Le mécanisme proposé vise à promouvoir la mise en œuvre de mesures d'atténuation de gaz à effet de serre dans le secteur cimentier, ainsi que l'investissement dans des technologies qui dégagent moins de carbone. En 2012, le secteur cimentier en Tunisie a produit 6,4 millions de tonnes équivalent CO2 (MteCO2), soit environ 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES) tunisiennes. Ce chiffre passerait à 11,5 MteCO2 dans six ans, si les procédés de fabrication restaient les mêmes. Dans le cadre des instruments post-Kyoto, une initiative destinée à engager les cimenteries dans une démarche volontaire de réduction des émissions de GES a été lancée en 2012 par l'Agence nationale pour la maîtrise de l'énergie (Anme). Elle est appuyée par le ministère de l'Environnement allemand à travers la Coopération allemande au développement (GIZ). Les mécanismes à mettre en place pour atteindre l'objectif de réduction des GES ont été présentés le 20 mai, au cours d'un déjeuner-débat ayant réuni différents acteurs du secteur cimentier (cadres dans des cimenteries, représentants ministériels, responsables dans des agences et sociétés nationales), organisé sous l'égide du secrétaire d'Etat au Développement durable, Mounir Majdoub. «Nous avons un secteur qui a un poids économique et social important en Tunisie, nous devons lui garantir les meilleures conditions de compétitivité, c'est là le premier enjeu de ce projet», assure le secrétaire d'Etat. Le deuxième enjeu est celui des déchets de tout genre, ménagers, dangereux, spéciaux, etc. Une des possibilités proposées est de récupérer une partie de ces déchets dans les fours des cimenteries, soit directement, soit indirectement après leur transformation. Ensuite, il y a l'enjeu de l'efficacité énergétique et l'apport que pourrait avoir l'énergie éolienne ou toute autre forme d'énergie renouvelable dans le bilan énergétique des cimenteries. Quatre types de mesures d'atténuation des émissions des GES ont été identifiés : les actions d'efficacité énergétique, l'utilisation des énergies renouvelables (en particulier l'éolien), une meilleure segmentation du marché du ciment selon la demande, qui permettra de réduire le ratio clinker/ ciment, et la co-incinération (utilisation des déchets comme combustible). La mise en place de ces mesures devrait éviter l'émission d'au moins 8 MteCO2 sur la période 2014-2020. D'autre part, les économies de combustibles fossiles devraient faire épargner à l'Etat 1,1 milliard de MDT entre 2014 et 2020. Pour les cimentiers, cette économie s'élève à 814 MDT. Verrous réglementaires Les lois tunisiennes ne permettent pas encore l'adoption de toutes les solutions proposées. Le projet vise entre autres à lever ces obstacles. En effet, les valeurs limites d'émissions atmosphériques pour la combustion des déchets en Tunisie sont «très sévères». Le décret n° 2519 fixe des limites 3 fois inférieures à celles de l'UE pour les émissions de poussière, 4 fois inférieures pour les émissions des oxydes d'azote (NOx) pour les installations existantes et 2,5 fois inférieures pour les installations nouvelles. Respecter ces limites rendrait la co-incinération peu économique et donc peu attractive pour les cimenteries. Autre barrière réglementaire, celle relative à la production d'électricité éolienne. Mis à part leur manque de clarté, notamment en ce qui concerne les modalités de vente de l'excès d'électricité au réseau électrique, les lois ne permettent pas aux cimenteries de s'associer avec des développeurs spécialisés de parcs éoliens et avec des investisseurs. «Les cimenteries ont la possibilité depuis 2009 de construire des stations solaires ou éoliennes afin de produire de l'électricité pour leur propre consommation, c'est ce qu'on appelle l'auto-production. Elles peuvent vendre à la Steg le surplus de production dans la limite de 30%. De plus, il y a une nouvelle loi permettant aux privés de produire de l'électricité à petite échelle... Mais on ne peut pas remplacer la Steg. Certains veulent produire de l'électricité et remplacer la Steg, et ça, ce n'est pas possible. Chacun son métier», tranche Moncef Harrabi, directeur du projet Energie renouvelable et efficacité énergétique à la Steg. Le troisième verrou réglementaire est relatif à la commercialisation de certaines catégories de ciment à bas contenu en clinker, interdites à la vente, bien qu'elles puissent avoir un usage. La prochaine réunion entre les différents intervenants aura lieu dans quatre semaines. Elle portera sur les valeurs limites des émissions atmosphériques et sur l'organisation qui pourrait être mise en place pour l'utilisation et la transformation des déchets en combustible (RDF).