Dans son troisième jour, la réunion préparatoire pour le dialogue national conserve «l'excellent climat» noté par Ameur Laârayedh à sa sortie, même si, discrètement, Ahmed Khaskhoussi, secrétaire général du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), a annoncé avant-hier son retrait « à titre personnel » du dialogue national. «Mon parti fait face à des menaces internes et externes et a besoin de moi. D'autres personnalités seront désignées pour représenter le MDS lors de ce dialogue national. A titre personnel, j'appelle les participants à privilégier l'action au lieu des grands discours», a-t-il déclaré. Isie, point décisif La question qui devait être traitée hier et doit l'être aujourd'hui, est celle de la situation relative à l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), dont la formation se trouve actuellement bloquée par une décision de justice. Le professeur Rafaâ Ben Achour est intervenu mardi dernier auprès des représentants du dialogue pour exposer une solution dans le respect des décisions du Tribunal administratif. «Le professeur Ben Achour a préconisé une réaction positive à l'égard de la sentence du Tribunal administratif. Il y a des noms dont la candidature a été écartée et qui font l'objet d'une affaire en référé, ces noms devront être réintégrés. Dans le même moment, la dame qui s'est prétendue juge sans l'être devra être écartée. Par la suite, il préconise un reclassement des candidats conformément à l'échelle d'évaluation, pour finalement pouvoir passer au vote aux trois quarts à l'intérieur de l'hémicycle jusqu'à l'élection des neuf membres de l'Isie», explique Lazhar Bali, président du parti Al Amen. Hier, le professeur Rafaâ Ben Achour est sorti en colère du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, à cause des propos tenus par Ameur Laârayedh à son encontre : «Cette proposition est politisée, elle va dans le sens d'un des partis de l'opposition». «Rien n'a été convenu lors de cette réunion. Les propositions de Rafaâ Ben Achour ont été refusées par certains sans qu'une contre-proposition ne soit mise sur la table», lance le député Hichem Hosni à sa sortie. Deux propositions rejetées A vrai dire, il existe deux autres propositions rejetées net. L'une exprimée par le président de l'ANC Mustapha Ben Jaâfar appelant tout bonnement à «ignorer» la décision du Tribunal administratif qui, selon lui, «s'est prononcé sur le travail d'une commission dont les travaux sont terminés, l'assemblée générale n'étant pas sujette à la sentence». L'autre, c'est celle de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide), dont le président Moëz Bouraoui a appelé à la reconduction de l'ancienne Isie, «malgré toutes les réserves à l'égard de sa gestion des élections du 23 octobre 2011». En guise de refus, Ameur Laârayedh rétorque : «A ce moment-là, il faudrait aller plus loin, invalider les dernières élections et retourner à l'instance de Iyadh Ben Achour !». Quoi qu'il en soit, la séance d'hier a abouti, à la formation d'une commission «éclair», qui doit se réunir ce matin et «sortir avec une proposition, certainement proche de celle de Rafaâ Ben Achour». En outre, cette commission, présidée selon Lazhar Bali par le professeur Rafaâ Ben Achour, se penchera également sur le délai nécessaire pour trouver une solution dans le respect des décisions de justice. Dans l'après-midi, la mini-commission devra présenter son travail aux représentants du dialogue national. «L'idée est de gagner du temps et qu'à l'entame du dialogue national, la question de l'Isie doit être éludée», explique Maya Jeribi, secrétaire général du parti Al Jomhouri. Un autre point débattu au cours de ces derniers jours concernait les partis qui n'ont pas encore adhéré et signé la feuille de route du Quartet. Les «négociateurs» se sont finalement mis d'accord pour laisser la porte ouverte à ceux-là jusqu'au début «des choses sérieuses». Entendez, le début effectif du dialogue national. Les tractations sont toujours en cours pour essayer de convaincre le CPR et d'autres partis d'adhérer à la feuille de route, même si les partis concernés semblent camper sur leurs positions. Selon Samir Taieb, porte-parole du parti Al-Massar, «la mission de contacter les partis non signataires a été officiellement confiée au Quartet, Ennahdha discutera également avec les partis qui lui sont proches pour tenter de les rallier». «Je comprends l'attitude du CPR, qui a été l'une des premières formations politiques à accepter l'initiative, mais l'appel à la signature la veille de l'ouverture du dialogue national a bouleversé la donne», note Mouldi Riahi, porte-parole du parti Ettakatol, qui dit continuer à discuter avec les dirigeants du CPR. Divergences autour d'un consensus Au bout de trois jours de travail, les participants au dialogue national sortent avec une charte comportant 6 articles, dont celui de la représentativité des partis. Il stipule que chacun soit représentée par une seule personne, suppléée en cas d'absence, par une deuxième personne. Un des points de discorde touchait cependant à la gestion des conflits. Tandis que l'ensemble des protagonistes ont opté pour le consensus, certains craignent un blocage du dialogue au nom du consensus. «En cas de divergences, le Quartet se réunit avec les représentants concernés dans une première étape, puis avec les présidents des partis concernés si le conflit persiste. Mais s'il y a toujours blocage, ou si une des parties tente volontairement de bloquer le dialogue, il faudrait bien trouver un mécanisme qui permette de trancher», lance Salah Chouaib, président de la «Troisième voie». «Nous avons perdu beaucoup de temps dans des discussions généralistes», confie l'un des participants. Pendant les séances, il y a eu peu de décisions parmi lesquelles l'adoption du consensus comme mode de prise de décisions. «Consensus oui, mais jamais en dehors des limites fixées par l'initiative du Quartet», prévient Maya Jeribi. Même si certains continuent à s'attacher au vendredi comme date d'entame officielle du dialogue national, les personnalités présentes commencent à évoquer un possible retard...après l'Aïd, dit-on.