Un film qui pose un nouveau regard sur le racisme. La paralysie budgétaire qui frappe l'Amérique en ce moment est un «shutdown» sans précédent dans l'histoire des Etats-Unis. En pleine catastrophe, est sorti un film qui émarge l'évolution glorieuse d'une société quant aux droits civiques et à l'égalité entre Noirs et Blancs. «Le majordome», sorti le 11 septembre, constitue un bijou pour les Américains, et particulièrement pour le président des Etats-Unis, Barack Obama. La sortie du film synchronise la célébration des cinquante ans du discours capital de Martin Luther King, dans la lutte des Noirs américains pour la justice sociale devant le Lincoln Memorial à Washington : «Je fais un rêve, qu'un jour cette nation se lèvera et vivra le vrai sens de sa foi. Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que tous les hommes sont créés égaux». Le film s'est inspiré d'une histoire vraie, celle d'un Eugene Allen, un serviteur afro-américain au service des présidents de la Maison-Blanche, et ce, de 1952 à 1986. L'œuvre est bien filmée et le casting est attrayant. Oprah Winfrey, la star de la télé américaine, joue l'épouse du majordome, les chanteurs : Lenny Kravitz, et Mariah Carey, Robin Williams, Jane Fonda, John Cusack, Terrence Howard, Alan Rickman... Le valet des présidents Après un pénible périple, Cecil est devenu majordome à la Maison-Blanche. Estimé des sept présidents qui ont défilé devant lui, Cecil est un homme honnête et droit, discret et constamment infinitésimal. Serviteur mais maître de ses principes, Cecil vit dans le mutisme absolu. Regardant son père assassiné devant lui par un Blanc, car il a osé hisser la tête, il a admis que le monde des Blancs ne lui appartient pas ; inaccessible qu'il est, il doit y servir les hommes blancs sans prononcer un mot, d'où son désir insatiable d'être invisible afin de survivre et subvenir aux besoins de sa famille. Cet homme est aperçu dans ce film comme un grand enfant : sa taille gigantesque et ses épaules pendantes entrevoient cette lourdeur qu'il porte derrière le dos, comme un fardeau pesant. I have a dream ! Devant l'omni-absence du père, l'omniprésence de son fils Louis est saisissante. A travers celui-ci, on voit défiler et les présidents et les pages noires de l'histoire de l'Amérique. Le fils de Cecil est un révolté. Il réagit contre la ségrégation raciale, suivant ainsi la lignée de Martin Luther King et Malcom X. A travers ce personnage, on regarde à très forte tonalité l'évolution des Etats quant aux droits des Noirs américains. Ainsi, les insurrections, les deux assassinats de John Kennedy et Martin Luther King, la guerre du Vietnam, les Black Panthers, (mouvement révolutionnaire afro-américain prônant le nationalisme noir et l'anti-impérialisme), le «Bus de la Liberté» (est un bus contre la non-ségrégation dans les transports inter-états; une façon de réclamer l'égalité dans les transports), préparent l'avènement d'un rêve possible à réaliser : présider l'Amérique par un homme noir. La posture du modèle blanc contre la catégorie des «nègres» a été traitée de manière copieuse, que ce soit dans les films fictionnels ou dans les documentaires. Cependant, ce qui est original, c'est qu'on voit la haine et ses prémisses sous les portes de la Maison-Blanche, là où on voit l'acharnement des présidents, leur angoisse et leur attachement au pouvoir. Véracité des faits ? Le film, qui est une histoire vraie, mène un discours et des messages explicites. On l'a même accusé de mensonger quant aux faits historiques et comportements humains. En effet, après la sortie du film, le fils de Ronald Reagan, Michael Reagan, le 40e président des Etats-Unis, déclare qu'il y a des mystifications : «Vous avez pris la véritable histoire d'Eugene Allen [...] pour en faire un ‘film à message' cliché», regrette-t-il sur Newsmax, «je me suis trouvé dans les coulisses de la Maison-Blanche plusieurs centaines de fois. J'ai rencontré et ai connu le vrai majordome, M. Allen, et je connaissais un tant soit peu mon père. Présenter Ronald Reagan comme un raciste parce qu'il était en faveur d'une levée de sanctions économiques contre l'Afrique du Sud est simpliste et malhonnête. Si vous connaissiez mon père, vous sauriez qu'il était la dernière personne au monde à pouvoir être qualifiée de raciste». Décidément, on ne sait plus qui croire !