Une nouvelle directive du ministre allemand de l'Intérieur, Alexander Dobrindt, suscite l'inquiétude de la Suisse. Dès ce mercredi 8 mai, la police des frontières allemande a reçu l'ordre de refouler la majorité des demandeurs d'asile sans papiers, à l'exception des personnes vulnérables telles que les enfants et les femmes enceintes. Une rupture avec la politique migratoire de 2015 Cette mesure marque une inflexion majeure dans la politique d'accueil allemande. Elle annule une directive instaurée en 2015 par un ancien ministre de l'Intérieur, en pleine crise migratoire, qui autorisait les ressortissants de pays tiers sans documents à entrer sur le territoire et à déposer une demande d'asile. Le ministre Alexander Dobrindt, entré en fonction la veille, affirme vouloir « réduire l'immigration clandestine », une promesse phare du nouveau chancelier conservateur Friedrich Merz, élu après une campagne dominée par les préoccupations sécuritaires liées à l'immigration. Selon les chiffres communiqués début mai par l'ancienne ministre de l'Intérieur Nancy Faeser, plus de 53 000 personnes ont été refoulées aux frontières allemandes depuis octobre 2023. Ce chiffre risque de croître rapidement avec l'application stricte de la nouvelle directive.La Suisse déplore une décision unilatérale La réaction de la Suisse ne s'est pas fait attendre. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a exprimé sa « profonde déception » face à cette décision prise sans concertation. Sur X (ex-Twitter), le DFJP a déclaré que ces refoulements systématiques vont à l'encontre du droit en vigueur et a rappelé que la Suisse n'a pas l'intention d'accepter de telles pratiques. Beat Jans, le conseiller fédéral en charge du dossier, a sollicité une rencontre ministérielle avec son homologue allemand, mais n'a reçu à ce jour aucune réponse. Il insiste sur la nécessité de solutions communes au sein de l'espace Schengen et rappelle que les migrants sont avant tout des personnes, souvent vulnérables. Risques pour la libre circulation dans l'espace Schengen La Suisse partage une longue frontière avec l'Allemagne, et les flux transfrontaliers sont particulièrement intenses, notamment dans la région de Bâle. Des dizaines de milliers de travailleurs frontaliers allemands traversent quotidiennement la frontière pour se rendre en Suisse, tandis que les Suisses se rendent régulièrement en Allemagne pour y faire leurs courses, profitant de prix plus avantageux et d'un taux de change favorable. Le DFJP souligne que la libre circulation des personnes et des marchandises ne doit en aucun cas être entravée par les nouvelles mesures. Les autorités helvétiques surveillent les conséquences potentielles de cette directive et n'excluent pas de prendre des mesures de rétorsion si les passages frontaliers venaient à être perturbés. Un climat tendu autour de la politique migratoire européenne Cette décision allemande intervient alors que l'Europe est encore loin d'une politique migratoire unifiée. La volonté affichée de Berlin de restreindre l'accès à son territoire aux migrants sans papiers risque de tendre ses relations avec ses voisins et de rouvrir le débat sur les responsabilités partagées au sein de l'espace Schengen. Ainsi, en annonçant un durcissement radical de sa politique migratoire dès les premiers jours de son mandat, le nouveau gouvernement allemand affirme sa volonté de rupture avec l'approche de 2015. Mais cette décision, perçue comme unilatérale et contraire aux accords en vigueur par la Suisse, pourrait engendrer des tensions diplomatiques et des perturbations aux frontières. Les prochains jours seront décisifs pour mesurer l'impact de cette mesure sur la coopération régionale et la cohésion européenne en matière de migration. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!