La Société tunisienne de néphrologie a organisé, hier à Tunis, une conférence de presse célébrant la 9e Journée mondiale du rein. Cette rencontre a été l'occasion pour les néphrologues de dresser l'état des lieux des maladies rénales en Tunisie, d'insister sur l'importance du dépistage et de la prévention de ces maladies à la fois silencieuses et graves. Ouvrant la conférence, le Pr Jamil Hachicha a rappelé le slogan de la 9ème journée du rein : «Vous prenez de l'âge, vos reins aussi ». Un slogan qui met l'accent sur l'un des facteurs propices aux maladies rénales, à savoir la dégradation naturelle du corps humain. Les reins représentent un couple de glandes vitales à préserver au mieux pour s'autoassurer une santé sans complications notables. Cela n'empêche que les maladies rénales sont assez répandues dans notre société. Elles touchent 10% de la population, dont 9.000 hémodialysés et 1.000 traités par greffe rénale. L'insuffisance rénale est d'autant plus grave qu'elle est silencieuse. En Tunisie, seulement 10% des malades rénaux présentent des symptômes d'insuffisance rénale, alors que 90% ne devinent même pas l'état critique de leurs reins, faute de symptômes. Il est à souligner que 50% des personnes âgées souffrent de maladies rénales. Pour mieux cerner l'étendue de ces maladies en Tunisie, la Société tunisienne de néphrologie a procédé à des actions de dépistages à travers les caravanes de santé. Présentant les résultats des dépistages effectués, le Pr Fayçal Jarraya indique que 25% des insuffisants rénaux souffrent d'hypertension artérielle et 3% d'entres eux de diabète. En 2007, le test urinaire par bandelettes avait montré que 50% des insuffisants rénaux présentent des cas d'albuminurie. Aujourd'hui, la prévalence des maladies rénales s'élève à 806 patients pour un million d'habitants. A défaut de prévention, les maladies rénales risquent de prendre davantage d'ampleur, surtout avec la prolifération des facteurs à risques, à savoir les maladies chroniques. D'où l'impératif de prévenir les maladies en focalisant plus l'intérêt sur la population à risque, notamment les malades chroniques et les séniors. Le Pr Samira Barbouch a consacré son intervention à ce point crucial. Elle a précisé que 40% des insuffisants rénaux souffrent effectivement de maladies chroniques dont l'hypertension artérielle et le diabète. Par ailleurs, elle a souligné que 40% des patients sont âgés de plus de 60 ans. La prévention des maladies rénales passe, selon l'oratrice, par trois niveaux. La prévention primaire vise à prévenir les maladies chroniques par le biais d'une bonne hygiène de vie, un régime alimentaire équilibré, une activité physique régulière. Pour les diabétiques, il convient de bien maîtriser la maladie, de surveiller la tension artérielle et le taux de cholestérol. Le niveau secondaire a pour finalité d'éviter la chronicité de l'insuffisance rénale. Pour ce, le patient doit opter pour un régime pauvre en sel et en matières grasses, éviter le surpoids, le tabac et la consommation des médicaments ayant un effet néfaste sur les reins. Quant à la prévention tertiaire, elle concerne les insuffisants rénaux chroniques. Ils doivent éviter, en outre, la prise de certains médicaments comme les antibiotiques aminosides et les anti-inflammatoires stéroïdiens. L'oratrice n'a pas manqué de noter le poids économique du traitement des maladies rénales. Ces dernières coûtent pas moins de 80 MD, soit 4% du budget du ministère de la Santé publique. Le Pr Hadi Ben Maïz, une sommité en matière de néphrologie a retracé le parcours du combattant des néphrologues tunisiens. Un parcours qui a débuté en 1963, grâce à feu Hassouna Ben Ayed, qui, deux ans après son retour de France, avait réussi la première utilisation du rein artificiel. Le Pr Ben Ayed avait créé alors le premier service de néphrologie à l'hôpital Charles-Nicolle et ambitionnait de le rendre à l'image du service de néphrologie du Pr Hamburger à Paris. Le Pr Ben Maïz, relaté les grands moments de la néphrologie en Tunisie, dont l'introduction de l'hémodialyse en 1968, la première biopsie rénale en date de 1967, le premier congrès tuniso-français de néphrologie en 1982 et la première greffe rénale à partir d'un donneur vivant en 1986. «Après un demi-siècle de néphrologie, la Tunisie ne dispose que de cinq services spécialisés alors que les insuffisants rénaux ont besoin de 14 services de néphrologie. Le nombre des néphrologues ne dépasse pas 134, alors que nous avons besoin de pas moins de 230», souligne l'orateur. L'assistance a eu droit au visionnage d'un documentaire intitulé « Insuffisamment la vie » signé Mehdi Hmili. Le court métrage donne la parole à des insuffisants rénaux pour qui la vie avait, du jour au lendemain, pris un tournant inquiétant. L'insuffisance rénale implique trois séances de dialyse par semaine. Le moindre retard peut coûter la vie au malade. Vivre avec une telle maladie, c'est comme marcher sur des œufs, car le moindre faux pas peut s'avérer fatal. Dans « Insuffisamment la vie », il y a quand même « la vie », l'espoir et la volonté d'aller de l'avant...