Un second roman de Haytam Andaloussy vient de paraître aux éditions L'Harmattan, collection «Lettres du monde arabe», ayant pour titre : Le pain de l'amertume. Né en 1956 au Maroc, Andaloussy arriva avec sa famille en France dès l'âge de deux ans pour s'installer dans une banlieue de la région parisienne où il fut scolarisé. Sa nostalgie pour sa patrie d'origine – la terre de l'Afrique qui semble représenter pour lui la terre des origines – le pousse un jour à écrire de la fiction qu'il mélange souvent avec une certaine dose de réalisme et d'histoire véridique. Son œuvre est généralement caractérisée par un style aventurier hautement captivant. C'est le cas de son premier roman intitulé Sur la terre des orchidées (2007), qui traite du berceau de l'existence humaine et de ses aventures ainsi que des épreuves subies par l'homme primaire face à la violence des forces de la nature. Le livre, qui raconte cette épopée de tous les temps en couvrant les différentes étapes de l'évolution de la planète partant du Crétacé et passant par le Néolithique et l'Antiquité, représente une invitation à revivre cette expérience pleine de sensations douloureuses et délicieuses à la fois. Quant au dernier roman d'Andaloussy, Le pain de l'amertume, il s'occupe de certains sujets qui concernent un bon nombre de jeunes Maghrébins, à savoir le chômage, la pauvreté et l'immigration légale et clandestine. L'action a lieu au Maroc. C'est l'histoire de trois jeunes Marocains chômeurs et désargentés qui décident d'aller tenter leur chance en Libye. «Les hommes doivent partir pour gagner l'argent qui leur permettra de fonder une famille… Et puis la Libye, c'est moins loin que l'Europe. Mais c'est surtout un pays musulman, et pour les parents ça compte», disait Abd-el-Karim, l'un des protagonistes (page 11). Son ami Bilal, quant à lui, pense simplement qu'il ne peut plus ignorer les cris de sa petite sœur qui veut avoir une poupée et se promet de voyager afin de lui apporter ce jouet. Ainsi, les trois jeunes hommes, motivés par leurs aspirations au bonheur, ô combien innocentes, et par une vie décente, faisaient leurs valises et par la même occasion faisaient la route vers un destin incertain. Par grand malheur, le rêve se transforme en un vrai cauchemar lorsque la police aux frontières algériennes découvre de la drogue dans leur véhicule. Le groupe de rêveurs, étant ainsi séparés de leurs familles qui ne savent rien d'eux, subissent une infinité d'humiliations derrière les barreaux. Pendant cette période, Bilal fait la connaissance d'un certain Farid, un ancien prisonnier politique qui lui raconte les tortures infernales qu'il subissait. Deux ans d'emprisonnement passent, les trois amis, enfin libérés, retrouvent leur ville natale. Quelques mois plus tard, le cadavre d'un touriste américain est trouvé sur une plage voisine. Il s'avère que ce même homme a assisté à une séance de torture dont fut victime leur ami Farid. Le récit à la première personne commence in medias res. En effet, au premier chapitre, le narrateur commence par dépeindre une scène de célébration de mariage traditionnel à Casablanca où les trois héros se réjouissent de l'atmosphère festive après avoir passé les pires moments de leurs vies dans les oubliettes des prisons algériennes : «Oui, mes amis revenaient de loin, affirme-t-il, leur mésaventure serait restée ignorée si un fait divers ne m'avait poussé à la raconter. Un événement qui éclaire d'un jour nouveau leur histoire et m'a amené à m'intéresser à d'autres protagonistes qui ont croisé leur chemin. Voici, à la lumière de ce qu'ils ont vécu et du témoignage qu'ils m'ont rapporté, leur incroyable péripétie» (page 9). L'incroyable mésaventure de Bilal et ses amis nous pousse à penser aux multiples expériences des autres jeunes Maghrébins qui, pareils à des Robinson Crusoé des temps modernes, se lancent volontiers dans les trappes des mers et des déserts. Ces histoires passionnantes, qui sont certes dignes d'être racontées, attendent encore de bons romanciers pour les faire connaître au monde afin de contribuer à la mémoire humaine.