Les éclats de Sylvain George, un poignant récit de la vie impossible des immigrants projeté dans le cadre de la 13e édition du Mois du documentaire en Tunisie. Le documentaire Les éclats : ma gueule, ma révolte, mon nom du réalisateur français Sylvain George, projeté vendredi soir à la Maison de la Culture Ibn-Khaldoun dans le cadre du Mois du documentaire en Tunisie, a le mérite d'avoir répondu aux deux exigences qui font la réussite d'un véritable documentaire engagé. Révéler un réel tout en produisant une œuvre dotée d'une valeur esthétique. Prix du meilleur film en compétition au Torino Film Festival 2011, Les éclats vient couronner l'ensemble du travail de Sylvain George, basé sur les films-essais poétiques, politiques et expérimentaux, notamment sur la thématique de l'immigration. Influencé par la pensée du philosophe allemand Walter Benjamin (1892-1840) et placé sous le signe du réveil et de l'émancipation, son travail est une recherche approfondie du réel et un engagement contre les politiques inéquitables qui manipulent la société. Comme son titre l'indique, «éclats», ce magnifique documentaire de Sylvain George, est une mosaïque de fragments. Des fragments d'un lieu et d'une réalité que le réalisateur montre en nuances de gris et quelques reflets rouge- sang. Le réalisateur a su s'effacer totalement ou presque pour laisser parler la réalité toute crue en toute objectivité. Une réalité qui nous interpelle et qui nous dévoile une de ses facettes si sinistre et si lugubre. Un gros plan, sur un sol rugueux et fissuré, des branches nues, des oiseaux migrateurs, des grillages et des barreaux, un beffroi, puis des hommes se lavant au bord d'un canal en plein hiver, des hommes grimpant des grillages, évitant la police, parcourant voie ferrée, murs et clôtures. Des hommes fumant, mangeant, s'exprimant dans des langues que l'on ne comprend pas... C'est Calais, une ville de France ouvrant directement sur l'Angleterre via un tunnel sous la Manche. C'est là que les immigrants attendant les bateaux, sans abris dans le vent et le froid, en chaussettes dans la neige, brûlant leurs doigts pour effacer les empreintes pour éviter, à tout prix, les représailles de la police. Puis encore défilent les images sinistres des arbres agités par le vent, du ciel gris-noir, une zone portuaire et ses lumières, un cargo et une mer, des images noyées dans de longs moments de silence ou dans le lugubre son du vent. Une démarche poétique et esthétique émouvante qu'on retrouve tout au long du documentaire qui accentue la puissance des messages qu'il véhicule . Le réalisateur montre des «éclats» de la vie des migrants de la «jungle de Calais», une vie sombre et dure résonnant avec les images mornes et froides de la nature et de la ville accompagnées par des sons et des impressions très suggestifs comme ce mystérieux harmonica répandant son souffle dans quelques scènes. «J'ai grandi avec les images de guerres, de bombes, de sang et des morts... Notre pays est très riche; nous avons l'uranium, le gaz et le pétrole et malgré tout cela, le peuple est très pauvre... Je ne comprends pas pourquoi? Après avoir gagné la guerre contre la Russie... Pour mieux nous dominer et pour servir leurs intérêts personnels, on nous a divisés en des parties qui s'entretuent... Moi je ne tuerai jamais un frère... C'est pour cela que j'ai quitté l'Afghanistan... c'est pour cela que je suis ici», témoigne un immigré afghan. Des africains, des indiens, des albanais et des arabes... On perçoit la vie de ces hommes comme une épopée. Ils se voient conférés dans ce sens la dignité des héros. Ceux qui ont fui une politique inique dans leurs pays et sont partis à la poursuite de leurs rêves en traversant des terres et des mers, affrontant milles dangers, luttant contre le froid, la maladie et la misère, dans l'espoir de parvenir au seuil d'une autre mer au-delà de laquelle se tient peut-être la terre promise.