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Les difficultés d'une adéquation (I)
Opinions - Projets politiques et Réalités sociologiques:
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 02 - 2014


Par Tahar CHEGROUCHE *
1-L'urgence d'une réflexion sur la dialectique entre projets politiques et réalités sociologiques.
La réflexion critique sur la question du rapport entre projets politiques et réalités sociologiques et son corollaire, la prolifération des partis politiques, s'impose de toute urgence surtout après la débâcle essuyée par les forces démocratiques lors du dépouillement du scrutin du 23 octobre 2011.
L'acuité de cette réflexion est d'autant plus impérieuse que de nouvelles échéances pointent à l'horizon.
Il est évident que cette situation de dispersion des forces démocratiques ne peut guère perdurer sans déboucher sur des crises politiques encore plus graves. En effet, si, lors des prochaines élections, la défaite des forces démocratiques est évitée par miracle, le gouvernement qui en résulte ne peut jouir de la stabilité escomptée parce qu'il serait formé d'une multitude de groupuscules qui se donnent le nom de parti.
Si l'on constate la prolifération de partis politiques, peut-on déduire conséquemment une profusion de projets politiques ? Autrement dit, y a–t–il une corrélation entre prolifération de partis politiques et profusion de projets politiques? Si la réponse est positive, peut-on conclure alors à l'existence d'une adéquation entre projets politiques et réalités sociologiques.
2-Projets politiques ou partis politiques :
Un « parti politique » est censé être un groupement partisan qui parle au nom d'un groupe social. Dans cette optique, il est d'abord porteur d'un projet politique pour ceux au nom desquels il parle.
La notion de «projet politique» par contre renvoie à un ensemble d'objectifs qui devaient répondre aux besoins fondamentaux d'un groupe social définis dans un contexte déterminé du point de vue de la durée et des moyens...
Au sens fort du terme, un « projet politique » est synonyme de «projet de société», c'est-à-dire d'une vision globale, d'un ensemble de valeurs qui sous-tend une grille d'analyse. Ce cadre de référence fournit une orientation directrice qui permet d'identifier les problèmes que vit une société et de présenter les mécanismes et les moyens de leur résolution. Cette vision reste inopérationnelle, si elle n'est pas accompagnée d'un programme d'action qui fixe les priorités, les étapes et surtout les objectifs à réaliser dans divers domaines.
Faut-il signaler que dans une société donnée, il n'existe qu'un seul mode de production qui comporte deux classes fondamentales que seules les classes qui exercent une fonction essentielle dans le mode de production sont capables de proposer un projet de société. Toutes les classes sociales d'une société ne sont pas aptes à diriger la société.
L'exercice de cette fonction d'hégémonie ou de direction n'est possible que sous certaines conditions. D'abord cette classe sociale doit exercer une fonction fondamentale dans le monde de la production des richesses matérielles. Ensuite, du fait de sa position dans le procès de production, cette classe sociale dispose d'intellectuels organiques qui devraient asseoir sa domination culturelle :
«Chaque groupe social, naissant sur le terrain originel d'une fonction essentielle, dans le monde de la production économique, crée en même temps que lui, organiquement, une ou plusieurs couches d'intellectuels qui lui donnent son homogénéité et la conscience de sa propre fonction, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine politique et social...».
Les intellectuels, par la production et la diffusion des représentations sociales, jouent le rôle indispensable d'intégration des individus aux groupes sociaux et de ces derniers aux enjeux multiples de la société. «La production des représentations du monde social qui est une dimension fondamentale de la lutte politique est le quasi monopole des intellectuels : la lutte pour les classements sociaux est une dimension capitale des luttes de classes et c'est par ce biais que la production symbolique intervient dans la lutte politique. Les classes sociales existent deux fois, une fois objectivement et une deuxième fois dans la représentation sociale plus ou moins explicite.
Cette double existence des classes sociales à la fois objective et subjective est une notion clef, non seulement pour éclairer le processus de formation des mouvements sociaux et politiques, mais aussi et surtout pour analyser le rôle que jouent les intellectuels dans un tel processus. Insister sur un tel rôle revient à mettre en exergue la fonction qu'ils assument dans l'élaboration d'une domination culturelle.
Celle-ci se constitue et se maintient à travers la diffusion des valeurs culturelles au sein des institutions scolaires, universitaires, scientifiques, artistique, médias, syndicats et partis...
Autant de foyers de la société civile propageant des représentations qui conquièrent peu à peu les esprits et permettent d'obtenir le consentement et l'adhésion du plus grand nombre.
L'on se demande alors dans quelle mesure cette prolifération correspond-elle à la structure sociale ? S'il n'y a pas une rupture entre l'homologie des structures politiques et structures sociales, quelles significations peuvent-elle avoir ? A quoi peut-on l'attribuer ?
3- Partis politiques ou crise de représentation :
Si la prolifération des partis politiques est un indicateur de l'émiettement du champ politique, elle serait alors révélatrice d'une crise de représentation de ces partis par rapport aux groupes sociaux qu'ils prétendent représenter et parler en leur nom.
L'on se demande alors comment repérer cette crise de représentation ? Quels sont ses indicateurs? Quels sont les facteurs qui sont à l'œuvre dans son émergence? Quelles conséquences découlent de sa manifestation ?
Nous tentons de répondre à ces questions dans ce qui suit.
a-Emiettement du champ politique :
L'une des conséquences majeures de l'insurrection du 14 janvier 2011 est la prolifération des formations politiques qui sont au nombre de 150 partis politiques, dont 115 ont été légalisés avant les élections de la Constituante, 97 formations politiques ont présenté des listes spécifiques ou dans le cadre de coalitions, 11 686 candidats sont enregistrés sur 1 517 listes dont 828 listes partisanes, 655 listes indépendantes et 34 de coalitions pour 27 circonscriptions (56 listes pour 1 circonscription) et pour 217sièges (54 candidats pour 1 siège).
Seuls 19 partis ont obtenu des sièges, dont sept ont eu la chance de figurer à droite de la liste du Mouvement Ennahdha sur le bulletin de vote, bénéficiant du vote erroné de plusieurs de ses partisans ...
Il y a lieu de rappeler que l'insurrection tunisienne est l'expression d'une protestation sociale contre le chômage, les inégalités sociales et régionales, c'est pourquoi les facteurs de son déclenchement étaient plutôt socioéconomiques que politiques. Alors que les débats qui dominaient la scène médiatique lors de la campagne électorale de la Constituante ont été axés sur des questions idéologiques (laïcité, modernité, identité, charia,...), reléguant ainsi les questions de modèle de développement, de gouvernance et de justice sociale et régionale au second plan.
Ces débats reflètent plutôt les préoccupations d'une élite politique divisée et coupée des réalités sociologiques.
La prolifération des formations politiques et la profusion des candidatures à l'Assemblée nationale constituante exprimaient un émiettement du champ politique et révélaient une crise de représentation politique : une rupture entre projets politiques et réalités sociologiques. C'est pourquoi l'on assiste à une désaffection croissante à l'égard de l'engagement politique et l'apparition d'une perception négative des acteurs politiques.
Les indices sont nombreux:
a. Fort taux d'abstention lors du vote.
b. Fort taux d'absence d'opinion lors des sondages.
c. Dépréciation de l'image de l'élite politique.
d. Désintérêt de la chose publique et repli sur la vie privée.
e. Mobilité des députés constituants entre les partis.
Il est anodin d'avancer qu'entre les structures politiques et les structures sociales, il existe bien une homologie, voire une correspondance. Les acteurs politiques ne sont-ils pas les porte-parole de groupes sociaux ? Le nombre des formations politiques ne devrait-il pas correspondre d'une manière ou d'une autre avec celui des groupes sociaux ?
Cette proposition est attestée par l'observation du champ politique dans les sociétés modernes où coexistent deux groupes sociaux fondamentaux: les capitalistes et les ouvriers. Ceux-ci sont aussi représentés par deux grandes formations politiques. Ainsi, existent le Parti conservateur et le Parti travailliste en Grande-Bretagne, le Parti socialiste et l'UMP en France, le Parti républicain et le Parti démocrate aux Etats–Unis...
Certes, d'autres groupes sociaux de moindre importance existent aussi : les paysans, la petite et moyenne bourgeoisie, etc. Ces groupes sociaux demeurent de moindre importance et se font représenter par l'un ou l'autre de ces deux partis. Toutefois, ils peuvent créer leurs propres partis qui restent limités en nombre et en impact. De toute manière, lors des enjeux sociétaux et stratégiques, ces partis finissent par choisir un des deux camps.
Quant aux sociétés arabes, Anouar Abdelmalk, éminent sociologue égyptien, a étudié «la pensée politique contemporaine» et ce, depuis le début du siècle dernier jusqu'à la moitié des années soixante-dix. Il a conclu que cette pensée est circonscrite à quatre courants fondamentaux :
1. L'islamisme
2. Le nationalisme arabe
3. Le libéralisme
4. Le socialisme
Il est à remarquer que cette conclusion est vérifiée par de nombreuses autres études et enquêtes et qu'elle constitue depuis une référence incontournable. Toutefois, dans la réalité, ces quatre courants peuvent se croiser et donner naissance à des formations hybrides. De même qu'au sein d'un courant donné, il existe des formations de nuance variées: les radicaux et les modérés.
L'offre politique tunisienne des « projets politiques » est constituée de nombreuses versions plus ou moins retouchées de ces quatre courants fondamentaux indiqués par Anouar Abdelmalk.
Cependant, cette prolifération de partis ne peut se multiplier à l'infini sans dénoter un dysfonctionnement. Dans l'état actuel, elle constitue une véritable boursouflure qui traduit une altération, une anomalie. Et exprime une crise de représentation.
b- Des solutions inopérantes.
Après la débâcle essuyée lors du scrutin de la Constituante, les leaders des partis démocratiques se sont rendu compte que la multiplication des partis rend leur visibilité et leur notoriété difficiles. Ainsi, étaient-ils contraints de repenser leur positionnement dans le champ politique.
En effet, ils ont envisagé deux voies de regroupement pour remédier à cette situation d'émiettement :
a) La fusion-absorption des partis supposés être de moindre importance par un grand parti. Cette opération initiée par le Parti démocratique progressiste et qui s'apparente à une opération publique d'achat (O.P.A.) a vite tourné court. Le résultat est une fragmentation de ce regroupement qui a réduit le parti initiateur à sa plus simple expression.
b) La cartellisation entre partis politiques. Ainsi, se sont formées plusieurs coalitions entre une multitude de partis politiques dénommés fronts politiques : «Front populaire», « Union pour la Tunisie », « Front du salut national », « Mouvement des destouriens ».
Ce type de regroupement n'enraye ni l'émiettement du champ politique ni la crise de représentativité des partis politiques. Bien au contraire, il les perpétue. Ainsi, lors de la constitution du Front populaire, on constate la coexistence en son sein de cinq formations qui parlent au nom de la classe ouvrière, quatre partis au nom de la nation arabe et trois autres au nom du courant social-démocrate.
Ces regroupements sous forme de cartels demeurent des juxtapositions des directions nationales de partis coalisés dont les appareils continuent à être des entités autonomes les uns par rapport aux autres.
Par ailleurs et après plus d'une année, aucune de ces coalitions n'a réussi à monter un appareil d'organisation et de mobilisation où fusionnent les efforts communs tant au niveau territorial que catégoriels : travailleurs, paysans, femmes, jeunes. A ce niveau, les divisions se sont plutôt accélérées (syndicats étudiants et ouvriers...). En outre, de nombreuses défections sont enregistrées. Ainsi, le Parti républicain s'est retiré de l'Union pour la Tunisie et quatre partis fondateurs du Front populaire sont exclus de ses rangs.
Les démarches entamées par les partis politiques pour juguler leurs divisions n'ont pas abouti aux résultats escomptés. La dichotomie de la correspondance entre configurations politiques et structures sociales demeure entière.
La question fondamentale est de savoir quels sont les facteurs qui génèrent cette fragmentation du champ politique tunisien et qui perpétue son morcellement?
Pour décortiquer les mécanismes responsables de cet émiettement, il est nécessaire d'examiner comment se restructure le champ politique tunisien et comment il fonctionne.
3- Le champ politique et le champ social:
S'il est vrai que l'on ne peut comprendre les phénomènes politiques sans l'analyse de la structure du champ politique et de son mode de fonctionnement, il n'est pas moins vrai que son intelligence profonde requiert l'examen de son interaction avec le champ social.
C'est à travers l'analyse des conditions sociales de production des phénomènes politiques qu'il faut chercher en dernière analyse leur explication.
C'est pourquoi, notre attention sera focalisée dans un premier temps sur l'analyse de la structure du champ politique tunisien et son mode de fonctionnement dans l'optique d'éclairer les questions soulevées.
Il est vrai que le champ politique tunisien est pareil à tout champ politique, dans le sens qu'il est un espace social en mouvement constant. En tant que champ de pouvoir, il est un espace de lutte pour la distribution du pouvoir et les gratifications qui lui sont liées.
Les luttes pour la domination qui s'y déroulent débouchent sur un classement /déclassement des acteurs et des espèces de capital politique et symboliques. Ces luttes finissent par configurer une hiérarchisation des pouvoirs où les positions des acteurs varient selon la valeur de leurs capitaux et l'habileté dont ils disposent pour les fructifier.
Les changements qui affectent tant les normes que les règles régissant ces luttes de pouvoir peuvent altérer les positionnements des acteurs politiques dans le sens d'une dégradation ou d'une amélioration de leurs positions.


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