Un séminaire est prévu du 17 au 19 de ce mois avec, à l'ordre du jour, les violations des droits de l'Homme, de l'indépendance à nos jours « Violations des droits de l'Homme en Tunisie (1956-2013), entre histoire et mémoire » : tel sera le thème abordé par un parterre d'experts et d'acteurs de la société civile nationale et internationale, lors d'un séminaire scientifique prévu du 17 au 19 de ce mois. En prélude à cette manifestation d'envergure, la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle a tenu, hier matin à Tunis, une conférence de presse, au cours de laquelle maître Amor Safraoui, coordinateur, a donné les motivations et les objectifs d'un tel événement. Il en a donc annoncé la couleur : tout pour dévoiler la vérité des vérités. La vérité des faits et des crimes commis que l'on garde encore en mémoire du temps de Bourguiba et de celui de Ben Ali. Une lecture chronologique des atteintes à la dignité des hommes survenues au fil de l'histoire, depuis l'indépendance jusqu'à nos jours, en 2013. Il s'agit des mauvais souvenirs ensevelis dans l'oubli mais aussi de la réalité des choses telle que consignée dans les annales de nos archives. Pour Me Safraoui, seule la justice transitionnelle est le sésame de toutes ces vérités. Trois ans après la révolution, l'on attend encore que ce processus soit mis en place dans la sérénité et la transparence requises. Loin de toute instrumentalisation. Et le conférencier d'insister : «La justice transitionnelle ne peut être à caractère sélectif ou vindicatif». C'est plutôt une voie de recours pour rendre des comptes, dans le cadre de la loi, tout en procédant au jugement des coupables et de leurs complices. L'ultime but, dit-il, est de parvenir à la réconciliation nationale. Entre autres raisons du séminaire objet de la conférence d'hier, l'archivage des violations des droits de l'homme. Peut-on réveiller, aujourd'hui, les vieux démons du passé ? Le fait de laisser un tel processus traîner en longueur, a-t-il ajouté, est à l'origine de ce qu'on vit actuellement, sur fond de tensions, de violence et d'assassinats. A l'instar des autres pays, ajoute-t-il, la société civile est appelée à jouer son rôle dans la découverte de la vérité... « En Tunisie, les initiatives citoyennes d'investigation n'ont malheureusement pas donné leurs fruits. Cela est dû au fait que le processus de la justice transitionnelle reste sous l'emprise des autorités publiques», a-t-il indiqué, soulignant l'importance qu'il y a d'y impliquer aussi les médias. Avant de céder la parole, Me Safraoui a relevé que les préparatifs du séminaire prévu ont été confiés à une commission scientifique d'organisation. Le document final des recommandations servira de projet de la justice transitionnelle. Par ailleurs, M. Alya Amira Sghaier, professeur universitaire d'histoire, et coordinateur de ladite commission d'organisation, est revenu dans son intervention sur les grandes thématiques de la manifestation. En neuf séances plénières réparties sur trois journées de suite, soit du 17 au 19 de ce mois, quelque 27 communications scientifiques seront à l'ordre du jour. Elles porteront sur l'histoire des violations des droits de l'Homme de l'ère bourguibienne jusqu'à nos jours, en passant par les années de braise Ben Ali. Autant d'expériences qui seront comparées aux périodes de transition d'autres pays tels que le Portugal, la Pologne, le Maroc et l'Afrique du Sud sous la présidence du défunt Nelson Mandela. Leur cas sera considéré du point de vue de la justice transitionnelle et du rapport avec les archives. De 1956 à 2013, la mémoire collective ne semble pas assez courte. Le conflit «bourguibistes-youssefistes» est encore là, gravé dans l'esprit des deux familles, avec le putsch de 1962 et les violations des droits de l'Homme qui ont suivi. De même pour les événements de Gafsa en 1980, ainsi que l'affaire de Barraket Essahel, déclenchée suite au « coup d'Etat militaire » au début des années 90, rappelle le professeur. Au menu également, les violations faites à l'égard des femmes militantes et des journalistes, contre les opposants de gauche (les perspectivistes et les nationalistes arabes) et les syndicalistes, dont Ahmed Tlili, à l'occasion des émeutes de 78 et de 84. Les mouvements estudiantins ont fait aussi l'objet de violations, ayant touché l'Uget et l'Ugte. Sans oublier celles perpétrées à l'encontre des islamistes, notamment les activistes nahdhaouis. L'actuelle période post-révolutionnaire n'a pas manqué non plus de donner lieu à des abus et des dépassements. Les violations n'ont épargné personne ni aucune région. « Ce constat des faits, dressé par ordre chronologique, n'aura qu'à dévoiler la vérité de façon objective», conclut l'intervenant. Pour le représentant du Haut commissariat des droits de l'Homme, la justice transitionnelle est un processus de réparation et de rétablissement de la vérité recherchée, afin que le passé ne se répète pas. « D'ailleurs, le haut commissariat accompagne, dés le début, ce processus et s'est révélé partenaire de la société civile tunisienne», soutient-il, formulant l'espoir que ce processus ne soit pas mis en arrière-plan, mais bien au-devant des questions de l'heure. «Le séminaire scientifique concerné, auquel nous apporterons notre soutien, servira de base pour le travail de la future commission «Vérité et dignité », encore en gestation », espère-t-il.