Au-delà de l'augmentation des contrôleurs, les grévistes dénoncent dépassements, nominations de complaisance, primes sur fond d'allégeance, recrutements non fondés et injustice sociale Le personnel de l'Office de l'aviation civile et des aéroports (Oaca) a observé, hier, une grève en protestation contre une décision ministérielle relative à une augmentation salariale — ou encore une prime de compétence — accordée aux contrôleurs du trafic aérien. La grève, décrétée par le Syndicat de base des agents de l'aviation civile et des aéroports il y a plus de dix jours, faite suite à des négociations stériles entre le syndicat et les parties concernées. Elle dénonce des décisions «discriminatoires et non fondées» prises par le ministère du Transport, comme nous ont indiqué les grévistes. Loin de revendiquer la généralisation des augmentations, ces derniers recommandent l'annulation de cette décision, jugée inopportune. Entre-temps, et durant les 24h de la grève, l'aéroport de TunisCarthage, tout comme les autres aéroports du pays, ont connu une paralysie presque totale, avec 16 vols annulés et seulement trois assurés, dans des conditions sécuritaires quasi nulles. Trois vols non sécurisés! Il était 12h à l'aéroport de TunisCarthage quand nous nous y sommes rendus. Cela faisait douze heures que le personnel était en grève. Le tableau indiquant les départs et les arrivées prévus pour la journée est contesté par les grévistes : «C'est de la poudre aux yeux! Ce sont des données non actualisées. D'ailleurs, seuls trois vols ont été assurés aujourd'hui, soit un relevant de Air France et deux de Tunisair. Faute d'agents de sécurité en fonction, ces avions ont décollé dans des conditions sécuritaires nulles», indique un agent de l'Office qui a préféré garder l'anonymat. Malgré leur détermination confirmée de poursuivre la grève pour les 12 heures restantes, les grévistes se désolent de voir l'aéroport réduit au point mort, ce qui est le cas, d'ailleurs, de tous les autres (Djerba, Monastir, Tozeur, Sfax et Tabarka). A travers cette grève, c'est vers le ministre du Transport que les doigts accusateurs sont pointés. Il est, en effet, considéré comme étant le principal responsable de cette situation, le moins qu'on puisse dire, critique. « Il vient d'accorder une augmentation salariale aux 300 contrôleurs ( soit 6% du personnel ) bafouant ainsi le droit de près de 4000 autres employés. Nous avons vainement attiré l'attention sur l'incommodité d'une telle mesure. C'est pourquoi nous avons annoncé la grève et prévenu la Fédération générale du transport ainsi que les autres parties concernée afin qu'elles prennent les mesures nécessaires, mais elles n'ont pas pris la peine de prévenir les compagnies aériennes. Résultat: des départs annulés, des clients non informés et quelques vols dépourvus non sécurisés», explique Jamel Ferjani, secrétaire général du Syndicat de base des agents de l'aviation civile et des aéroports. Un autre employé de l'Office affiche son inquiétude quant aux vols qui ont été assurés. «On a sollicité un pompier relevant de la Protection civile pour remplacer un technicien, et assurer la sécurité d'un avion, ce qui n'est point logique», s'exclame-t-il. Il est à noter, et selon M. Hassine Tazarki, secrétaire général adjoint du syndicat, que l'augmentation salariale des contrôleurs représente 15% du salaire de base; soit un minimum de 250 dinars par personne. Indigné par tant d'injustice, un agent fait remarquer que ces mêmes contrôleurs viennent tout juste de bénéficier d'une prime de l'ordre de 300 dinars par mois afin qu'ils puissent suivre des cours d'anglais et enrichir leur background, «le tout à nos frais», souligne-t-il. La prime bloquée! Si les syndicalistes et les grévistes affirment qu'il s'agit bel et bien d'une augmentation salariale, Sami Thabet, représentant de l'Office de l'aviation civile et des aéroports, lui, parle d'une «prime de compétence destinée aux contrôleurs du trafic aérien. Encore faut-il préciser que la direction générale de l'Office n'a pas débloqué la prime supposée être accordée à partir du 1er octobre, et ce, par souci d'équité. Si elle est débloquée, c'est qu'elle doit impérativement être généralisée, chose qui n'est point possible », précise-t-il. Sami Thabet ajoute, par ailleurs, qu'en se basant sur le décret 2520 en date du 12 octobre 2012, le PDG de l'Office a réquisitionné des agents de différentes spécialités afin d'étoffer le personnel en cette journée de grève. Le dialogue de sourds qui caractérise les négociations infructueuses entre le syndicat d'une part, et le ministère de l'autre, fait monter une tension déjà grandissante. Des grévistes dénoncent, sous le couvert de l'anonymat, tous les dépassements dont fait l'objet le secteur de l'aviation civile comme les nominations de complaisance, les primes sur fond de copinage, les recrutements non fondés et l'injustice sociale. « Il y a six mois de cela, le ministre a nommé des responsables aux tours de contrôle qui sont d'anciens co-détenus. D'ailleurs, l'un d'entre eux, âgé de 58 ans, est actuellement chargé de chapeauter une tour de contrôle, ce qui est insensé», indique un agent relevant de l'Office. Une jeune employée exerçant à l'Office souligne qu'il a été procédé, hier enco re, au recrutement de neuf personnes pour occuper des postes stratégiques. « La tactique du ministre et du gouvernement est claire et nette : il veut que les « siens » accaparent les postes-clefs et devenir ainsi souverains à l'Office», fait remarquer une autre dame, non sans emportement.