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L'exil du roi
Cinéma : « Lettre à la prison » de Marc Scialom
Publié dans Le Temps le 13 - 02 - 2010

Dans le cadre de la manifestation « Exil et migration » organisée par CinemAfricart, Aflamarseille et l'institut Français de Coopération, le film « Lettre à la prison » de Marc Scialom a été projeté au public tunisien le vendredi 22 Janvier en présence du réalisateur.
Le film réalisé en 1969-1970, entre Tunis et Marseille est une œuvre rescapée.
D'abord, fatalement livré à l'oubli, n'ayant connu aucune exploitation, aucune diffusion pendant quarante ans, car par manque de financement, le réalisateur a dû s'arrêter avant le tirage de la moindre copie.
Le film a ressuscité. En premier lieu grâce à la fille du réalisateur, Chloé Scialom qui a su convaincre l'association « Film Flamme » d'œuvrer, pendant trois ans, à ramasser les fonds nécessaires à la restauration du film.
Copie tirée non du négatif (égaré au bout de quarante ans) mais de la copie de travail, malmenée par un an de montage accompli par le réalisateur lui-même (homme-orchestre qui a écrit le scénario et a fait l'image), le film projeté à partir d'une béta ( et non d'une copie argentique), porte les traces des flammes dantesques (c'est peut-être un jeu de mots mais le réalisateur a bel et bien affaire à Dante, dont il a adapté » La Divine comédie » dans son film « Exisl » qui lui a valu le Lion d'Argent à la Biennale de Venise en 1972.
Il est granulé, délavé si ce n'est par moment rayé. Les stigmates du calvaire lui donnent encore plus de charme, de subtilité voire de douceur. Et paradoxe ultime, elles n'escamotent en rien l'ardeur première qui poussa le réalisateur à faire un film personnel, singulier, porté par le désir intact et total de témoigner de sa condition d'exilé.
Une démarche narrative
Voulant raconter l'histoire d'un exilé tunisien accusé du meurtre de sa compagne Blanche et dont la culpabilité est programmée, Marc Scialom choisit une démarche narrative complexe: c'est Tahar, le frère de l'accusé, qui conduit le récit: il débarque pour la première fois de sa vie en France où il est chargé par la famille de porter secours à son frère aîné. Il fait d'abord halte à Marseille. Là, il rencontre des Tunisiens différents de ses compatriotes de Tunisie, des Français qui lui paraissent énigmatiques et une ambiance générale assez inquiétante, à ses yeux, pour le faire douter peu à peu de l'innocence de son frère et de sa propre intégrité mentale.
Le parcours de Tahar expose le spectateur à la confrontation de ce jeune homme à la réalité de l'exil et son vertige de l'identité et de l'altérité, aux assauts de l'imaginaire -de l'image introvertie de soi, de l'étrangeté du regard que l'autre pose sur nous- et de toutes ces images mentales déjà issues de la représentation de soi et de l'autre… Et à cela, le réalisateur surexpose la voix off du frère accusé assommant son cadet de ne pas venir le voir, même après son acquittement. Demande-sentence, certes cruelle mais non-violente, que le frère aîné explique par une raison claire: le jeune frère a douté de son innocence et par une raison obscure: parce que le frère cadet a gardé son innocence.
Nous sommes bel et bien dans toute la veine narrative d'un cinéma moderne de son temps de réalisation (les années 70) et dont la mise en scène portera jusqu'au bout cette filiation: écriture du montage heurté, de l'ellipse, de la greffe, de la collision, images mentales de la métaphore, images oniriques du surréalisme, allusions au baroque tragique et également par moments, distanciations de toutes options formelles, symboliques ou formalistes par des intrusions filmiques quasi- documentaires. Et le film réussit tout cela à la fois, avec une cohérence esthétique assez fulgurante. Le sentiment que Cocteau, Bunuel, Rouch, Renoir et Godard ont été revisités d'un seul coup et que, de Salvador Dali à André Breton, un pan entier de la structure poétique surréaliste a été convoqué.
Raconter l'exil autrement
C'est vraiment un bon et beau film dont l'apport de la construction mentale (pourtant) si apparent, si évident, si volontariste (la volonté est inesthétique en soi dirait Artaud), n'entame en rien une charge émotionnelle très vive.
D'abord, parce que le film n'est pas de bout en bout cérébral, qu'il est traversé par autant de moments où un regard esthète ( et non pas esthétisant) saisit et s'attarde sur la peau et la chair, les regards et la gestuelle, la matière et les matériaux ... Il y a même un net privilège du sensible, de la sensation et de la justesse qui fait que même les symboliques les plus évidentes, criardes dirions, par exemple, la main qui caresse le graffiti de palmier) échappe à la froideur du « trop pensé » pour faire sentir l'authenticité et la délicatesse du geste.
Nous sommes dans la pure veine de Bunuel et loin, très loin des avortons du symbolique, de ces bunueliens mous et intellectualistes qui firent basculer la poétique symbolique dans l'usage des symboles et des métaphores extrinsèques aux films et aux œuvres. Et si l'auteur a tenu à préciser qu'il se réclamait davantage de la sensibilité de Godard, en raison notamment de l'usage de plans courts ( contrainte technique de la caméra 16 mm qu'il sut investir comme une donnée créative) et des particularités esthétiques du découpage et du montage, soulignons à l'actif de Marc Scialom que nous sommes, encore une fois, dans la pure veine du maître de la nouvelle vague française et, encore une fois, loin; très loin, de tous ces réalisateurs « godariens » qui acculèrent, comme nous le savons tous, par des films insipides et fadasses, le cinéma français à une période terriblement creuse faite de marasmes intellectualistes et de vacuité artistique de surcroît empreinte d'une fatuité dérisoire.
Mais au-delà de cette capacité réelle à écrire par le cinématographique (et probablement grâce à elle: une sorte de bouclier contre la bêtise), le film de Marc Scialom a l'immense mérite de raconter l'exil autrement que par un récit d'emblée politique, discursif ou tout bonnement didactique et dogmatique.
Un libre penseur
L'accueil du film par l'assistance a été plus que chaleureux, et le débat complice et tendre. C'est qu'en plus de son très bon film, le réalisateur de « Lettre à la prison » est un homme expérimenté, un homme de l'esprit et un libre penseur.
Raison pour laquelle son témoignage sur les affres de l'exil est précieux.
C'est un acte de vérité et d'amour, vérité pour comprendre, comprendre pour aimer et aimer pour défendre selon la juste expression de Daniel Serceau (*). Un acte d'autant plus exemplaire que Marc Scialom, juif antisioniste, doublement minoritaire, rappelle à sa façon ce qui est, devrait être la mission ontologique et historique de tout Juif: expliquer à tout un chacun qu'une minorité -les exilés le sont tous, quelle que soit leur religion, leur race ou leur origine- ne met aucune société en péril, au contraire, toute minorité lui accorde la chance d'être créative sans menacer son intégrité, lui offrant la possibilité d'être autre sans s'aliéner.
*Cinéaste et écrivaine
Dernier livre publié: Le Cinéma Tunisien à la Lumière de la Modernité
(Ed. Centre de Publication Universitaire)


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