Des élus provoquent leurs collègues revenants et remettent toujours en question le Dialogue national Prévue à 9H30, la plénière supposée être de la réconciliation n'a finalement démarré qu'à 16 heures passées. C'est que mettre en marche la machine de l'Assemblée avec ses membres au complet n'a pas été chose aisée. Entre-temps, des événements ont marqué ce jour du grand retour des élus dissidents. C'est autour d'un point de presse rapide, tenu en début de matinée, que les élus partis annoncent leur retour au bercail. Une rentrée émouvante parsemée de larmes et d'engagements fermes. Des portraits de Mohamed Brahmi occupaient le devant de la scène dans le hall du palais du Bardo. Les élus ex-dissidents affichaient tous un air grave. Abdelaziz Kotti s'est chargé de donner une allocution pour annoncer solennellement la réintégration des constituants retirés, ainsi que les grandes lignes de cette reprise. En parlant au nom du groupe, le constituant de Nida Tounès précise le respect rigoureux des dispositions ainsi que des délais ratifiés par la feuille de route, produite par le Dialogue national. Quatre semaines pour venir à bout du processus constitutif dans sa totalité. En clair, a-t-il annoncé, ils s'engagent à déployer le maximum d'efforts pour pousser vers une finalisation du projet de Constitution, la création de l'Instance des élections et l'élaboration du texte du code électoral. Le point de presse a été clos par le chant de l'hymne national. En plus de la solennité du moment, il y avait de l'amertume dans l'air. Mohamed Nejib Khila, élu indépendant, a affirmé à La Presse l'animosité témoignée à leur encontre par un certain nombre d'élus qui ne leur ont pas pardonné leur acte de dissidence. «Ils refusent même de nous dire bonjour, certains nous ont insultés en nous traitant de putschistes», a-t-il regretté. Du positif tout de même, Mourad Amdouni est élu avec une majorité écrasante : 30 voix sur 31, à la Commission de tri des candidatures de l'Isie, succédant à feu Mohamed Brahmi. Elu de l'opposition, Mourad Amdouni appartient à la même sensibilité idéologique nationaliste que le défunt. Certaines voix se sont élevées, sans être écoutées d'ailleurs, pour proposer d'autres noms ne cultivant aucun lien de quelque nature que ce soit avec feu Brahmi. Constat amer La matinée a été perdue dans les tergiversations. La Commission de la législation générale présidée par la constituante du parti Ennahdha, Khalthoum Badreddine, en charge de l'élaboration de la loi sur l'Isie, avait proposé des amendements, dont certains remettent en cause et les accords du Dialogue national et les arrêts du Tribunal administratif. Avec un retard conséquent, et après une réunion qui s'est éternisée des présidents des groupes parlementaires, la plénière finit par démarrer, sans échapper aux éternelles discussions byzantines, à quelques laborieuses rédactions, aux accusations cordialement échangées. Certains élus, à l'instar de Azad Badi du mouvement Wafa, invoquant la sacrosainte légitimé électorale du «Taassissi» et des «élus du peuple», a renvoyé dos à dos le Dialogue national, ses signataires, ses recommandations, les déclarant nulles et non avenues. Finalement, et après un bras de fer de facture juridique, portant sur l'acceptation ou le rejet du principe d'amendement de la loi sur la création de l'instance des élections, c'est le oui qui l'a emporté. A l'heure où nous mettions sous presse, les constituants planchaient encore sur le texte de loi, en passant au vote à chaque fois pour ratifier ou non les nouvelles formulations, article par article. Constat amer : le déroulement de la séance d'hier a dévoilé l'incapacité de certains constituants à être réactifs. Encore une fois, ils se sont retranchés derrière leur paravent électoral. Encore une fois, ils sont restés insensibles aux revendications de la rue, aux attentes du pays, à l'urgence du moment. L'assemblée victime de ses pesanteurs, et probablement des egos de ses locataires et de leurs calculs, a été incapable de s'adapter à l'effervescence politique que vit le pays et d'y prendre part avec brio. Résultat, à peine engagés, les travaux parlementaires accusent déjà du retard. C'est à se demander, à ce rythme, par quel miracle les engagements donnés seraient-ils honorés ?