Hormis faire du cyclisme en montagne (et encore, sans les dopants), le tennis est assurément le sport le plus difficile au monde. Ereintant comme jamais. Exigeant de ses compétiteurs une force athlétique et mentale à la limite du possible. Pas même les stars milliardaires du foot n'y parviennent. Ni, à l'évidence, les richissimes vedettes de la Formule 1 et du golf. On parle de tennis parce qu'il faut rendre hommage à Ons Jabeur, notre benjamine, héroïne malheureuse de la finale junior de Roland-Garros. Quelle performance, vraiment! et à un âge (15 ans) où d'autres, au mieux rêvent de copier Maradona et Messi, au pire, gigotent, à perdre souffle, sur des pistes de discothèques. Un regret pourtant : que les médias (quasiment tous) en ont un peu rajouté avant coup. Pour ne citer qu'un exemple, à la veille du match, sur la radio nationale, on a poussé l'enthousiasme jusqu'à interviewer tout l'entourage de la championne. Un déluge d'optimisme : la maman, le frère d'ici, le frère d'ailleurs, les fédéraux, les entraîneurs, les amis et les proches, etc. Un moment on eut cru l'affaire déjà pliée. Gagnée. Sur le plan purement sportif, les experts vous diront que ce n'était guère la meilleure façon de préparer une rencontre de cette importance. On ne sait si Ons était à l'écoute, c'était en tout état de cause prendre le risque de la sortir de sa concentration. Mais il n'y a pas que cela. Il y avait, aussi, en la circonstance, à faire preuve de retenue, de patience, de discrétion. Notre collègue philosophe, Raouf Seddik, ajoute «à ne pas s'attirer le mauvais œil». Plaisantait-il? Oh! que non. La crainte du mauvais œil (souligne-t-il) ne traduit, à bien y voir, ni fétichisme, ni superstition, elle fait partie de nos sagesses anciennes, de ces sagesses fondées sur des expériences dûment vécues, toujours avérées, toujours confirmées et qui transmettent à travers les proverbes, les dictons, les traditions, ce que sont les fondamentaux de la vie. Ne pas trop présumer des choses (ne pas crier trop tôt victoire) est une bonne vieille sagesse. Dans le cas de Ons Jabeur, l'erreur des médias, de nous tous, a été de faire systématiquement confiance au talent, c'est-à-dire aux capacités objectives d'une championne et de négliger le côté improbable, incertain, du sport. Quelque part, le fait d'avoir compté uniquement sur la méthode et la science sportives a dû rompre l'équilibre général d'une situation. Au lendemain de la défaite de Ons, un article paru sur le site de la Fédération française de tennis s'étonnait du résultat et rappelait que la jeune Tunisienne partait logiquement favorite, ayant déjà battu, et facilement sa rivale ukrainienne (!!?). Ceci peut-être explique cela… La trace ou la place D'autres exemples de «sagesses occultées»? Un tas. Les plus visibles, les plus actuels sont dans la musique et à la télévision. Un de nos artistes évoquait l'autre jour la mode, de plus en plus insistante, des reprises du vieux répertoire. Il a cité un proverbe (excusez la traduction) : «Qui se pare des habits des autres est nu». Imiter au lieu de créer des musiques équivaut-il à s'effacer? Oui, bien sûr, il y a l'exception des grands interprètes. En Europe, ils sont légion (mais c'est dans la tradition lyrique), dans le monde arabe, et à l'époque récente on n'en voit vraiment qu'un : Sabah Fakhri. L'histoire, toutefois, ne consigne à ce jour que l'œuvre des créateurs : les compositeurs, les chanteurs qui chantent leurs propres répertoires. Le reste, tout le reste, finit tôt ou tard par être oublié. Pourquoi donc cette mode? Idem que pour «l'affaire Ons» : ceux qui s'adossent sur les reprises du vieux répertoire croient dur comme fer dans la supériorité organique (technique) de la voix. Ils omettent que sans le support de l'œuvre, le chant ne peut vivre que sur sa place… rarement sur sa trace. Ils n'ont pas idée de ce qui distingue «la mémoire de l'art» de «l'art du provisoire». Un mot pour finir sur «l'auto-promotion» à la télévision privée. Autre épiphénomène. Là, non plus, on n'a cure de l'enseignement des anciens. Ceux-ci ont pourtant prévenu : «Les paons qui font la roue» n'impressionnent qu'eux-mêmes. Même travers : on croit communiquer, attirer de la clientèle, alors que peu à peu, on fait le vide autour de soi.