- Aleya Allani, historien spécialiste des mouvements islamistes, pense que ce qui s'est passé est le résultat d'absence de fermeté de la part du Gouvernement ces derniers mois L'opinion publique est encore sous le choc de l'assassinat des deux martyrs de la Garde nationale à Goubellat, le chef du poste de la Garde nationale Mahmoud Ferchichi et Karim Hamdi. L'agent de la garde nationale Faouzi Mechergui a été blessé. Insidieusement, sournoisement, le terrorisme rampe cyniquement vers les agglomérations urbaines et Goubellat en est la preuve désolante. La classe politique a exprimé sa colère. Hier, l'opération de pourchasse des terroristes s'est déployée massivement à «Jebel Ettal» à Guobellat. Des sources sécuritaires ont rapporté que deux éléments du groupe des terroristes ont été tués lors de ces opérations menées par l'armée et des unités spéciales de la garde nationale. Un troisième terroriste a été arrêté dans une maison située au village de Guobellat. La cérémonie officielle de recueillement qui a eu lieu, hier à la caserne d'Al-Aouina, a vu les trois présidents « dégagés » par des membres du syndicat de la garde nationale. Seul le ministre de l'Intérieur a assisté à la cérémonie. Quels enseignements tirés de ces malheureux évènements ? Comment se prémunir contre le terrorisme ? Aleya Allani, historien spécialiste des mouvements islamistes, a déclaré au Temps que « ce qui s'est passé à Guobellat, montre que les terroristes sont des professionnels. Ils ont été actifs dans certains pays. Des erreurs tactiques ont été commises dans l'action des forces de sécurité. On ne peut attaquer la maison d'un terroriste avec un nombre si réduit d'agents. En plus l'attente et la demande d'autorisation d'entrée, selon certaines informations, ont été la cause du décès des martyrs. Les terroristes travaillent toujours en jouant sur l'effet surprise». Aleya Allani pense que ce qui s'est passé à Goubellat est le résultat d'absence de fermeté du côté du Gouvernement durant les derniers mois, dans la lutte contre le terrorisme. Toutefois, l'historien se montre confiant pour affirmer que les horizons des opérations terroristes vont diminuer, vu la création de la zone tampon au Sud du pays. « Les terroristes qui s'agitent actuellement, sont ceux qui n'avaient pas pu fuir en Algérie ou en Libye. Ils sont encerclés dans la montagne et ses alentours. Il est normal que leur réaction soit violente», dit-il. Notre spécialiste est persuadé que l'intensification de l'encerclement sécuritaire et militaire des régions chaudes (le Nord-Ouest et le Sud-Ouest) atténuera le phénomène terroriste. Certains observateurs voient dans l'intensification des opérations terroristes, une sorte de message politique, pas seulement sécuritaire. Les jihadistes en intensifiant leurs opérations terroristes, voudraient forcer ceux qui demandent le départ de ce gouvernement à faire machine arrière, du moins provisoirement, pour que le Gouvernement puisse se consacrer à la lutte contre le terrorisme. « Ce message n'a aucune chance de passer, parce que la majorité des élites politiques pense que le prochain Gouvernement indépendant bénéficiera d'appuis externes et internes pour rétablir l'ordre. Fort de ce soutien, ce Gouvernement sera plus vigoureux pour mener la lutte contre le terrorisme», assure l'historien. Quelle stratégie adopter pour lutter contre le terrorisme ? Aleya Allani propose un plan de cinq points. Premièrement : accélérer la maîtrise des mosquées qui sont sous le contrôle des courants extrémistes. Contrôler le discours religieux propagé par le courant salafiste, scientifique ou jihadiste, ainsi que le courant de l'Islam politique. Deuxièmement : accélérer l'achèvement du dialogue national. Le pays ne peut supporter l'allongement des négociations, vu la gravité des défis sécuritaires et économiques. Troisièmement : la révision des plans sécuritaires dans la chasse des terroristes. La discipline doit reprendre sa place, dans les structures sécuritaires, sans esprit de vengeance. « Ce qui s'est passé hier lors de cérémonie d'Adieu à la caserne Laouina est le résultat d'accumulation d'évènements qui ne doivent pas se répéter. Introduire les structures sécuritaires dans les tiraillements politiques et partisans est le mal le plus grave qui puisse toucher ces structures. La solution idéale réside dans le retour de l'entente et de la discipline. Il faut éloigner le ministère de l'Intérieur de tous les agendas partisans. C'est une condition nécessaire pour réussir le lutte contre le terrorisme», affirme l'historien. Quatrièmement : accélérer la mise en place d'incitations matérielles équitables et une législation qui protège les agents de sécurité, de garde nationale, les militaires et leurs familles. Cinquièmement : accélérer la tenue d'un congrès national de lutte contre le terrorisme. Toutes les composantes politiques et religieuses y seront invitées y compris les extrémistes. Une charte clôturera les travaux de ce congrès. Elle définira le terrorisme et dégagera un accord sur les actions concrètes pour l'éradiquer. Ceux qui signeront la charte s'engageront à l'appliquer. Ceux qui ne la signent pas risqueront des poursuites judiciaires. Ce congrès national devra se transformer en congrès maghrébin et arabe car le terrorisme est un phénomène qui va au-delà des pays et des continents. Hassine BOUAZRA Les trois présidents quittent la cérémonie d'hommage aux martyrs au milieu d'une tempête de protestations Les trois présidents ont été contraints à quitter, hier en fin de matinée à El-Aouina, une cérémonie d'hommage aux deux martyrs de la garde nationale, au milieu d'une tempête de protestations des agents de sécurité et de représentants des syndicats sécuritaires. Au milieu d'une tempête de protestations, le président de la République provisoire Moncef Marzouki, le chef du gouvernement provisoire Ali Larayedh, le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) Mustapha Ben Jaâfar ainsi que plusieurs membres du gouvernement ont quitté la cérémonie organisée, à la caserne d'El-Aouina, en hommage aux deux agents de la garde nationale tués, la veille, par un groupe terroriste armé, dans la délégation de Goubellat du gouvernorat de Béja. Aujourd'hui, journée de deuil national Le président de la république provisoire, Moncef Marzouki a décidé hier, de décreter la journéed'aujourd'hui samedi, 19 octobre 2013, journée de deuil national, avec la mise en berne des drapeaux. “Cette décision intervient à la suite de l'assassinat jeudi, à Goubellat de deux agents de la garde nationale: le lieutenant Mohamed Ferchichi et le sergent Karim Hamdi par un groupe de terroristes”, a indiqué hier un communiqué de la présidence de la République, dont une copie est parvenue à l'agence TAP. Neutralisation de certains membres du groupe terroriste armé et saisie d'armes et munitions Le ministère de l'intérieur a annoncé, hier, la neutralisation, à Goubellat, de certains membres du groupe terroriste armé et la saisie d'armes et munitions. Dans un communiqué, le département de l'intérieur précise que les opérations sécuritaires et militaires se poursuivent jusqu'à présent. Selon une source sécuritaire, deux terroristes ont été tués et un autre arrêté lors d'une opération sécuritaire et militaire menée, jeudi, à Tella à Goubellat à la suite de l'assassinat de deux agents de la garde nationale et de la blessure d'un troisième par un groupe terroriste.