Avec la suspension du financement accordé par le ministère de la Culture algérien aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa, le cinéma maghrébin risque de perdre l'une de ses plus importantes plateformes Il y a une dizaine de jours, l'association Project heurt's, organisatrice des Rencontres cinématographiques de Béjaïa, a rendu publics ses soucis dus à l'absence de financement de la part du ministère de la Culture algérien. Depuis, les messages de soutien affluent sur les pages Facebook de l'association et de la manifestation. Une page de soutien a même été créée, sur laquelle cinéastes et cinéphiles des quatre coins du monde affichent leurs photos avec des pancartes portant un message d'encouragement, ou les montrant revêtus du t-shirt des rencontres. Parmi eux, le cinéaste marocain Fethi Bensaïdi, l'ancien directeur du CNC français Dominique Wallon, ou encore le critique Jean-Michel Frodon, mais aussi des artistes, des producteurs, des techniciens, jeunes et moins jeunes, algériens, maghrébins et européens. Leurs messages personnalisés, où chacun donne libre cours à l'humour et à l'originalité, s'adressent directement aux membres de l'association Project heurt's, qui s'impliquent bénévolement dans l'organisation des rencontres. Celles-ci, si elles avaient lieu en 2014, en seraient à leur 12e édition. Elles ont donc vu le jour un an après l'association, venant s'ajouter à une activité régulière de ciné-clubs et d'ateliers d'écriture. Ces ateliers, les Rencontres cinématographiques de Béjaïa en comportent elles-mêmes. C'est grâce à eux que «plus de 30 jeunes ont suivi une formation sur l'écriture de scénarios de courts métrages, encadrés par des professionnels de l'écriture scénaristique», comme le précise le communiqué de l'association, rendu public le 23 janvier. Ceci sans compter les centaines de films projetés. Ce qui a fait de la manifestation un rendez-vous cinématographique très attendu. Dans ce communiqué, l'association explique que la dynamique créée par les rencontres risque de s'arrêter et ses activités risquent de disparaître. L'absence de financement de la part du ministère de la Culture en est la principale cause. Abdenour Hochiche, président de Project heurt's et des Rencontres cinématographiques de Bejaïa, a posté une vidéo sur Youtube pour clarifier la situation. Selon ses déclarations, l'association réclame du ministère un financement pour les rencontres, en plus de la subvention pour ses activités régulières. Ce financement a été augmenté en 2011, avant d'être divisé par 10 pour ne représenter que 300 000 dinars, alors que l'association célébrait la 10e édition des rencontres. En 2013, aucun financement n'a été accordé à la manifestation et les demandes d'explication sont restées sans réponse de la part du ministère algérien, jusqu'à aujourd'hui. Les membres de Project heurt's se trouvent donc dans l'incertitude quant à la possibilité d'organiser l'édition 2014 des rencontres. Ils ont attendu la fin de l'année 2013 avant de décider de réagir. D'autant plus que la demande de financement pour 2014 est à déposer entre mars et avril. D'ici là, les seules ressources de la manifestation viennent de l'APC de la ville, équivalent de la municipalité. En attendant une réaction du ministère de la Culture algérien, Project heurt's continue de travailler, puisque l'appel à participation pour les films a été lancé, et les rencontres annoncées du 31 mai au 6 juin 2014. Cette démarche s'inscrit de plus dans une volonté d'«ouvrir le débat sur le financement des activités et manifestations culturelles et de la création artistique en Algérie», comme le précise le communiqué de l'association, où l'on ajoute que d'autres associations sont dans la même situation. Le cas de Project heurt's est plus particulier, vu l'importance de la manifestation qu'elle organise. Inviter des cinéastes de tous bords demande en effet des financements, rien que pour la richesse des rencontres, aussi bien des cinéastes entre eux qu'avec les habitants de la ville et les autres invités du festival. Les Rencontres cinématographiques de Béjaïa misent en effet beaucoup sur les débats, qui sont organisés avec la plupart des cinéastes dont les films sont projetés. Grâce à la dernière édition, le public a pu avoir une idée sur la nouvelle vague du cinéma algérien, avec des courts-métrages comme Archipel de Djamel Kerkar et L'île, de Amine Sidi-Boumediene, en plus de documentaires qui interpellent dans leur forme comme dans leur fond, à l'image de Chantier A, de Sami Tarik, Lucie Dèche et Karim Loualiche, et de Demande à ton ombre de Lamine Ammar-Khodja. Ce dernier documentaire a été projeté lors des Rencontres cinématographiques de Bizerte, en juillet 2013, et pendant le Festival international du film amateur de Kélibia, qui est partenaire des Rencontres de Béjaïa. La présence tunisienne a été significative au programme de ces rencontres, avec la projection de Babylon d'Ismaël, Alaeddine Slim et Youssef Chebbi, de C'était mieux demain de Hind Boujemaâ et Maudit soit le phosphate de Sami Tlili. Leurs réalisateurs avaient fait le déplacement et ont débattu avec le public. L'ouverture a été assurée par le film du Marocain Faouzi Bensaïdi, Mort à vendre. Les jours qui ont suivi ont également comporté la fiction Goodbye Morocco de l'Algérien Nadir Moknèche, ainsi que Winter of discontent, de l'Egyptien Ibrahim El Battout et le documentaire de son compatriote Namir Abdel Massih, Les vierges, les coptes et moi. Une programmation et un esprit d'ouverture que l'on aimerait voir continuer. Tout notre soutien aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa!