Ali Laârayedh adresse à Hassine Abassi une missive dans laquelle il accepte les conditions et les délais fixés par la feuille de route du Quartet Démarrera, démarrera pas ? C'était hier la question du jour. La réponse est tombée en milieu de journée par l'affirmative. Le Dialogue national repartira pour un tour, « sur de bonnes bases », ne cessent de répéter les personnalités politiques défilant à longueur de journée au siège du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle. Avec la relance du Dialogue national, les députés en retrait s'engagent aussi à reprendre le chemin de l'ANC qu'ils ont désertée voilà trois mois. Tout commence par une missive adressée hier matin par le chef du gouvernement au Quartet, spécialement à Hassine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt. Frappée du sceau de la confidentialité, la correspondance n'a pas été révélée aux médias. C'est tout juste, si de temps à autre, quelques personnalités de la Troïka sortaient des assises tenues à huis clos pour donner des déclarations aux journalistes présents en force dans le hall du ministère. Au même moment, les membres des organisations marraines étaient réunis à l'étage pour étudier les termes du message signé par Ali Laârayedh. A cette heure-là, le Front du salut national (FSN) ne s'était pas encore manifesté. La sphère politico-médiatique en alerte Sollicité de toutes parts, Mouldi Riahi, président du groupe parlementaire du parti Ettakatol, a reconnu la difficulté du moment. Le défi à relever, a-t-il précisé, c'est la reprise de confiance entre les députés restés et ceux en retrait, après une période de troubles et de mésentente. Zied Laâdhari, du mouvement Ennahdha, précise à La Presse que le terme « démission » est explicitement mentionné et que, a-t-il martelé, «le chef du gouvernement renouvelle son engagement à démissionner dans les délais prévus dans le cadre de la feuille de route ». C'est seulement plus tard dans la matinée que Rafaâ Ben Achour, du mouvement Nida Tounès, Mongi Ellouze d'Al Joumhouri, Abdelajaoued Jounaidi d'Al Massar et Noômane Fehri de Afek Tounès rejoignent cette réunion qui tenait en haleine toute la sphère politico-médiatique. Dépêchés sur place par le FSN pour les trois premiers et représentant des consultants pour le quatrième, ils sont venus en éclaireurs prendre connaissance du document. Noômane Fehri nous déclare, après avoir souhaité voir ces pourparlers aboutir, « qu'en plus de la démission, il ne faudra pas ajouter d'autres conditions à la feuille de route que nous avons déjà signée», prévient-il. Quant au juriste Rafaâ Ben Achour, il signale à La Presse être venu avec « la meilleure volonté du monde ». « Nous espérons, a-t-il néanmoins ajouté, que le document fourni par le chef du gouvernement soit satisfaisant. En plus de la démission, il faudra que soit précisé le respect du calendrier fixé par le Quartet, ainsi que l'absence de corrélations entre les différents processus, a-t-il pris soin d'ajouter. Nous supposons la volonté de bien faire et espérons que la partie gouvernementale aura, enfin, compris qu'il ne sert à rien de faire des déclarations ambiguës, susceptibles de plusieurs interprétations. Si le document est clair, nous y allons avec détermination», a-t-il conclu, en se voulant confiant. Trois ateliers Visiblement, le document était clair. Autour de quinze heures, le dialogue a bel et bien démarré et avec la valse des personnalités, Wided Bouchamaoui, Rached Ghannouchi, Kamel Morjane, Néjib Chebbi, Maya Jribi, et la liste est longue. Ils affichaient tous le sourire, et une espérance de voir les divergences s'aplanir. Encore faut-il savoir que les pourparlers sont dans leur phase préparatoire, nous précise Hichem Hosni, du parti de la Lutte progressiste. Constituant retiré mais ne relevant pas du Front du salut, il ajoute que d'ici peu, ils occuperaient les travées vides de l'Assemblée. Traité au singulier simplificateur, le Dialogue est pour autant dispatché en trois ateliers. Le premier s'attachera à traiter du processus gouvernemental. C'est à lui que revient la primeur dans les discussions. Dans cette instance, seront abordées les questions décisives de l'amendement de l'Organisation provisoire des pouvoirs (OPP) ainsi que le choix d'un nouveau chef de gouvernement. Un atelier se penchera sur le processus électoral. Le troisième est chargé d'étudier la finalisation de la Constitution. Le tout est circonscrit par des délais. Trois semaines pour la finalisation du processus gouvernemental. Le volet constitutionnel aura droit à quatre. Jointe par La Presse, Nadia Chaâbane venait à peine d'achever avec ses collègues une réunion du FSN, lequel déclare, via un communiqué, sa nouvelle adhésion au Dialogue national. La députée d'Al Massar a toutefois fait part d'une réserve quant au risque de superposition entre les travaux de l'atelier du processus électoral relevant du Dialogue et ceux de la Commission des consensus relevant de l'ANC. C'est extrêmement important d'être clair sur les termes, a-t-elle pointé, « la Tunisie ne supporte plus les ambiguïtés». C'est avec un grand ouf de soulagement que les différentes parties ont accueilli la nouvelle de la relance du Dialogue national. Tout est bien (c'est donc sûr), qui finit bien (cela l'est moins). En effet, le choix d'un chef de gouvernement consensuel qui satisfasse tout le monde représente un énorme obstacle. Des noms circulent depuis un moment, sans être spécialement confirmés. Autre épreuve, la finalisation de la Constitution avec ses articles litigieux, ainsi que le Code électoral et la création de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Autant de points de clivage. Maintenant, si d'ici peu un cabinet restreint de compétences venait à être formé, qui assumera le bilan économique, sécuritaire et politique qui s'annonce déjà très lourd ? Parce qu'écarter quelqu'un du pouvoir, c'est aussi lui offrir en cadeau une deuxième virginité. Mais c'est bien là une autre question.