Des médias les plus sérieux aux réseaux les plus farfelus, l'information d'un fort déploiement de l'Armée tunisienne au sud du pays est relayée en boucle. D'importants détachements seraient envoyés en renfort des patrouilles concentrées en permanence sur la ligne tuniso-libyenne. Une augmentation sensible des forces de l'armée, placées en guise de riposte préventive aux mouvements des factions armées, interceptés côté libyen, non loin du tracé frontalier. Depuis, les rumeurs les plus folles courent sur l'état d'alerte élevé à son niveau maximum; sur la capitale Tunis et les grandes villes laissées sans défense, sur les attaques terroristes simultanées que les jihadistes libyens et leurs homologues tunisiens sont sur le point de mettre à exécution, l'armée étant concentrée sur des points névralgiques du territoire, les scénarios les plus apocalyptiques sont alors mis en acte. L'imagination et le contexte ambiant aidant, c'est la peur panique ! Quel est le vrai du faux, lorsque des organes de presse réputés par leur sérieux et citant des sources officielles confirment l'information ? Joint par la Presse, le porte-parole du ministère de la Défense nationale y apporte pourtant un démenti cinglant. Le colonel Major Taoufik Rahmouni déclare que les informations concernant un renforcement de la présence militaire près des frontières tuniso-libyennes sont erronées. Le dispositif déployé depuis un certain temps reste inchangé, a-t-il précisé. Néanmoins, des points de contrôle ont été installés suite à la déclaration de la zone tampon, a-t-il encore nuancé. Des patrouilles mixtes de l'Armée, de la Garde nationale et de la douane contrôlent toute la région. Aussi le passage de personnes et de véhicules reste-t-il fluide, dans les deux sens, au niveau du point de passage frontalier de Raz Jedir, a développé le pointilleux porte parole de la Défense, en prenant bien soin de choisir les termes de sa déclaration. Triangle des Bermudes Tout en insistant sur le caractère infondé de ces rumeurs, le colonel Rahmouni ajoute que ni les correspondants des médias, ni personne d'ailleurs, n'est en mesure de fournir le chiffre exact des troupes déployées, et si renforcement il y a dans les zones militaires sécurisées. « Ce sont des renseignements que seul le ministère de la Défense est à même de détenir. Par conséquent, personne ne peut s'engager à présenter de telles informations et avoir, en sus, la prétention de les développer ». a-t-il prévenu. Pour rappel, la zone sécurisée dite tampon a été ordonnée en vertu d'un arrêté républicain publié le 29 août dernier, et ce, pour une durée d'une année selon les prévisions des autorités. Elle s'étend dans le Sud tunisien sur un triangle dont les sommets sont Al Matrouha à l'ouest, Ras Jédir à l'est et Borj Al Khadhra au sud. Une sorte de triangle des Bermudes, façon tunisienne, fortement exposé aux menaces terroristes et aux trafics de toutes sortes. Majoritairement désertique, le triangle a été dégagé du reste du flanc Sud du pays, la circulation ainsi que l'accès et la sortie y sont soumis à un contrôle militaire strict sous peine de s'exposer au pire. Sauf que, et malgré cette réalité fortement inquiétante, le colonel ajoute que s'il y avait une menace sécuritaire accrue et imminente, le ministère de la Défense aurait publié un communiqué enjoignant la population de ne pas se rapprocher de ces zones dangereuses. Comme c'était le cas lors des événements du Mont Chaâmbi, a-t-il argumenté en toute logique. In fine, il est une première vérité que nul ne peut contester, selon laquelle les forces armées et sécuritaires se sont mobilisées pour défendre le territoire. Il est une deuxième vérité; le terrorisme s'est enraciné en profondeur en Tunisie, et ce, malgré les avertissements insistants des médias et de l'opposition. Faute de stratégies préventives, le pouvoir est ainsi acculé à réagir nerveusement, et par à-coups, pour éradiquer le fléau du terrorisme, sans y parvenir pour l'heure, la réalité le prouve tous les jours, et c'en est une troisième.