Par Nejib OUERGHI Face à l'impasse politique, c'est le dossier économique qui a pris les devants. Les évolutions préoccupantes de la situation économique ont polarisé l'attention et suscité inquiétudes et questionnements. Le diagnostic établi respectivement par le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie et les projections pessimistes effectuées par les économistes et les experts du FMI, notamment, ont abouti à une même conclusion : une multiplication des incertitudes et des risques dont la persistance pourrait conduire le pays à la banqueroute. A l'évidence, le mal réside dans l'exacerbation des dissensions, l'improbable accord entre les différents protagonistes politiques sur une feuille de route et l'accentuation des risques sécuritaires. Un mélange détonant pouvant enfoncer le pays dans un cercle vicieux et de graves difficultés économiques. D'ores et déjà, la sonnette d'alarme a été tirée et tout laisse à croire que le pays ne dispose plus que d'une marge infime de manœuvre. Il est même acculé à prendre des mesures urgentes et douloureuses pour éviter une rude descente aux enfers. Les difficultés sont, aujourd'hui, ressenties par les opérateurs et même par le citoyen ordinaire. Elles sont devenues, de l'avis des experts, structurelles et source de grandes fragilités pour le pays qui est en train de trouver toutes les peines du monde pour mobiliser suffisamment de ressources pour le développement. Un sévère constat, qui suscite quand même quelques divergences au niveau des thérapeutiques à administrer. En effet, si tout le monde s'accorde à dire que le déclic ne peut provenir que d'une solution rapide de la plus grave crise politique que connaît la Tunisie, les solutions proposées sont différenciées et, parfois même, décalées de nos réalités. Avec la détérioration des indicateurs économiques, en l'occurrence l'aggravation du déficit budgétaire et celui de la balance courante, la poursuite de la poussée inflationniste, l'accentuation des vulnérabilités du secteur bancaire, le repli des investissements et la poursuite des pressions sur le taux de change du dinar, le ministre des Finances a vite annoncé la couleur annonçant l'urgence de la mise en œuvre de mesures d'austérité. Une annonce qui a surpris et donné du fil à retorde pour de nombreux Tunisiens qui s'attendent plutôt à des mesures de rigueur budgétaire et de rationalisation des dépenses publiques qu'à de nouvelles dispositions fiscales pouvant grever encore la bourse des salariés et bloquer davantage la relance de l'activité économique. La grande question qui se pose est quelle priorité choisir dans un tel contexte ? Soutenir l'activité économique, remettre de l'ordre dans les finances ou se contenter de simples palliatifs pour maîtriser le déficit budgétaire ? Même si le gouvernement se trouve incapable d'agir dans l'urgence, il importe de ne pas se tromper de cible et de ne pas céder aux choix de facilité qui consistent à se contenter de mesures fiscales qui ne feront que bloquer davantage processus de relance. Le FMI a averti, vendredi, que l'accentuation des risques sur l'économie tunisienne implique des actions fortes, y compris dans la mise en œuvre des réformes, nonobstant les contraintes associées aux développements politiques. En termes plus concrets, cela suppose accélérer la mise en œuvre de réformes pour générer une croissance plus élevée et inclusive, soutenir le développement du secteur privé, renforcer le secteur bancaire et protéger les populations les plus vulnérables. De son côté, la BCT est sortie de sa réserve en considérant que la restauration de la confiance, la relance et le développement régional sont tributaires de la fin de toute incertitude et de manque de visibilité politique. Il semble que ces appels de détresse ont été finalement entendus, puisque l'espoir de sortie du pays de l'impasse politique commence à se préciser et un grand pas vers l'instauration d'un véritable dialogue national vient d'être franchi. La pression de la rue, à travers les marches pacifiques organisées un peu partout dans les régions, la poursuite des tractations et des missions de bons offices commencent à porter leurs fruits. Au bout de deux mois de longues et éprouvantes négociations, tout indique qu'on est proche d'une solution consensuelle et que l'initiative du Quartet ne soulève plus d'objection de la part de la Troïka, notamment du mouvement Ennahdha. Cette dernière semble, enfin, avoir pris la mesure des dangers qui guettent le pays en acceptant la feuille de route du parrain du dialogue national, dans son ensemble et sans aucune condition préalable. Une lueur d'espoir qui peut nous sortir de la grisaille qui a longtemps pesé sur la vie politique, économique et sociale dans le pays. Elle exige, néanmoins, des actes concrets et une prédisposition sans faille pour la consolider. La fin de la période de transition, l'organisation des prochaines élections en dépendent et, aussi, la garantie de la stabilité du pays, de sa sécurité, de son modèle de développement. «Quand on voyage vers un objectif, a dit un célèbre auteur, il est très important de prêter attention au chemin. C'est toujours le chemin qui nous enseigne la meilleure façon d'y parvenir». Toute la question est là.