Depuis la création et la mise en place d'un système d'apprentissage et de transmission des connaissances, l'instituteur, l'enseignant, l'éducateur, l'animateur ont, de tout temps, constitué une pièce maîtresse de ce système. C'est à eux, en effet, qu'incombe la mission de former les générations futures. A un objectif unique qui est de transmettre à l'élève une somme de connaissances afin de l'aider à développer ses compétences va correspondre, au gré des périodes (1ère Guerre mondiale, 2ème Guerre mondiale....) et des divers contextes sociaux et politiques une série d'approches pédagogiques et de politiques éducatives qui vont modeler et remodeler le rôle de l'enseignant sans changer sa fonction essentielle. Tout en restant au cœur du système, le métier de l'enseignant va évoluer. On passe de l'instituteur froid, rigide, sévère qui transmet de manière passive un bagage d'informations et de connaissances à l'apprenant à un enseignant chaleureux, communicatif, qui devient animateur et qui place l'apprenant au sein de l'opération de transmission et d'apprentissage en en faisant un acteur actif et en le faisant participer à la construction de ses connaissances. Les frontières s'estompent De verticale, la communication devient transversale et favorise les échanges entre enseignants et apprenants. Mais ce schéma d'apprentissage et de transmission des connaissances tarde à se mettre en place dans plusieurs pays où cette manière de concevoir l'apprentissage est restée au stade de l'encre sur du papier. Alors qu'ils jouent un rôle clé au sein du système éducatif dont ils représentent la cheville ouvrière, on consulte rarement les enseignants, maintenus à l'écart lors de l'élaboration des grandes politiques éducatives et qui se retrouvent déconnectés de la réalité éducative, souvent obligés, à chaque fois, d'accepter de nouvelles approches et stratégies élaborées en vases clos. En Tunisie, les enseignants dont le nombre s'élève à 77 mille, n'ont pas été associés au cours des précédentes réformes à la définition des politiques éducatives. Les choix et les décisions concernant la révision des programmes et des méthodes d'apprentissage ont été, à chaque fois, discutés sans être impliqués. L'adoption du concept « la main à la pâte» inspiré du modèle canadien et la mise en place de la méthode pédagogique « l'approche par compétences », il y a plus de dix ans, traduisent le mieux l'absence de dialogue et le malaise qui ont toujours existé entre le ministère de l'Education et le cadre enseignant. Cette approche est appliquée dans les établissements primaires et les collèges sans prendre l'avis des instituteurs et des enseignants, désarçonnés par cette nouvelle méthode qu'ils ont du mal à assimiler malgré la tenue de plusieurs réunions et sessions de formation pour en expliquer le principe. Le cadre enseignant se sent, encore une fois, mis à l'écart de cette nouvelle politique éducative. Au fil des années, le système éducatif tunisien commence à montrer ses limites et ses défaillances qui ressortent à travers les diverses composantes du dispositif. C'est le cadre enseignant qui en pâtit en premier. A leur sortie de l'université, les diplômés destinés au métier d'enseignant sont directement intégrés dans les collèges et les lycées sans suivre de formation approfondie sur les méthodes et les approches pédagogiques. Ce qui se répercute sur leur rendement en classe et par conséquent sur l'apprentissage dispensé aux élèves. Même les quelques journées de formation organisées au cours de l'année sont insuffisantes et inefficaces, faute de compétences et de budget. Eloignement, mauvaise gestion de la vie scolaire dans les établissements, conditions de travail déplorables dans les régions n'arrangent en rien les choses. Il a fallu une révolution pour que le ministère de l'Education saisise, cette fois-ci, la leçon, et se décide à impliquer le cadre enseignant dans la consultation nationale sur le lancement de la nouvelle réforme du système. Trop tard, les revendications se multiplient et les enseignants poussent un profond cri de colère. Ils n'entendent pas rendre de sitôt leurs tabliers dans ce combat.