Les celulles terroristes dormantes marqueront un repli stratégique. La vigilance doit rester de mise Maintenant que l'opération de poursuite des terroristes de Goubellat a abouti à la mort de 13 individus et à l'arrestation de 4 éléments, place aux analyses des spécialistes, aux prévisions des prochaines opérations terroristes et à la meilleure stratégie à mettre en œuvre en vue de parer au retour imminent des activités terroristes. Nous avons demandé au Pr Alaya Allani, islamologue et spécialiste en mouvements jihadistes, de faire une lecture dans le traitement sécuritaire de l'affaire de Goubellat et d'identifier l'approche qu'il faudrait imaginer, à l'avenir, dans l'objectif de circonscrire le fléau terroriste. Discipline et cohésion «D'abord, précise-t-il, il faudrait souligner la compétence dont ont fait montre les forces de sécurité en dépit des fautes tactiques commises, dans la mesure où il fallait attaquer les terroristes retranchés à Douar Ismaïl, en utilisant une force plus grande en nombre et en éléments spécialisés. Ensuite, sur le plan géographique, la région de Goubellat est plus facile sur le plan de la supervision sécuritaire par comparaison avec les montagnes de Chaâmbi et du Kef. Enfin, autant nous nous félicitons du professionnalisme de nos forces de sécurité, autant nous nous interrogeons sur les raisons qui ont poussé les terroristes à transférer leurs activités dans les régions urbaines. D'où la nécessité de procéder à une étude sécuritaire plus approfondie du phénomène et à accentuer le contrôle. Les forces de sécurité doivent saisir que les terroristes vont choisir de se replier et de donner l'impression qu'ils vont opter pour l'apaisement. Seulement, il ne faut pas oublier qu'ils ont toujours axé leurs opérations sur le principe de la surprise». Comment assurer l'efficacité aux interventions des forces de sécurité, à l'avenir ? «Pour moi, il est essentiel que s'instaurent, de nouveau, au sein des structures sécuritaires, la cohésion et la discipline. Il est préférable, donc, d'opter pour l'apaisement à la suite du mouvement de protestation observé, vendredi dernier, à la caserne de la Garde nationale à El Aouina. Les poursuites juridiques et administratives annoncées par la direction générale de la Garde nationale ne pourront qu'accentuer encore plus l'état de tension au sein de l'institution sécuritaire. La meilleure solution serait d'accélérer les réformes tant attendues aux plans des nominations et de la mise des structures sécuritaires à l'écart des luttes partisanes et politiques. Il serait plus judicieux de permettre aux forces et au personnel de sécurité de choisir leurs chefs hiérarchiques en coordination directe avec le ministre de l'Intérieur, considéré comme une personnalité indépendante et apolitique. En plus clair, ces nominations concertées resteront valables même après la démission du gouvernement Laârayedh et l'installation du prochain gouvernement de compétences nationales», argumente Alaya Allani. Le sécuritaire dépendant de l'économique A la question de savoir si les opérations terroristes vont s'accentuer ou si l'on va assister à une période d'apaisement, Allani précise : «Au cours de la prochaine étape, les opérations terroristes connaîtront un apaisement relatif. Toutefois, cet apaisement attendu dépendra de la réussite du Dialogue national et de l'accélération de la formation du gouvernement indépendant qui aura à traiter, en urgence, deux dossiers interdépendants, ceux sécuritaire et économique. Sur le plan sécuritaire, le futur gouvernement accentuera la pression sur les activités terroristes et cherchera à dévoiler les relations que ces terroristes auraient tissées avec certains hommes politiques. Sur le plan économique, le gouvernement indépendant trouvera plus de soutien parmi les investisseurs tunisiens et étrangers qui rechignent à rouvrir leurs caisses du fait qu'ils n'ont pas confiance en le gouvernement Laârayedh. Plusieurs pays frères et amis ont également exprimé leur disposition à soutenir financièrement le prochain gouvernement, sans oublier les institutions financières internationales qui attendent toujours que la situation s'éclaircisse». La nécessaire agence de sécurité Le Pr Allani considère qu'il est plus que jamais urgent de mettre en place «une nouvelle stratégie fondée sur la création d'une agence de sécurité nationale dont l'action sera basée sur les recherches fournies par les centres de recherche spécialisés, d'une part, et sur la contribution du citoyen appelé à faire preuve de patriotisme en coopérant avec l'agence, d'autre part, comme c'est le cas dans les pays avancés où les citoyens assurent un rôle primordial en matière de collecte des informations». Il est aussi impératif, ajoute-t-il, «d'organiser un congrès national de participation de toutes les parties prenantes, y compris les courants durs. De ce congrès, émergera un pacte qui déterminera les moyens de lutte contre le terrorisme. Il est aussi important de mettre au point un programme de mise à niveau des jihadistes dont le nombre s'élève à quelque 3.000 et qui seront bientôt de retour en Tunisie. Ce programme doit se fonder sur deux approches. La première, à caractère sécuritaire, permettra de dévoiler leurs parcours jihadistes, les armes qu'ils ont appris à manier et les lieux où ils se sont entraînés. Quant à la deuxième approche dite idéologique et sociale, elle a pour objectif de les pousser à opérer les révisions dans leurs pensées et leurs visions de l'Islam de manière à les aider à se libérer de la pensée takfiriste, à choisir l'islam modéré et tolérant et à criminaliser l'utilisation des armes contre l'autorité». Le Pr Allani insiste, en conclusion, sur la nécessité de réintégrer les jihadistes «dans la vie économique et sociale en leur accordant une prime d'inclusion dans l'objectif d'éviter qu'ils récidivent. L'exemple de l'Algérie est à méditer».