autour de deux pôles, à savoir l'organisation internationale des Frères musulmans et la politique étrangère du pays de l'Oncle Sam. Dans cet ordre d'idées, il y a lieu de rappeler que les Frères musulmans constituent—ce détail tout le monde l'oublie-un lobby aux Etats-Unis d'Amérique. D'ailleurs, Mohamed Morsi a été longtemps encadré par le lobby des Frères musulmans évoluant dans ce pays. D'autant plus que tous les pays du Golfe ont soutenu les Frères musulmans voyant en eux un rempart contre l'Iran et toutes les tentatives de démocratisation de la région arabe qui pourraient menacer leur existence. Pour ce qui est de l'agenda américain, il ne faut pas perdre de vue que les Etats-Unis cherchent à conquérir de nouvelles sphères dans le monde afin de contrecarrer l'évolution des puissances économiques les plus émergentes appelées encore les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et l'Afrique du Sud). Si la Maison Blanche craint ces pays, c'est parce qu'ils ont conçu un autre modèle de développement basé sur le partage de la richesse et la coopération bilatérale. Ils ont également manifesté leur disposition à soutenir les peuples du tiers monde, en optant pour la création de grandes ères d'intérêts mutuels et d'échanges économiques et scientifiques. L'agenda américain serait donc tributaire aussi bien de ce détail susmentionné que d'autres facteurs, tel l'épuisement des ressources minières et des énergies non renouvelables. Il est aujourd'hui clair comme l'eau de roche que les Etats-Unis conçoivent les politiques et que les Frères musulmans les exécutent non sans une dynamique propre, faut-il avouer. C'est-à-dire qu'ils ne sont pas de simples agents, mais qu'ils ont eux aussi leur mot à dire. L'Egypte, depuis longtemps acteur central dans la stratégie américaine, paye lourdement aujourd'hui l'échec de sa politique qui a tant dérangé son environnement politique. Ajoutons que l'institution militaire égyptienne refuse toujours de céder 40% du Sinaï aux Israéliens et de partager avec eux le passage du Canal de Suez et de coopérer avec eux contre tous les pays arabes. La Tunisie, elle n'est pas à l'abri de tous ces facteurs géostratégiques.
Le terrorisme est souvent annexe d'un projet politique. De quel projet peut-on parler en Tunisie ?
L'on assiste aujourd'hui à une nouvelle idéologie islamiste dans certains pays arabes. Cette nouvelle idéologie prônée en Tunisie, en Egypte et dans le reste des pays du Printemps arabe comprend comme ligne directrice l'Islam comme ultime solution. Autrement dit, le retour aux sources pour résoudre tous les problèmes. Dans ce sens, agissent les réseaux terroristes les plus redoutés, dont Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) pour, ensuite, tenter d'intrumentaliser par la religion nos jeunes dont une grande partie sombre dans la misère tout en étant en panne de culture et d'acquis cognitifs de valeur. Cette génération que les groupes terroristes cherchent à enrôler pour servir leur trafic d'armes et de drogues est très douée en matière de technologies de l'information et de la communication. Ainsi, elle devient d'une utilité et d'une efficacité indéniables pour les terroristes. Tout cela fait partie du grand projet des Frères musulmans qui veulent fonder une grande nation islamique englobant l'Egypte, la Libye et la Tunisie.
Selon certains stratèges, ce qui se passe en Tunisie fait partie d'une stratégie américaine pour une conquête néocoloniale d'un vaste territoire. L'objectif ultime étant de redessiner la carte de l'Afrique et de transformer l'Afrique francophone riche en gaz, en pétrole, en uranium et en minéraux stratégiques en une sphère d'influence étasunienne. Qu'en dites-vous ?
Les Américains composent avec le diable s'il le faut, ils n'ont pas d'amis. Ce qui compte pour eux c'est avant tout leurs intérêts. En réalisant qu'ils ont aujourd'hui lâché Morsi et les Frères musulmans en Egypte, l'on comprend qu'ils cherchent à stabiliser ce pays, puis la Tunisie et la Libye. D'autant plus que les stratèges américains sont conscients que si l'on parvient à faire du modèle tunisien de transition démocratique un modèle à suivre pour ce qui est du vivre-ensemble et à créer un modus vivendi entre un islamisme modéré et une intelligentsia libérale, leur pays en tirera de larges profits sur tous les plans. La Tunisie vit aujourd'hui un nouveau paradigme, celui de la phase postislamique, cela est un fait accompli. Toutefois, il ne faut pas oublier que la France est encore le premier partenaire économique de notre pays. C'est que l'Hexagone ne permettra en aucun cas que la Tunisie bascule dans un climat d'anarchie totale. Car les Français savent très bien que la destitution de l'Etat de droit et la propagation de la violence et du terrorisme généreront un séisme politique en Algérie. Ce qui aura des conséquences désastreuses et sur le plan économique et sur le plan sécuritaire pour eux, puisque des millions de Maghrébins résident là-bas. D'autre part, la France a vu sa prévalence culturelle s'affaiblir en Tunisie ces derniers temps. Cette faiblesse, à l'encontre de ce que pensent certains, n'est point en faveur des Etats-Unis d'Amérique, elle leur serait plutôt nuisible. C'est-à-dire que l'arabisation à outrance de l'éducation par des contenus moyenâgeux ayant trait à la culture salafiste engendrerait une culture où prévaut l'anti-américanisme. Ce faisant, il s'avère qu'une conquête néocoloniale de la région maghrébine n'est pas du tout dans l'intérêt des Américains.
Mais, Hannah Arendt a dit un jour que «l'idée politique centrale de l'impérialisme est l'expansion comme un tout permanent et suprême de la politique». Tout autant que Chalmers Johnson a écrit que « l'impérialisme ne peut pas exister sans un puissant appareil militaire et policer pour soumettre les gens qui s'opposent à son chemin et un système économique pour financer un établissement militaire coûteux et improductif ». De-là, peut-on parler d'une tentative de militarisation de l'Afrique du Nord, y compris la Tunisie ?
Quand elle a abordé la question de l'impérialisme, Hannah Arendt l'a analysée à partir d'un concept appelé le totalitarisme. Elle concevait, alors, que le penchant essentiel de l'Europe du temps de la Deuxième Guerre mondiale, lors des expériences nazie et fasciste, était un penchant totalitaire et belliqueux, dans lequel le complexe militaro-industriel était dominant et déterminant dans la dynamique des relations internationales. La théorie la plus adaptable aux temps qui courent serait néanmoins celle du politologue français Maurice Duverger qui nous a appris que les deux principaux acteurs dans les relations internationales sont le soldat et le diplomate. L'on entend par cela la force et la négociation. Aujourd'hui, les Etats-Unis d'Amérique sont une force redoutable qui détient plus que 40% de toute la puissance militaire mondiale. Tout autant qu'elle a le réseau diplomatique le plus fort et le réseau d'intelligence le plus puissant dans le monde.
Il est donc une évidence que les Américains veulent vendre leurs armes. Mais, ils ne font pas que ça. Ils ont besoin d'énergies, d'uranium et de pétrole et s'attachent à préserver leurs intérêts dans les pays du Golfe, où ils ont les investissements financiers les plus lourds. Dire que les Américains ont dépensé, depuis les accords de Camp David, 200 milliards de dollars en Egypte et plus que 150 milliards de dollars dans la guerre d'Iraq. Ce sont des sommes faramineuses qui peuvent mieux nous éclairer sur les stratégies américaines actuelles et à venir. Ce qui les intéresse en premier c'est les pays du Golfe, non pas uniquement pour leur manne pétrolière mais aussi pour la rente injectée dans les banques et les circuits financiers américains. Quand on sait que ce pays est par les temps qui courent le plus endetté dans le monde, l'on comprend que les Américains ont besoin de l'argent des Arabes et que l'impérialisme américain n'est pas uniquement un impérialisme militaire, mais aussi un impérialisme totalitaire comme l'a si bien dit Hannah Arendt. C'est, au demeurant, un impérialisme qui est couplé à une diplomatie subtile, régie par des conventions internationales de coopération et des ONG dont les finalités ne sont pas claires. Autrefois, les Américains ont créé de nouveaux serviteurs, dont Al-Qaida, pour détruire l'empire soviétique et ils ont réussi. Aujourd'hui, les choses ont changé et avec la globalisation, le néocolonialisme a perdu son sens linéaire en la présence de multinationales où l'on procède à une fusion des institutions financières. Sachant que 40% des banques américaines sont détenues par les Japonais et que le pays auprès duquel les Etats-Unis sont le plus endettés est la Chine. Pour conclure, il convient d'admettre que la stratégie militaire américaine n'émane pas uniquement d'un souci de vente des armes, mais aussi d'une volonté de conserver ses avantages dans le système des créances internationaux.
L'Egypte et la Syrie ont complètement basculé dans la violence et le terrorisme et semblent avoir atteint un point de non-retour. Quels seraient les éléments déterminants pour la Tunisie pour échapper au mal et retrouver la pureté de ses origines ?
Sur le plan social et culturel, les Tunisiens sont appelés à retrouver les idéaux de l'identité tunisienne, à savoir, la modération, la juste mesure, la tolérance religieuse et l'éduaction comme étant un moyen fondamental pour cultiver les hommes. Le système éducatif est à revoir car on a aujourd'hui des tas de bacheliers et de diplômés de l'enseignement supérieur sans vrais acquis cognitifs, donc faciles à instrumentaliser et à conditionner.
Sur le plan économique, l'on doit mieux s'ouvrir sur les marchés et les économies émergentes tels que les Brics. Car en l'état actuel des choses où nous nous trouvons endettés à raison de 13 mille milliards de dinars, nous risquons soit un scénario grec, avec une dégradation et une dévaluation de la monnaie locale, puis, la faillite totale, soit un scénario roumain avec d'énormes coupes budgétaires et une diminution de 20% des salaires, soit un scénario espagnol avec un arrêt total de l'embauche dans la fonction publique.
S'agissant du volet politqiue, il faut avouer qu'il y a un grand travail à accomplir. C'est que le parti Ennahdha qui n'a réalisé aucun des 365 points de son programme électoral est appelé à tout revoir. C'est que ce parti qui a perdu le soutien des Frères musulmans en Egypte et qui n'arrive pas à concevoir un contre-pouvoir par sa dynamique interne a devant lui deux solutions. Soit adhérer à une alliance avec Nida Tounès et faire des concessions considérables et alléchantes pour la Gauche, notamment la gauche laïque derrière laquelle se trouve l'ensemble des élites européennes. Soit reste coincé dans sa dynamique interne et affrontera par la suite monsieur tout le monde de la société tunisienne pour qui les théories et les phrases toutes faites importent beaucoup moins que son pain , sa réalité et son vécu quotidiens. Ennahdha est en panne de penseurs et de vrais stratèges capables de planifier une feuille de route en mesure de réunir autour d'elle tous les Tunisiens. C'est pourquoi, elle doit tendre la main aux intellectuels, aux universitaires et au reste de la classe politique tunisienne, afin d'épargner au pays une descente aux enfers qui s'avère très proche.
Sur le plan diplomatique, il faut dire que nos amis Allemands ont fait montre de sincérité s'agissant de leur soutien au processus démocratique tunisien. D'ailleurs, ils ne cessent de soutenir les organisations de la société civile et d'encourager la coopération politique, technique et intellectuelle. Mais, il se trouve qu'ils sont aujourd'hui intensément frustrés de voir tous leurs investissements matériels, logistiques, politiques et symboliques menacés par l'échec. La classe politique est appelée à regagner la confiance des Allemands qui dénoncent catégoriquement l'installation d'une nouvelle dictature.


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