Malgré ses efforts, son image reste bien en deçà de son mérite Elle milite sans trêve afin de gagner sa vie, subvenir aux besoins de sa famille, aider son mari à réussir le parcours micro-sociétal et contribuer ainsi à l'essor de sa région. La femme rurale joue un rôle déterminant dans le développement des régions de l'intérieur. Elle représente 80% de la main-d'œuvre agricole. Une mission qu'elle assure spontanément, mais non sans peine et sans sacrifices. Malgré ses efforts, son image reste bien en deçà de son mérite, car barbouillée par un contexte culturel, social, économique et même éthique discriminatoire. Un contexte-obstacle qu'elle a toujours du mal à surpasser. « La femme rurale : actrice ou figurante dans le développement » constitue le thème autour duquel se sont articulés les travaux du colloque organisé par l'association « Tounissiet » les mardi et mercredi derniers à Bouficha. Pour mieux comprendre le contexte spécifique au milieu rural, la parole a été accordée, d'abord, à deux experts. M. Belgacem Zitouni, expert en développement rural, qui a traité de l'approche participative entre les différents intervenants dans le développement rural. L'idée étant de créer, ensemble, un climat démocratique, fondé sur le principe de l'équité entre les genres. Partant de ce principe, l'orateur a parlé de l'impératif, pour les habitants du milieu rural, de participer dans la conception et la concrétisation des projets et programmes futurs. M. Zitouni a insisté sur l'impératif, pour la femme de définir ses besoins prioritaires et de contribuer à la prise des décisions relatives à sa vie et à son avenir. Cette approche ambitieuse, car interactive et non verticale, est réalisable. Elle nécessite, toutefois, un processus éthique et communicationnel basique, visant à changer les mentalités hostiles au principe de parité. L'orateur cite Gandhi qui disait : « Ce que tu fais pour moi sans moi tu le fais contre moi », d'où le rôle de l'individu dans la prise des décisions qui lui reviennent. Prenant la parole à son tour, M. Lotfi Baccar, expert en ressources hydriques, a rappelé que la femme rurale est partie prenante de tout un système : le système du développement rural. C'est bien elle qui se charge de l'approvisionnement en eau depuis les fontaines, les sources d'eau, les puits et les robinets publics. Informée sur la situation hydrique dans le milieu rural, la femme sera apte à mieux gérer ces ressources et à contribuer à leur préservation. En Tunisie, les ressources hydriques sont qualifiées par l'expert comme étant capricieuses, car liées notamment dans les régions du Nord à la pluviométrie. Dans les régions du Centre, elles sont surexploitées via les sondages anarchiques ou gaspillées à cause de l'insuffisante mobilisation des ressources hydriques. En effet, nous comptons annuellement pas moins de 90 milliards de mètres cubes d'eau dont seulement 4 milliards de mètres cubes sont exploités et mobilisés. D'où un sérieux problème de préservation des ressources en eaux. « Si nous parvenons à préserver nos richesses hydriques, nous assurerons nos besoins en eau pour les 30 années à venir », souligne l'expert. Dynamiser la stratégie nationale et appliquer la loi Comment redonner confiance à la femme rurale et l'impliquer dans l'œuvre développementale ? Les initiatives ne manquent pas et datent de plusieurs décennies. Toutefois, leur mise en application reste timide. Mme Neïla Hidoussi a mis le doigt, lors de son intervention, sur les défaillances enregistrées jusque-là en matière de réalisation des projets. Certains ministères n'appliquent toujours pas les textes de loi fixés pour la promotion de la femme rurale. Parmi les textes de loi non appliqués, Mme Hidoussi évoque le texte intimant les parties officielles de consacrer entre 1 et 3% du budget pour la femme rurale. D'un autre côté, le ministère des Affaires de la femme et de la famille n'interpelle point les parties concernées dans la réalisation des objectifs de la stratégie nationale pour la promotion de la femme rurale. Et d'ajouter que la commission de la femme rurale reste au stade théorique. « Les gouvernorats bénéficient annuellement d'une enveloppe de 1,3MD destinée, entre autres, à la femme rurale. Sauf que plusieurs gouvernorats, et bien qu'ils reçoivent cette somme, n'appliquent pas la loi », ajoute-t-elle. L'oratrice dénonce, par ailleurs, la discrimination qu'endure la femme rurale qui ne touche que 7dt par jour, alors que l'homme perçoit 17dt. Il est à noter que le ministère de l'Agriculture vient de réaliser une étude sur la commercialisation et la valorisation des produits de la femme rurale et dont les résultats seront publiés prochainement. Mme Hidoussi annonce, par ailleurs, la création d'un Observatoire nationale pour la promotion de la femme rurale.