Les deux jeunes réalisateurs ont filmé les enfants tunisiens dans le contexte politique et social post-14 janvier 2011. L'institution Al Mostakbal, ou Foundation for the future —qui siège à Amman et qui s'est installée en Tunisie en avril 2012— a organisé, avant-hier à El Teatro, la projection du film Génération dégage de Yassine Redissi et Amel Guellaty. Produit par la fondation, le thème de ce court-métrage d'une trentaine de minutes s'inscrit dans son activité principale qui consiste en la promotion de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'Etat de droit. Dans ce sens, Al Mostakbal soutient les initiatives de la société civile active dans ces domaines, dans la région Mena élargie. Génération dégage est l'un des trois films que l'institution a produits. Elle enchaîne d'ailleurs, mardi prochain, toujours à El Teatro, avec la projection de Mille et un Tunisiens racontent de Emna Mnif et Lassaad Ben Abdallah, qui a été projeté avec d'autres films pendant l'ouverture de Doc à Tunis en mai dernier. Venons-en à Génération dégage. Ce film vise à déceler l'effet des bouleversements vécus en Tunisie depuis 3 ans sur la conscience politique des enfants et leur perception de la réalité. On y découvre en séquence d'ouverture des images de manifestants du sit-in du Bardo, puis on passe aux témoignages d'enfants âgés entre 7 et 13 ans, prônant clairement des discours politiques divergents. Dès les premières minutes, le film affiche un bon rythme et présente les enfants, seuls ou en famille, les interroge et interroge leurs parents. Les paroles des enfants sont le relais de l'appartenance politique de leurs entourages ou de ce qu'ils voient et entendent dans les médias et dans les réseaux sociaux. Certains d'entre eux confondent démocratie et dictature ou ont une perception erronée de plusieurs événements. Rares sont ceux qui peuvent développer un argumentaire pour justifier leur avis et leur appartenance. Leurs propos, classés par thèmes, sont ponctués d'analyses fournies par la sociologue Khadija Cherif, qui met les choses dans leur contexte. Le film tente toujours de capter la vivacité, l'innocence et l'optimisme de ces enfants qui ont tous exprimé leur désir de voir la paix régner en Tunisie, dans l'acceptation des différences et dans le rejet des conflits. C'est pour cela qu'une intervenante lors du débat qui a suivi la projection du film a affirmé que la vérité sort de la bouche des enfants. Cette affirmation est en effet éloquente, puisque, au-delà du sens premier de leurs paroles, les enfants sont en quelque sorte le miroir de la société. Ils sont un exemple concret de la graine qui a été semée dans ce pays, de la manière dont elle a été développée et de ce que la Tunisie va donc récolter dans quelques années. La situation sociale et économique se reflète forcément sur eux. C'est le cas en particulier des enfants de l'école préparatoire de Makthar que la caméra de Yassine Redissi et Amel Guellaty a rencontrés et filmés. Ces écoliers vivent et étudient dans des conditions très difficiles. Ils sont dans une autre réalité que celle des premiers enfants interviewés, puisque leur seul souci semble être les conditions sociales difficiles et les revendications de la révolution, loin de tout discours ou slogan. De par leur quotidien, ces enfants sont politisés naturellement, d'une manière profonde et qui dépasse les simples paroles que ressortent les enfants citadins et dont ils ne saisissent pas toujours l'essence. Entre la première et la deuxième parties, le film affiche malheureusement un flagrant déséquilibre, puisque les enfants de Makthar sont filmés en classe, en vrac, alors que les premiers enfants le sont individuellement, avec une introduction pour chacun. Les deux réalisateurs expliquent ici que cela est dû aux conditions difficiles du tournage où ils ont manqué de temps et de moyens vers la fin et n'ont pas pu faire ce qu'ils espéraient. Ils ont ajouté qu'ils étaient tellement secoués par la réalité des enfants de Makhtar qu'ils voulaient leur dédier le film. Les conditions de production l'ont ainsi emporté sur le film en lui-même qui n'est finalement qu'un support pour un projet institutionnel. Yassine Redissi et Amel Guellaty ambitionnent tout de même de voir ce film circuler dans les festivals de cinéma après un nouveau montage. Génération dégage mériterait d'être vu, rien que pour une prise de conscience collective, et pour ce que les enfants apprennent aux adultes.