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Les mots de la transition
Abécédaire

Telle une boîte de Pandore, qui s'ouvrit subitement, la transition a libéré des vocables étrangers au mot étincelle de la révolution. Notre sélection
LE 14 janvier 2011, le printemps tunisien résonnait de mots simples comme Liberté, Travail, Justice, Dignité... Trois ans après et faute de les traduire en programmes, le régime de transition a puisé dans un tout autre registre. Des mots nouveaux, des mots prometteurs, des mots étranges, des mots douloureux, des mots ambigus, des mots cachés. Des mots détournés. Des mots qui en disent long sur le sens qu'ont pris le débat public et le vivre-ensemble dictés par la première leçon de démocratie. Des mots qui viennent souvent de loin mais qui traduisent le nouveau rapport des forces établi depuis les élections. Langue : l'arabe. Référentiel : l'islamisme. Notre résumé de la transition à travers le parti pris des mots.
«Al Kourci»: Pouvoir. Mots associés : Assolta.
C'EST l'un des mots nés après les élections du 23 octobre 2011. Un mot qui représente le mieux les Tunisiens des régions intérieures les plus défavorisées. Sidi Bouzid, Kasserine, Siliana, Gafsa...Il dit leur crise de confiance dans les politiques de tous bords, majorité et opposition confondues. «Tous les mêmes! Ne leur importe que le kourci!», répètent les désenchantés de la révolution.
Leur voix donne un rythme et un sens aux insurrections toujours recommencées dans ces territoires oubliés depuis des siècles de la République. Cette voix qu'ils ne donneront probablement à aucun parti lors des prochaines échéances électorales. Ces Tunisiens de l'intérieur ont vu pourtant beaucoup de représentants de mouvances politiques défiler chez eux lors de la dernière campagne électorale. Où sont leurs promesses? Le chômage se démultiplie, l'infrastructure de base se dégrade à vue d'œil, la corruption s'aggrave... Lorsque ces sceptiques du politique captent, par hasard, un bout de débat télévisé, qu'ils ne suivent plus depuis belle lurette, ils ne peuvent s'empêcher de s'écrier: «Tous des imposteurs!».
Annokhba: Elite. Mots associés : îlmania (laïque), francophonie
A PEINE engagée au printemps 2011, la course aux élections prend les allures d'un débat idéologique centré autour de l'identité et du modernisme et opposant les islamistes d'Ennahdha à l'élite intellectuelle et artistique. Les premiers dénigraient «le silence complice» et «l'inertie» de l'élite sous la dictature, l'accusaient de «laïcité» et de «mécréance». Arguments historiques et philosophiques à l'appui, celle-ci opposait une défiance totale face à «la supercherie de l'islam politique». «Notre malheur est dû à notre élite» attaquait en novembre Hamadi Jebali provoquant cette réplique de l'islamologue Abdelmajid Charfi : «Ennahdha ne compte ni élite intellectuelle, ni penseur digne de ce nom et encore moins de personnalité faisant autorité dans quelque domaine que ce soit». Entre l'élite et les islamistes au pouvoir, la rupture n'a jamais été aussi profonde. L'article 38* voté par une Assemblée critiquée pour sa pauvreté intellectuelle en est l'illustration.
Assahwa al islamya : Eveil islamique. Mots associés : Aslama (islamisation). Addaâwa (prédication). Wahhabisme. Imara (Emirat). Conquête.
LE chef du parti islamiste radical Hizb Ettahrir, Ridha Belhaj, en fait le leitmotiv de son discours. Le slogan sonne comme une utopie et ratisse large. Fonds d'intéressement généreux, stratégies de mobilisation maximum, les jeunesses des quartiers défavorisés sont particulièrement ciblées et affublées du statut revalorisant de «Chabab assahoua al islamya», jeunesses de l'éveil islamique sur lesquelles l'islam peut désormais compter pour «conquérir l'univers». En attendant, la Sahoua islamya peut compter sur son partenariat fructueux avec le wahhabisme du Golfe. En Tunisie, des centaines d'associations s'y emploient sous le couvert de la bienfaisance. L'ONG «Qatar Charity» y aura mis quelque 7,5 millions d'euros pour deux ans. Activités apparentes : construire le maximum de mosquées, d'écoles et de jardins d'enfants coraniques, mobiliser le maximum de prédicateurs avec, à un horizon proche, l'édification du califat islamique et ses Emirats. La particularité de cette notion large c'est qu'elle fédère l'ensemble de la mouvance islamiste : jihadistes armés, salafistes quiétistes et tenants de l'islam politique.
Assouad: Noir. Mots associés : Livre. Listes. Journalistes. Niqab, Barbe. Drapeau
Trop tôt, le «Printemps tunisien» a perdu ses couleurs. Le noir devient la couleur emblématique de la transition. Noir des barbes longues et hirsutes qui reviennent de loin ou poussent en quelques jours, comme signe d'appartenance à une nouvelle communauté. Noir des niqab (voile intégral) qui s'affichent, figure féminine d'un salafisme pressé de rattraper le temps perdu et d'occuper l'espace public. Noir du drapeau wahhabite du tawhid (Il n'y a de Dieu que Dieu) substitué au drapeau national et hissé haut dans le ciel tunisien. Noir d'un passé de violations que les nouveaux acteurs promettent d'éclaircir. Noir ponctué de listes : liste noire des journalistes, liste noire de la police de Ben Ali, liste noire des magistrats, liste noire des avocats retrouvée sur les bureaux de l'ancien président, liste noire des hommes d'affaires, des artistes... Toutes servent de cartes de pression aux mains du nouveau pouvoir avant d'être brûlées. Novembre 2013, une dernière est grillée à Carthage entre les pages du Livre Noir.*
Assolta: Pouvoir. Mots associés : Dawla (Etat), Dawalib (Rouages), 7oukouma (Gouvernement), Char3ya (Légitimité), Mounawara (Manœuvre). Tadafoô ( lutte)
«Assolta Licha3b» (Le pouvoir appartient au peuple). Le slogan des premiers mois de la transition n'occupe plus que quelques murs désaffectés. Très peu usité avant le scrutin du 23 octobre, le mot rythme le discours des nouveaux gouvernants. Dans de célèbres poncifs, le président provisoire l'appréhende comme un gâteau «Ka3ka» et un ministre compare ses «délices et addictions» à ceux d'une «nuit de noces». Très peu compétente en politique au sens de gestion stratégique des affaires publiques, de gouvernance et de communication, la classe politique dominée par les islamistes s'est avérée imbattable dans l'art primitif de monopoliser le pouvoir et d'assujettir ses appareils. Un exercice obstiné et revanchard à base de deux recettes guerrières : la mounawara et le tadafo3 — la manœuvre et la lutte — alimentées par les déclarations contradictoires, les fuites concédées et les buzzs. Tendance à annihiler les contre-pouvoir et l'opposition par des flèches religieuses et morales.
Chahid: Martyr. Mots associés : Sacrifice, kamikaze, Jihad, Chabab Athawra, Chabab Assawa
PLUS d'un demi-siècle après les martyrs de l'indépendance, près de trois cents jeunes tombés entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 sous le feu du régime finissant de Ben Ali, mériteront du statut de martyrs de la révolution. Entre-temps, du Liban en Afghanistan, la figure du martyr est affublée de sa raison religieuse, sa récompense paradisiaque et miroitée par la mouvance jihadiste naissante. «L'islamisme radical parie sur la figure du martyr et crée des dettes de sang pour assujettir les masses à sa cause. Il se donne un droit de tirage sur la jeunesse pour produire le plus de martyrs possible», analyse Fethi Benslama, professeur de psychopathologie. Résultat : une jeune génération arabo-musulmane engagée dans une machine de la mort volontaire contre un ennemi improbable. En Tunisie, ni les jeunes tués en Syrie, ni leurs prédécesseurs en Irak et en Afghanistan n'auront droit à cette reconnaissance. Avec les assassinats de Belaïd et De Brahmi, la figure du martyr est celle d'un héros politique.
Charîya: Légitimité. Mots associés : Elections. Révolution. Religion. Safha Bidha (table rase). Mouaquat (Provisoire)
Entre le 14 janvier et le 23 octobre 2011 et face au vide constitutionnel occasionné par la chute du régime, les acteurs de la première transition ont dû puiser leur pouvoir transitoire dans la gymnastique souple et séduisante de la «légitimité consensuelle». A peine élue, la classe politique issue du scrutin du 23 octobre, dites premières élections démocratiques, a revendiqué haut et fort une «légitimité populaire» exaltée par l'onction du suffrage. Une sorte de chèque en blanc pour faire table rase des législations, des institutions et des engagements de la première transition. Une triple aventure constitutive, législative et exécutive où la concentration délibérée des pouvoirs devait servir les projets durables. A l'expiration du mandat initial de l'ANC, le 23 octobre 2012, le parti islamiste au pouvoir, critiqué par l'opposition et la société civile, appelle à la rescousse LPR et prédicateurs pour revendiquer, tour à tour, «légitimité révolutionnaire» et «légitimité religieuse». Dans les marches de soutien à Ennahdha, la «charîya» est aisément confondue avec la «chariâa». Et ce, jusqu'à ce 6 février et ce 25 juillet 2013 où des Tunisiens de tous bords ont crié : «La charîya baâda eddam !» Point de légitimité après le sang versé.
Dialogue National: Mots associés : consensus. Feuille de route. Quartet
Depuis que l'Ugtt a décidé en octobre 2012 d'organiser une conférence nationale de dialogue, les tentatives de pourparlers entre les différentes formations politiques se sont succédé, malgré la suspicion des uns et le boycott des autres. Leur rythme est allé crescendo ces derniers mois, suivant l'aggravation de la crise économique et politique, la dégradation de la situation sécuritaire et l'effritement de la légitimité électorale au gré des prolongations qui se sont joués à l'Assemblée constituante. Les deux assassinats politiques qu'a connus le pays en plongeant la classe politique dans l'horreur ont appuyé l'idée du dialogue comme seule issue possible aux incertitudes de l'horizon tunisien. Or, de blocage en blocage et d'échec en échec, le compromis se révèle impossible dans un contexte de bipolarisation extrême du pays. «Je t'écoute...moi non plus», semblent se dire les protagonistes, dont les échanges arbitrés par le Quartet, loin d'être sereins, explosant de temps à autre sur les plateaux télévisés donnent le tempo des tensions confinées dans la moiteur des salles de réunion... «On dirait que les mots n'ont pas le même référentiel pour les uns et pour les autres», déclare le politologue Larbi Chouikha.
Doustour: onstitution. Mots associés : Deuxième République. Assemblée Nationale Constituante. Députés. Experts.
Principale revendication du sit-in d'El Kasbah 2 inaugurant la transition démocratique : l'élaboration d'une nouvelle Constitution et le passage à une Deuxième République. Elle sera concrétisée, le 23 octobre 2011, par l'élection d'une Assemblée Nationale Constituante de 217 membres où le parti islamiste Ennahdha dispose de la majorité relative des sièges face à un camp minoritaire de libéraux. Fixée à une année, la rédaction de la Constitution en requiert finalement trois. Un long affrontement entre deux visions antagoniques de la société et de l'Etat : l'Etat moderne et l'Etat islamique fondé sur l'application de la chariâa. Sur sa dernière ligne droite, la rédaction de la Constitution vient de réaliser, in extremis, le difficile compromis autour des articles portant sur le caractère civil de l'Etat, les libertés (liberté d'expression, liberté de conscience, libertés syndicales...) et les droits des femmes (égalité, parité). En revanche, la question identitaire, la nature du régime et les dispositions transitoires continuent, à ce jour, de diviser.
Feuille de route: Mots associés : Dialogue national. Quartet
Le 29 juillet 2013, quelques jours après l'assassinat du député Brahmi et l'installation du sit-in du départ, le comité administratif de l'Ugtt présente une feuille de route, qui occupera le cœur de l'actualité de ces six derniers mois. Son initiative de sortie de crise, que soutiendront l'Utica, la Ltdh et l'Ordre des avocats, préconise entre autres la dissolution du gouvernement Ali Laârayedh, la mise en place d'un cabinet de compétences nationales et la fin au plus vite des travaux de la Constitution. Ainsi que la formation de l'Isie et l'élaboration d'un projet de code électoral. Suspendus aux lèvres de Houcine Abassi, le SG de la centrale syndicale, l'homme le plus déterminé à appliquer, contre vents et marées, la feuille de route pour éviter un surplus de violence et de drames au pays, les Tunisiens passeront un été puis un automne sous haute tension. Même si les délais prévus par la feuille de route ont été largement dépassés, et certains de ses principes transgressés (le consensus s'étant révélé impossible pour le choix du chef de gouvernement), Ali Laârayedh a fini par présenter la semaine dernière sa démission au président Marzouki. La feuille de route a sauvé la transition ! Et Houcine Abassi mérite le titre de meilleur négociateur du siècle !
Hawiya: Identité. Mots associés : Modernité, Laïcité
Que de débats stériles autour de cette question ! Que de perte de temps ! Que de tensions ! Que de violence ! L'opposition a probablement été piégée par l'argument identitaire arabo-islamique brandi par les islamistes lors de leur campagne électorale. En face : point de contre discours puissant, crédible. Sous l'emprise des courants salafistes et d'extrême droite, mais également des faucons du mouvement Ennahdha, on jette dans l'arène du débat public des questions que l'on croyait dépassées : la charia, l'égalité entre les sexes, la polygamie, le niqab, l'art et le sacré, l'apostasie, les habous...Des sujets polémiques, qui ont permis au pouvoir, tout d'abord, de détourner l'attention de la population de ses revendications socioéconomiques et de ses aspirations vers plus de libertés. Valeurs insufflées par l'esprit de la révolution. Ensuite de moraliser et d'islamiser par le bas une société arabe connue pour son mouvement moderniste et d'émancipation des femmes, qui remonte au XIXe siècle. Pour le psychanalyste Fethi Ben Slama, «désidentifier» l'autre est la pire des violences : «Lorsque quelqu'un prétend que vous n'êtes pas ce que vous devez être, ou comme ce qu'il croit être le vrai être que vous n'êtes pas, alors la «désidentification» est au service de la folie !».
Himayet Athawra: Protection de la Révolution. Mots associés : milice. Société civile.
PRINTEMPS 2011. Doublés par la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et de la transition démocratique, les comités de protection de la révolution sont massivement investis par des militants nahdhaouis, des indicateurs du régime de Ben Ali et des membres du CPR. Bénéficiant de la souplesse du décret-loi n°88-2011 du 24 septembre 2011, ils s'érigent en composantes légales et souveraines de la société civile et se multiplient sous l'organisation mère « Ligue nationale de protection de la révolution ». Mais très vite, leurs pratiques miliciennes lors de la campagne électorale, le sit-in de la télévision nationale, les incidents du 9 avril 2012, du 6 décembre devant l'UGTT et toutes les contre-manifestations révèlent leur vrai visage partisan. Le 18 octobre 2012, la ligue de Tatouine est gravement compromise dans l'assassinat, par lynchage, du représentant de Nida Tounès, Lotfi Nagdh. Aujourd'hui, même si aucun tribunal et aucune décision politique ne sont venus interdire les LPR, celles-ci font de moins en moins parler d'elles. Elles auront été conseillées de fondre dans l'anonymat des associations pro-Ennahdha. Leur principale cause, la loi sur l'immunisation de la révolution restera lettre morte.
Ightial siassi: Assassinat politique. Mots associés : haqiqa (vérité) Beretta (arme du crime).
6 FEVRIER 2013, 8 heures. Les Tunisiens sont sous le choc d'un mot tragique et étranger. Rien dans le droit tunisien ne permettait de définir le crime d'Etat. Pourtant, sur fond de colère populaire, une certitude gronde : la violence du discours politique et du prêche religieux vient d'attenter au droit à la vie. La vie d'un redoutable opposant, Chokri Belaïd suivi cinq mois après par une autre figure aussi emblématique de l'opposition : Mohamed Brahmi abattu avec la même arme. La mouvance jihadiste est pointée du doigt par le gouvernement islamiste. «Belaïd l'objet de fatwa et Brahmi le Haj avaient en commun la possibilité de changer le cours des choses en Tunisie», soutient l'avocat Ridha Raddoui auteur d'une étude sur les assassinats politiques après le 14 janvier. Aux dernières révélations, l'implication de l'appareil de l'Etat est établie et le concours de services de renseignements étrangers non exclu. Reste à dévoiler la partie politique qui a commandité.
ILâlam Al âar ! : Médias de la honte ! Mots associés: Liste noire. Mauve
ON ne sait plus d'où est partie l'expression. Les LPR en sont-elles l'auteur ? Elles, qui au début du mois de janvier 2012, à coups d'insultes, ont affronté les journalistes à La Kasbah venus protester contre le gouvernement Jebali et ses nominations unilatérales des PDG et des rédacteurs en chef des médias publics. L'expression est devenue le porte-drapeau des inconditionnels du pouvoir des islamistes « que les campagnes de destruction médiatiques empêchent de travailler». Elle veut porter préjudice à ceux dont le métier consiste à suivre, à décrypter et à critiquer les nouveaux hommes politiques en les mettant tous dans le sac de la complicité avec l'ancien régime.
La formule peut aussi bien avoir été enfantée dans la foulée des petites phrases assassines des dirigeants du mouvement Ennahdha. Celle qui illustre le plus cette idée revient à Samir Dilou : «Les journalistes au temps de la dictature de Ben Ali n'ouvraient la bouche que chez le dentiste !», déclarait-il en février 2012.
Il faudrait aujourd'hui beaucoup plus qu'une simple insulte pour pousser les médias tunisiens au silence !
Infilat: Dérapage, désordre. Mot associé : Haybatou Addawla (autorité de l'Etat)
Quelques heures après la fuite de l'ex-président le soir du 14 janvier 2011, les médias relaient ce terme, infilat amni, (dérapage sécuritaire), qu'ils ont recueilli via les communiqués officiels du ministère de la Défense. Le mot évoque les batailles rangées entre les forces d'intervention et les brigades d'élite de la garde présidentielle. En fait dans la confusion et la psychose nommée « snipers », les divers corps de la sécurité nationale se sont tirés dessus. Tel est le résultat de plusieurs investigations journalistiques notamment. Et puis la sphère d'influence de l'infilat se propage à d'autres champs. On regretta l'infilat al i3lami, (dérapage médiatique) le soir du 26 février 2011 lorsqu'un citoyen réclama sur la chaîne de télé nationale la pendaison du Premier ministre de l'époque, Mohamed Ghannouchi ! Puis, impuissantes, les autorités relevèrent la transgression de la loi dans d'autres domaines : urbanisme, archéologie, code de la route, occupation des mosquées, commerces...L'Etat et ses institution de contrôle perdent beaucoup de leur pouvoir coercitif en ces temps de gouvernements provisoires successifs. Et cette situation d'instabilité constante perturbe sérieusement la quiétude psychologique des Tunisiens. Les révolutions n'ont jamais été un long fleuve tranquille !
Islam Siassi: Islam politique. Mots associés : Frères musulmans. Renaissance islamique. Pouvoir.
Les historiens la relient à la création en 1928 en Egypte de l'association des Frères musulmans, premier mouvement politique réclamant l'application de la loi islamique, comme solution à tous les problèmes de la société et de l'Etat. « Par le Coran et par le glaive». Précise son théoricien Saïd Qotb, justifiant l'usage de la violence pour réislamiser les sociétés arabes «impies». Incapable d'engendrer de vais programmes politiques et économiques, l'islam politique a plutôt servi les guerres du siècle (contre les nationalistes, les communistes et les progressistes arabes et jusqu'en Afghanistan où des Frères musulmans ont constitué la genèse d'Al Qaida). Le printemps arabe est la première occasion historique qui mettra l'islam politique à l'épreuve du pouvoir en Tunisie et en Egypte. L'expérience s'avère chaotique en raison de l'absence de stratégie, du faible rendement socioéconomique et des ambitions autocratiques des islamistes. «L'islam politique en tant qu'expérience d'un parti majoritaire au pouvoir est fini», avait prédit l'analyste Alaya Allani, ajoutant : «Ce sera un parti participatif et non hégémonique».
Jihad: Guerre sainte. Mots associés : Combat, armes, argent
Le mot revient de loin. Remise au goût du jour par les théoriciens d'Al Qaida, la guerre au nom de l'islam a changé de technique (moderne et spectaculaire) et de camp... d'adversaires. Elle se joue désormais entre musulmans contre musulmans : Afghanistan, Algérie années 90, Yémen, Ethiopie, Soudan, Irak, Mali... Le printemps arabe lui ouvre de nouveaux horizons : Libye, Egypte, Syrie, Tunisie. Mars 2011, dans le laxisme de l'Etat minimum qui a succédé à la chute du régime, l'ouverture des frontières, le retour des vétérans d'Afghanistan, l'amnistie générale et le déferlement des fonds et des armes, le courant religieux radical s'est reconstitué. Dans son congrès constitutif de la Soukra, Ansar Echariâa se scinde en deux mouvances autour de deux chefs et deux visions. Idriss Al Khatibi pour qui la Tunisie est terre de prédication et le jihad choix individuel, Abu Yadh qui décrète la Tunisie terre de jihad et le jihad obligatoire en vue de l'instauration de l'Etat islamique. Le tout est logistiquement appuyé par les camps d'entraînement de Derna et Musrata fraîchement créés en Libye, les accords secrets d'envoi de milliers de jeunes jihadistes en Syrie et la promotion d'un large réseau du commerce du jihad. A l'échelle locale, Jebel Châami, Bouhedma, Touiref constitueront les principaux points de ralliement du «jihad national».
«Jihad Al Nikah»: (Jihad du sexe). Mots associés : Jihad. Salafiste.
SERAIT-CE une autre grosse intox des temps post-14 janvier diffusée par le ministère de l'Intérieur pour discréditer les jihadistes tunisiens partis combattre en Syrie ? Il y a eu un précédent, classé dans un registre moins «sexy» : l'épouvantail Seriati. Le directeur de la sécurité de Ben Ali a été sciemment diabolisé ainsi que ses hommes, lors d'une réunion au ministère de l'Intérieur tenue le soir du 14 au 15 janvier 2011. A l'origine du phénomène «jihad nikah», une fatwa du Cheikh saoudien Mohamed Al Arifi diffusée sur les réseaux sociaux incitant les jeunes filles à partir en Syrie pour satisfaire les besoins sexuels des guerriers. Mais le Cheikh adresse un ferme démenti à ce propos.
Quant aux récits de celles qui ont exercé le «jihad al nikah», ils ont pour la plupart été diffusés par des chaînes de TV proches du pouvoir de Bachar Al Assad. A l'ANC, le 19 septembre dernier, Lotfi Ben Jeddou, ministre de l'Intérieur, relance la controverse en affirmant que des Tunisiennes avaient des «relations sexuelles avec 20, 30, 100 jihadistes!». Une contre-enquête du Nouvel Observateur publiée récemment confirme la thèse de la manipulation du MI : «En Tunisie, la guerre de Syrie est une question de politique intérieure. Et l'affaire du djihad nikah relève de la propagande de guerre contre les intégristes, qu'ils soient syriens ou tunisiens», écrit Sara Daniel, auteur de l'article.
Mauve
(couleur fétiche de Ben Ali par laquelle on reonnaît les hommes de l'ancien régime). Mots associés : Azlam. Fouloul. Contre-révolutionnaires. Addawla al âmiqa (l'Etat profond). Complot...
C'est plus qu'un mot. Etre « mauve », ou « zelm » ou « symbole de l'ancien régime » ou « novembriste » est un concept aux contours flous. Autour duquel une rhétorique ne cesse de s'amplifier. Ses auteurs les plus inspirés vont du CPR et ses clones, au mouvement Ennahdha, aux LPR et à tous les défenseurs acharnés de la loi d'immunisation de la révolution ou encore de la campagne « Ikbiss ». Mais qui sont au juste ces contre-révolutionnaires, qui complotent depuis longtemps pour faire capoter le processus transitionnel ? Et pourquoi n'ont-ils pas réussi leur coup si comme l'assurent les anti-fouloul ils possédaient les médias, les affaires, l'administration, la machine sécuritaire ?
Plus qu'une tentative de compromettre la réputation des adversaires, qu'ils soient journalistes, syndicalistes, féministes ou gauchistes, le concept trouve sa place dans la catégorie, propagande. Comment expliquer alors que Béji Caïed Essebssi, le président du parti accusé d'héberger les anciens rcdéistes, entretienne de si bonnes relations avec le chef islamiste Rached Ghannouchi ? Et que des hommes de Ben Ali aient été enrôlés dans les diverses structures d'Ennahdha ? Le passage par la case islamiste fait-il donc perdre aux azlem leur ancienne peau ?
Mouamara: Complot, conspiration. Mots associés : Wikileaks. Printemps arabe. Révolution
La théorie du complot a obscurci le plus clair de la transition. Deux sortes de conspirations ont été régulièrement convoquées. La première, privilégiée par les islamistes au pouvoir, accuse les forces de la contre-révolution d'œuvrer à les déstabiliser et leur arracher le pouvoir légitime. La seconde remet en question la spontanéité et la véracité de la révolution. Elle divulgue une superbe imposture géopolitique nommée «Printemps arabe». Elle est pilotée par les Etats-Unis, servie par Wikileaks, en vue d'une nouvelle carte géopolitique du monde arabe ; voire de nouveaux accords Sykès-Picot dont les exécutants seraient l'Arabie Saoudite et Qatar. Le 16 janvier 2011, moins de 48 heures après le départ de Ben Ali, le philosophe et journaliste américain, Webster Griffin Tarpley, vendait entièrement la mèche sur son blog. D'autres publications suivront. Ce sera le secret de polichinelle que tous savent, que personne ne peut vérifier et que beaucoup préfèrent taire. En ce 14 janvier 2014, le secret est soudain mis en avant... Un complot en cache-t-il un autre ?
«Moutou bighaydhikom !»: Que la rancœur vous tue ! Mots associés : opposition. Zéro virgule
EN février 2012, la visite du prédicateur égyptien wahhabite, pro-excision, soulevait un large tollé et la condamnation unanime des partis de l'opposition. Son projet de financer des associations de petites filles voilées à travers nos régions a particulièrement attisé la colère et l'indignation. Dans l'un de ses prêches enflammés, il réagit à l'accueil que lui a réservé la gauche tunisienne en lâchant la fameuse invective coranique : «Que la rancœur vous tue !» lancée aux mécréants. Voilées et pouponnées à l'occasion, une chorale de petites filles, fraîches disciples du prédicateur répèteront sous le regard fier de leurs mamans ce qui deviendra le refrain d'une chanson pour enfants. Le choc est insoutenable. Ce n'est pas la première fois ni la dernière que l'opposition est associée aux impies ou aux comploteurs et objet de proses belliqueuses. Le 23 octobre 2012, le post enflammé de Soumaya Ghannouchi, fille du chef d'Ennahdha et figure de la nouvelle élite, les appellent à «mettre leurs drapeaux en berne et à pleurer leur malchance».
Neutralité administrative: Hiyad al idara. Amnistié. Butin
Ce sont les chiffres et les faits qui remettent en question aujourd'hui «l'impartialité du service public». Et donnent à ce principe l'allure d'un faux slogan lorsqu'il est clamé par les dirigeants du parti au pouvoir. Selon l'Union tunisienne du service public, 87,12% des nominations et recrutements dans l'administration ont été effectués ces deux dernières années au profit d'un partisan ou d'un sympathisant de la troïka, dont 93% au bénéfice d'un proche du mouvement Ennahdha. Est-ce pour démanteler un territoire de la modernité et gagner celui des élections que des ambassadeurs et des consuls, des gouverneurs, des magistrats, des dizaines de PDG dans des secteurs stratégiques comme les médias, la sécurité, les statistiques et l'informatique ont été désignés directement par Montplaisir ? Pour ces armées de conseillers et de chargés de missions, de délégués, de membres de délégations spéciales,d'anciens militants, d'amnistiés et de nouveaux alliés d'Ennahdha, l'administration se révèle le vrai butin de guerre des élections du 23 octobre !
«Qui a tué Chokri ?» : Chkoun qtal Chokri ?. Mots associés : assassinat politique. Vérité. Martyr
Le lourd silence officiel qui pèse sur l'assassinat de Chokri Belaïd, SG du Watad, le 6 février dernier, a probablement été à l'origine du slogan. L'enquête piétine. Kamel Gadhgadhi, son tueur présumé, est toujours en cavale. Et l'arme qui l'a assassiné a abattu également le député Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. Très vite, les zones d'ombre et les doutes s'accumulent autour de l'enquête judiciaire. Des noms proches du premier cercle des dirigeants du mouvement Ennahdha émergent parmi les commanditaires du crime. Et une interrogation revient comme un leitmotiv : la justice tunisienne peut-elle s'affranchir du pouvoir exécutif ?
«Qui a tué Chokri ?». Tous les mercredis depuis le mois de février dernier, des manifestants et des militants du Front populaire brandissent des banderoles portant ce message face au ministère de l'Intérieur. La formule fait florès. Elle est reprise dans les meetings politiques, sur les réseaux sociaux et à la fin d'émissions phare sur Nessma TV et Mosaïque FM. Elle a circulé, le mois de mai dernier, sur des billets de banque. Le slogan, adopté par l'Irva, une initiative de la société civile créée pour faire la lumière sur l'assassinat de Belaïd et de Brahmi, a fini par symboliser le droit à la vérité. La chape de plomb étant toujours maintenue par le pouvoir sur les affaires du 9 avril, de l'Ambassade des EU, de la chevrotine, de la Place Mohamed-Ali...
Réparation des victimes: Attaâwith. Mots associés : justice transitionnelle. Amnistié. Restructuration de carrière
LA justice transitionnelle comporte quatre composantes : la vérité, la justice pénale, la réparation et la garantie de non-répétition. Or la démarche tunisienne à ce propos accorde beaucoup plus d'importance, d'énergie et de ressources à l'indemnisation des victimes, au détriment des autres volets. Plusieurs lois, notamment en faveur des amnistiés nahdhaouis, ont été adoptées très rapidement dès la prise de pouvoir du gouvernement Jebali. Tout d'abord la loi sur le recrutement exceptionnel dans la fonction publique (sans passer par les concours). Ensuite, le décret sur la reconstitution de carrière, qui promeut à des postes de responsabilité des agents ayant rompu depuis 15 à 20 ans avec la vie professionnelle! «On ne répare pas un dommage par un autre !», affirme le magistrat Ahmed Souab. Enfin, le décret sur l'indemnisation urgente des amnistiés. Une loi, quasi clandestine, très peu médiatisée... D'autre part, le 13 décembre 2013, l'ANC votait dans le cadre de la loi sur la justice transitionnelle la création du Fonds de la dignité, qui sera géré par l'Instance de la vérité. Le fonds servira (encore) à dédommager les victimes de la dictature. L'opposition a considéré ce projet comme un moyen de «piller» les finances de la République au profit des militants de la majorité.
Sit-in du départ: Iâtissam ar'rahil. Mots associés : Assembllée Constituante. Minorité politique. Zéro virgule
Le 26 juillet dernier, une soixantaine de députés de l'opposition se retirent de l'ANC après l'assassinat de l'élu Mohamed Brahmi. Ils se mobilisent dans l'animation du sit-in du départ sur la place du Bardo, devant le siège de l‘Assemblée sur fond de revendications : la dissolution de l'ANC et la démission du gouvernement Laârayedh.
«Notre voix n'a pas porté à l'intérieur de l'hémicycle où nos projets et propositions ont été dénigrés à multiple reprises, nous la minorité politique. Elle sera peut-être mieux entendue dans la rue, fief de nos électeurs», martèleront les députés sortants tout au long de ce Ramadan 2013 et même après. Un appel clair au renfort lancé aux Tunisiens de la rue qui depuis l'effondrement de l'ancien système, occupent le terrain laissé vide par l'affaiblissement de l'Etat. Depuis, la rue incarne pratiquement l'unique force avec laquelle le pouvoir peut désormais composer...
Une traduction qui colle plus au contexte politique d'«Arrahil» donne : dégage ! dégagement ! Nous voilà de retour vers le maître mot, le terme originel de la révolution tunisienne. Or, en trois ans de transition, la version française du slogan est abandonnée en faveur d'un synonyme en arabe...
Taghout: Tyran. Mots associés : Satan. Soldat. Gendarme
Dans le Coran, le Taghout renvoie à tout ce que l'époque préislamique adorait en dehors de Dieu et des lois divines. Les jihadistes des temps modernes vont l'élargir aux militaires et aux agents de sécurité. «Comme lors de la décennie noire en Algérie, les jihadistes déclarent la guerre aux corps des forces de sécurité et de l'armée, adversaires de première ligne. Ils sont associés à Satan et physiquement ciblés en vue d'affaiblir le socle de l'Etat, dans une première étape vers l'édification de l'Etat islamique», analyse Mazen Chérif, expert en stratégie antiterroriste. Bilan de la stratégie anti-Taghout en Tunisie : champs de mines, assassinats de front, embuscades et massacres où plusieurs militaires et gendarmes paient de leur vie, juste pour leur mission. Huit soldats égorgés le 29 juillet au Châambi où plusieurs militaires ont déjà été tués et blessés suite à l'explosion de mines, deux gardes nationaux à Béjà, le 19 octobre, et sept autres le 23 à Sidi Ali Ben Aoun. Au lendemain de chacune de ces tragédies, des «Taghout» défient la menace et jurent de poursuivre le combat contre le terrorisme.
«Winek Ya Ben Ali ?»: Ben Ali où es-tu ?
«Que de taxes espèce de voleurs ! Yahia Ben Ali ! Nous sommes les orphelins d'Ezzine !». Ce ne sont point des azlam (les hommes de l'ancien régime), qui ont lancé le 8 janvier dernier devant l'ANC ces vivats en l'honneur du président déchu. Mais plutôt des chauffeurs de voitures de louage hostiles à l'augmentation des taxes sur leurs véhicules, une disposition de la nouvelle loi de finances. «Winek Ya Ben Ali ?», crient d'autres Tunisiens, de diverses couches sociales. Une plainte récurrente depuis plusieurs mois, une triste rengaine se référant au «c'était mieux avant». Cette tendance de fond cristallise toutes les illusions perdues par rapport à un gouvernement de transition dirigé par les islamistes. C'est une sanction ! Une gifle ! Un rejet flagrant des gouvernants actuels dont les choix hyper libéraux aggravent la situation socioéconomique du pays. Et étouffent à petit feu les Tunisiens moyens et à faibles revenus. Un sondage du bureau 3 C Etudes publié le 6 janvier dernier confirme cette position : 35, 2 % des Tunisiens y regrettent l'ancien régime. Les sondés justifient ce sentiment par la détérioration de la situation sécuritaire, la chute du pouvoir d'achat, l'augmentation du chômage, l'opacité du paysage politique et par le trop plein de...libertés !
Zaïm: Leader. Mots associés : Charisme. Bourguiba.
LA chute de Ben Ali et l'ouverture du champ politique ont donné libre cours, pour la première fois en Tunisie, à une multitude d'acteurs politiques immédiatement lancés dans une course au pouvoir où aucune figure ne s'est vraiment détachée. «Quelqu'un de fort, de rassembleur... Quelqu'un qui a le charisme, la classe politique et le discours fédérateur !», regrettent en partie les Tunisiens. Marqués par l'autoritarisme sans ascendant de Ben Ali, c'est à Bourguiba qu'ils se réfèrent. Toutes générations confondues, ils puisent dans les photos d'archives et les discours du «combattant suprême» l'image du leader perdu et les réponses aux polémiques de la transition. Pour le juriste Yadh Ben Achour, la figure du Zaïm a certes servi la période post-indépendance où Bourguiba édictait tout et imprimait son héritage à tout. Mais elle devient obsolète aujourd'hui. «On est dans une relation horizontale où tout est construit au fil du débat public. C'est cela la démocratie.»
Zawaj ôrfi : Mariage coutumier
Etonnant ! Le mariage coutumier, une sorte de concubinage halal, qui unit dans la discrétion et la clandestinité un homme et une femme, défraie la chronique des temps post-révolutionnaires. Le Code du statut personnel instauré en Tunisie en 1956 est pourtant venu pour annuler un mariage très ancien, traditionnel, conclu par «simple accord de volonté», selon la formule de la juriste Sana Ben Achour.Le succès du mariage coutumier dans la communauté salafiste dépasse les murs des universités pour investir les quartiers populaires et la double vie d'une bourgeoisie polygame. Il s'explique par sa simplicité, sa rapidité, sa gratuité et son économie en cérémonies. Deux témoins et la Fatiha permettent au couple de «consommer» sans modération ! Des atouts de taille lorsqu'on connaît les frustrations sexuelles d'une jeune génération suite au retard de l'âge au mariage (29 ans pour les filles et 34 ans pour les garçons) et à un horizon bouché par la crise économique. Serait-ce un Mai 68 salafiste ?
L'avenue Bourguiba en fête
Les organisations de la société civile se sont mobilisées afin de marquer de leur empreinte la célébration, aujourd'hui, du 3e anniversaire de la révolution de la liberté et de la dignité.
Et c'est bien sur les artères de l'avenue Habib-Bourguiba, l'avenue symbole de la révolution, qu'elles ont décidé de faire partager aux Tunisiens la commémoration de l'événement.
Ainsi, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux organise, aujourd'hui, sur la même avenue une manifestation de soutien aux familles des martyrs et des blessés de la révolution placée sous le thème : «Contre l'oubli».
Au programme de la manifestation, une exposition photos sur la révolution, une autre exposition sur le soulèvement du bassin minier, une marche contre l'oubli et une soirée poétique et musicale.
De son côté, l'Association de la culture et l'éducation à la citoyenneté organise le jeudi 16 janvier, à partir de 10h00 à l'avenue Bourguiba, une manifestation sur le thème : «La tolérance dans l'identité tunisienne».
La même manifestation se déroulera le samedi 18 janvier à La Goulette.
Elle se tiendra sous la forme d'une tente de sensibilisation qui comprendra une exposition de toiles sur le thème indiqué. L'association procédera également à la distribution de livres et de documents traitant de la question de la tolérance.


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