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Pour une nouvelle approche de la coopération tuniso-africaine
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 04 - 2014


Par Ezzeddine ZAYANI(*)
Selon une information «confidentielle» ébruitée, le président provisoire de la République Moncef Marzouki s'apprête à effectuer une tournée dans quelques pays africains en compagnie de nombreux hommes d'affaires tunisiens.
L'initiative est sans aucun doute louable, mais elle mérite que l'on s'y attarde un peu et qu'on y apporte quelques témoignages susceptibles d'éclairer les organisateurs afin d'éviter un nouveau coup d'épée dans l'eau qui viendra s'ajouter aux nombreuses tentatives qui avaient précédé cette tournée et qui avaient été malheureusement vouées à l'échec.
Pour une tournée africaine, et maintenant ?
Penser à l'Afrique c'est toujours une bonne chose, car durant les 23 ans du président déchu, la Tunisie avait tourné le dos au continent noir. Certes, il y avait toujours un secrétariat d'Etat aux Affaires africaines rattaché au ministère des Affaires étrangères. Toutefois, la Tunisie n'avait pas une véritable politique africaine avec une approche évidente et clairement définie dans les domaines qui intéressent notre pays. Le secrétariat d'Etat n'avait pas les moyens et sa tâche essentielle se résumait dans le traitement et le suivi des dossiers de l'organisation panafricaine l'OUA et puis l'Union africaine ainsi que les candidatures tunisiennes aux postes internationaux, étant entendu que la Tunisie fait partie du groupe africain.
La plupart des missions économiques itinérantes en Afrique n'avaient pas donné de suites palpables pour diverses raisons, dont en particulier l'absence d'approche globale et surtout de suivi.
La tournée du président Marzouki arrive au bon moment. De nombreux responsables occidentaux et arabes viennent d'achever des périples dans un continent de plus en plus convoité et où la croissance économique a deux chiffres existe déjà dans quelques pays tels que la République du Congo, l'Angola, l'Ethiopie, etc. Les analystes économiques n'hésitent plus à qualifier l'Afrique de nouvel eldorado vers lequel les pays à la recherche de bonnes affaires et de profit immédiat se ruent sans trop gloser. Toutefois, la question qui se pose d'emblée est de savoir si les organisateurs de ladite tournée ont bien étudié tous les aspects du volet de la coopération avec l'Afrique et qu'ils ont tiré les enseignements de ce qui n'avait pas marché ou abouti auparavant. Car si c'est pour rééditer les actions passées pour connaître les mêmes déboires, autant surseoir et éviter aux caisses de l'Etat la dilapidations de leurs maigres ressources.
Revenir sur les traces de Bourguiba
Que nous partagions les idées de Bourguiba ou pas, nous devons admettre que le premier président de la Tunisie indépendante avait beaucoup investi, politiquement parlant, en Afrique. Il avait accordé de l'importance à la dimension africaine dans la politique étrangère de la Tunisie.
Bourguiba avait cru en l'Afrique, et de ses différentes visites et actions, il nous a légué un riche héritage d'estime et de reconnaissance qui fut dilapidé à petites doses durant les vingt-trois ans de régne de Ben Ali. La déception des Africains est incommensurable. Ils nous reprochent de leur avoir tourné le dos et de ne plus croire à l'idéal africain qui est pourtant l'œuvre des pères de l'indépendance tels Bourguiba, Houphouët-Boigny de Côte d'Ivoire, Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Hamani Diori du Niger, Patrice Lumumba du Congo Kinshasa, Sékou Touré de la Guinée et tant d'autres.
Les responsables africains, parfois dépités et excédés, n'hésitent pas à nous critiquer «amicalement» et nous dire que «les responsables tunisiens ne se rappellent des pays africains que pour faire aboutir des candidatures».
Les Africains reconnaissent avec fierté que la Tunisie était dans les années 60 et 70 plus présente, mieux impliquée et très active politiquement sur le continent.
Certes, il n'y avait pas autant de produits tunisiens sur les marchés africains comme aujourd'hui, mais dans les capitales africaines que j'ai eu personnellement la chance de sillonner, nos frères africains se rappellent encore l'aide substantielle et le soutien indéfectible de la Tunisie aux combattants africains pour l'indépendance et la liberté, la prise en charge totale en Tunisie des leaders des mouvements pour l'indépendance, Afrique du Sud, Erythrée, Angola..., les troupes de maintien de la paix au Congo (2 mille hommes), des bourses d'études aux étudiants africains poursuivant leurs études en Tunisie, des uniformes fabriqués en Tunisie et offerts gracieusement aux agents de police dans quelques pays africains, etc.
J'estime que le temps est venu pour que l'Afrique soit repensée à partir de la période glorieuse de l'après-indépendance et l'immense espoir qu'elle avait suscité. La Tunisie avait fait beaucoup et avait activement contribué à faire réussir la phase de transition africaine. Elle était très appréciée par la qualité de son assistance et son bénévolat, devançant des pays tels l'Egypte et le Maroc qui sont devenus plus africains que nous et mieux implantés qu'une Tunisie qui ne dispose que de 8 ambassades contre 43 pour l'Egypte et plus de 22 pour le Maroc, quelques destinations assurées par Tunisair contre 32 pour Royal Air Maroc ou Egyptair.
Le 16 septembre 2011, en présentant mes lettres de créance au président de la République Démocratique du Congo, M. Joseph Kabila, l'occasion était propice pour parler des volets de la coopération tuniso-congolaise et comme d'habitude, le chef de l'Etat congolais n'avait pas tari d'éloges envers la Tunisie et son armée qui avait joué un rôle capital dans l'opération de maintien de la paix. J'avais alors profité pour lui rappeler un épisode inoubliable, celui relatif à la phrase prononcée par le chef contingent tunisien en 1962 feu Lasmar Bouzaïène qui n'avait pas apprécié que 2 soldats tunisiens s'approprient deux lingots d'or qu'ils avaient trouvés à côté des débris d'un avion. Il avait tiré pas loin des 2 soldats en criant : «Les Tunisiens sont venus pour pacifier le Congo et non pas pour le piller». Lasmar Bouzaïène, qui avait occupé par la suite le poste de chef de la mission diplomatique tunisienne à Kinshasa, avait fait un brillant passage dans la capitale congolaise et des photos d'archives montrent que la résidence de l'ambassadeur de Tunisie abritait également des rencontres américano-congolaises sous les auspices tunisiens. Bourguiba savait choisir ses représentants et n'hésitait pas à faire appel aux compétences tunisiennes même en dehors du ministère des Affaires étrangères pour sauvegarder les intérêts de notre pays.
Entre la Tunisie et l'Afrique, il y a une longue histoire qui s'est arrêtée brusquement. Ce goût d'inachevé dérange les Africains qui s'attendent toujours et malgré tout à un retour de la sœur Tunisie au bercail africain. C'est justement le moment d'entamer notre retour et par la grande porte.
Les conditions d'un retour réussi
Les tournées en Afrique, présidentielles ou ministérielles, sont très coûteuses. C'est pourquoi il faut savoir cibler les objectifs. Amener des hommes d'affaires n'est pas la panacée. De même faire des discours, rencontrer des homologues, mettre en branle les rares postes diplomatiques tunisiens en Afrique qui fonctionnent avec un ambassadeur et un comptable et qui couvrent plusieurs pays est une action vouée à l'échec.
Je pense avec conviction que les opportunités pour la Tunisie existent, ce qui fait défaut, ce sont les outils de travail qui rendent ces opportunités à portée de main des opérateurs tunisiens. Aujourd'hui, on assiste à la fois à un mythe et également à une mentalité de souk africaine.
Le mythe !
Tout le monde parle de l'Afrique. L'opérateur alléché par ce qu'il entend par ouï-dire sur un continent riche et en friche et le simple citoyen qui reprend à son compte tous les clichés sur l'Afrique, continent de la misère, des maladies, des calamités naturelles, etc.
La vérité est ailleurs. Car l'Africain de nos jours, et à l'instar du tunisien, dispose, même dans la brousse, du moyen révolutionnaire des technologies modernes de communications, à savoir le téléphone mobile et Internet. Détrompons-nous, les Africains savent tout sur nous, ce que nous faisons, nos difficultés, etc. Par contre, le Tunisien n'a que des idées reçues ou colportées sur ses partenaires africains, souvent erronées.
Le souk africain
De la méconnaissance de la situation réelle du continent et de ses habitants est né un certain songe africain. Quelques hommes d'affaires ont fait l'aventure à leurs frais et ont perdu beaucoup d'argent. Comme partout ailleurs, il y a des filous en Afrique qu'il faut éviter à tout prix. Les pays africains sont demandeurs de produits en tous genres, mais il faut savoir où aller et avec quel partenaire négocier. Or, de plus en plus de Tunisiens se trompent d'adresse en Afrique et croient à tort que les opérateurs africains sont naïfs et que l'on peut leur vendre n'importe quoi, en somme la mentalité du souk.
Les créneaux favorisant une meilleure coopération
La présence de la Tunisie en Afrique devrait focaliser sur des secteurs porteurs et prendre en considération les spécificités africaines :
– La santé et l'évacuation sanitaire. Nombreux sont les Africains qui se rendent dans notre pays pour des soins divers. La valeur de leur monnaie, le franc CFA qui coûte 3 fois et demie notre dinar, encourage nos frères africains à venir dans nos cliniques privées.
Ce secteur est florissant, il rapporte beaucoup d'argent à notre pays. Il a toutefois besoin d'être mieux contrôlé car plusieurs intermédiaires s'interposent et faussent le jeu par leurs commissions exhorbitantes.
– L'enseignement supérieur privé est également un secteur en plein boom. Plusieurs milliers d'étudiants africains poursuivent leurs études supérieures en Tunisie. Ils paient entre 4 et 7 mille dollars par an.
– La formation professionnelle constitue un domaine d'avenir, les pays africains ont des besoins pressants et ne cessent de demander des formateurs, surtout que le financement est assuré par les organisations internationales et des pays occidentaux.
– Les produits finis et semi-finis ainsi que les matériaux de construction tel le plâtre sont très demandés et leurs prix sont très intéressants.
Toutefois, soyons honnêtes avec nous-mêmes et reconnaissons nos erreurs. L'Afrique est certes un continent d'avenir pour la Tunisie qui a une grande histoire avec les peuples africains et un grand crédit de sympathie à gérer. Les opportunités africaines pour notre pays sont nombreuses. Mais encore faut-il définir une politique africaine claire, revoir notre stratégie de marketing et surtout mettre en place des institutions à vocation africaine susceptibles d'assurer et la coordination et le suivi.
J'estime à cet égard qu'il faut absolument:
– Créer un ministère ou un secrétariat d'Etat ou à défaut un commissariat général chargé des questions africaines.
– Revoir les attributions africaines du Cepex et de l'Atct et, au besoin, fusionner ces services en une seule administration. Les possibilités d'embauche, particulièrement pour les diplômés tunisiens du supérieur, même débutants, existent en Afrique qui a besoin des compétences tunisiennes.
– Revoir la procédure de l'octroi du visa et, pourquoi pas, supprimer le visa pour un premier groupe de pays dans le cadre de la réciprocité pour faciliter le déplacement des Africains vers notre pays.
– Impliquer impérativement les banques tunisiennes dans des actions en Afrique. La Banque de l'Habitat, implantée il y a une dizaine d'années à Brazzaville, au Congo, est en train de percer et de nombreux pays voisins du Congo souhaitent profiter des services de cette banque tunisienne, qui, curieusement, rencontre des difficultés en Tunisie.
– Faire en sorte que Tunisair se lance réellement dans la course africaine. Notre compagnie nationale a de nombreux atouts et les Africains apprécient ses services.
Sans le transporteur national, l'Afrique demeurera inaccessible. Les Marocains et les Turcs l'ont parfaitement compris.
En définitive, les bonnes intentions et la bonne volonté ne suffisent pas, il faut des actions concrètes telles que le redéploiement de nos représentations diplomatiques en Afrique, l'ouverture de nouveaux postes et la nomination à leur tête de compétences tunisiennes expérimentées qui apportent le plus nécessaire moyennant des motivations adéquates (salaires, avantages, etc.).
La tournée du président Marzouki a besoin d'une bonne préparation pour qu'elle ne soit pas un fiasco. Personnellement, je pense qu'une visite du ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi, qui précède la tournée présidentielle, sera très recommandée. A cet égard, elle pourra concerner des pays africains où la Tunisie est absente depuis plusieurs années tels le Rwanda, l'Angola, la Tanzanie, l'Ouganda, le Kenya, le Ghana et le Congo Brazzaville. Ce sont des pays qui connaissent une prospérité économique indéniable.
Mongi Hamdi a su tisser un réseau de connaissances africaines tout au long de sa carrière onusienne. Ainsi il déblaiera le terrain au président Marzouki.
Le temps est venu pour se départir des actions intempestives et c'est au ministère des Affaires étrangères qu'échoit le rôle de la préparation. Inverser les rôles, c'est s'exposer à de mauvaises surprises dont on pourrait bien se passer face à la crise que traverse la Tunisie et qui nécessite la solidarité et le dévouement.
* (Ancien ambassadeur)


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