Le refus de la concomitance s'appuie sur des raisons aussi bien techniques et pratiques que politiques La séance de reprise du Dialogue national qui s'est tenue, hier, a été consacrée à l'examen de la question épineuse du déroulement concomitant ou non des prochaines élections présidentielle et législatives. Cela en présence de Chafik Sarsar, président de l'Isie (Instance supérieure indépendante pour les élections) et des représentants de plusieurs partis politiques. L'on sait qu'à l'exception d'Ennahdha, l'ensemble des partis politiques sont pour la non-simultanéité de la présidentielle et des législatives. A chacun son argumentaire. Mais pour en savoir plus sur les raisons et les arguments des partis qui tiennent vraiment au déroulement non concomitant de ces élections, nous avons approché plusieurs de leurs représentants et députés à l'ANC. Au sein de la réunion du Dialogue national, selon une source digne de foi, la tendance des partis ayant participé à la réunion d'hier est pour la séparation de la présidentielle et des législatives. Pour plusieurs raisons : d'abord logistiques, techniques et de clarté, afin d'éviter de compliquer l'organisation des élections. Ensuite rationnelles, afin de ne pas semer la confusion dans l'esprit des électeurs. Et, enfin, pour favoriser l'efficacité et la transparence. Même si la question n'a pas été tranchée, Chafik Sarsar a été invité à présenter plusieurs visions pour les prochaines élections. Certains députés que nous avons interrogés reprennent ces arguments en y ajoutant d'autres. Des raisons politiques et techniques Pour la députée d'Al Massar et présidente du Groupe démocratiquen Salma Baccar, il est clair que les élections doivent se dérouler de manière non simultanée, outre que les législatives doivent être organisées avant la présidentielle» car, explique-t-elle : «Politiquement, c'est la seule manière d'unir les forces démocratiques, parce que si la présidentielle précède les législatives, il y aura une dispersion des efforts, ce qui compliquera techniquement les choses. Chacune des deux élections ayant sa propre particularité. Car, si l'on veut respecter la Constitution, les élections devant être oganisées avant 2015, il est mathématiquement impossible de mettre en place en même temps les législatives et la présidentielle à deux tours, ce qui nécessite au moins 15 jours d'intervalle. Le mieux serait d'en finir avec les législatives puis d'entamer la présidentielle à deux tours. Ce qui permettrait d'avoir une vision plus claire concernant les candidats à la présidentielle, qui pourraient être choisis selon les résultats des législatives. Outre les raisons politiques, il existe des raisons techniques. Comment organiser à la fois des campagnes présidentielles et législatives ? Comment convaincre les électeurs ? Peut-on être à la fois au four et au moulin ? C'est sûr que cela suscitera la confusion dans l'esprit des électeurs. Non, ce n'est vraiment pas sérieux d'opter pour des élections simultanées, car ce seront sûrement des élections expéditives, confuses et chaotiques». Eviter la confusion D'autres représentants de partis estiment également qu'il est anormal et très peu judicieux de semer la confusion dans les esprits lors des premières élections libres que connaîtra la Tunisie, mais optent au contraire pour l'organisation de la présidentielle avant les législatives. Issam Chebbi, député d'Al Joumhouri, est catégorique : «Chaque élection a son propre cadre et ses particularités. Organiser les deux en même temps ne fera que provoquer des amalgames et l'incompréhension des électeurs. Dans tous les pays du monde, notamment ceux qui ont un système politique proche du nôtre, la France par exemple, les élections sont organisées à des dates différentes». Mais pourquoi Al Joumhouri opte pour l'organisation de la présidentielle avant les législatives ? Réponse de Issam Chebbi : «Parce que nous estimons, d'abord, que techniquement c'est plus facile et nous considérons, ensuite, que si l'on organise les législatives avant, cela aura une influence, à coup sûr, sur le résultat de la présidentielle. La majorité des partis, à l'exception d'Ennahdha, est pour des élections séparées, car chacune d'entre elles possède son propre contexte. Et pour ceux qui nous balancent l'argument du gain de temps, pourquoi n'ajouteraient-ils pas dans ce cas-là les élections municipales ? Allons, soyons sérieux, pour des raisons pratiques, techniques, de clarté et de transparence, la présidentielle et les législatives ne doivent en aucun cas être organisées simultanément». L'important c'est la transparence Pour Mohamed Gahbiche, député de l'Alliance démocratique, l'important avant tout c'est de réunir les conditions les plus favorables en vue de l'organisation de ces élections de telle sorte qu'elles se déroulent de manière libre et transparente : «Notre parti est pour la séparation des législatives et de la présidentielle pour des raisons techniques et pratiques, mais aussi afin d'éviter toute confusion dans les esprits et de permettre la préparation sérieuse des deux campagnes». Enfin, de son côté, Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol, révèle que son parti «est également pour la séparation de la présidentielle et des législatives, afin d'éviter la confusion. Car il y a le risque de voir des électeurs voter par amalgame pour une même couleur lors de la présidentielle et des législatives. Ainsi, le choix des électeurs serait interdépendant et marqué par la confusion». La tendance en faveur de la séparation des deux élections est donc claire. Toutefois, la question sera-t-elle tranchée au sein du Dialogue national, ou devra-t-on attendre son retour pour examen devant l'ANC ? A suivre...