Bientôt, publication d'une circulaire interdisant la promotion des produits substitutifs du lait maternel dans les établissements de santé. Selon les récents indicateurs du Recensement national sur la santé maternelle et infantile, seulement 8% des mamans procèdent à l'allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois de la naissance de leur bébé. Parallèlement, 60% des nouveau-nés n'ont droit à leur première tétée que deux heures après leur naissance. Deux indicateurs-chocs pour les responsables de la santé qui, pour faire face à ce phénomène, décident de lancer une campagne nationale de promotion de l'allaitement maternel. A cet effet, une journée d'information a été organisée, avant-hier, au siège du ministère de la Santé pour présenter le projet et démarrer ainsi le processus de sensibilisation. Le Dr. Rafla Tej, médecin coordinateur du Programme national de protection de la santé maternelle et infantile au gouvernorat de Tunis, ambitionne, au nom de tous les acteurs concernés, de redonner à l'allaitement maternel (AM) l'intérêt qu'il mérite et d'atteindre un ensemble d'objectifs prédéfinis. L'idée étant de hisser les indicateurs au niveau escompté en convertissant, désormais, 30% des mamans à l'AM exclusif durant les six premiers mois de la naissance (nourrir les bébés uniquement au lait maternel) et en se conformant ainsi aux recommandations de l'OMS en la matière. Le deuxième objectif consiste, lui, à permettre à plus de 50% des nouveau-nés de prendre leur première tétée une heure après la naissance. Pour y parvenir, la mise en place d'une stratégie multisectorielle s'impose. Une stratégie qui visera, en outre, la réduction des facteurs défavorables à l'AM en veillant à l'amélioration des conditions de la femme. Encore faut-il tabler sur le renforcement de la formation des professionnels de la santé afin qu'ils soient mieux qualifiés pour informer, sensibiliser et accompagner les mamans durant les étapes pré et post-natales. A cet effet, un référent de l'allaitement maternel sera chargé de la diffusion de l'info dans les hôpitaux et, ultérieurement, dans tous les centres de soins et de la santé de base. Réussir le projet dépendra, également, de la collaboration entre les institutions et les ONG scientifiques ainsi que de la promotion de la Commission nationale de l'allaitement maternel. Le Dr. Tej souligne l'impératif de valoriser l'image de la femme allaitante et de véhiculer ce profil positif aussi bien dans les médias que dans les fictions tunisiennes. Une stratégie de communication sera élaborée dans ce sens. Des préjugés à écarter Convaincre la maman de l'importance de l'AM pour sa bonne santé ainsi que celle de son bébé passe également par la rectification de certains préjugés. Le Dr. Leila Attia, gynécologue, éclaircit certains points. En effet, et malgré son aspect visqueux, le colostrum — le premier jet de lait maternel post-natal — constitue le nutriment idéal pour le nourrisson. Il représente, en outre, un facteur de protection contre diverses maladies, dont les infections respiratoires et la diarrhée. La gynécologue indique également que la première tétée ne devrait, aucunement, être différée même dans le cas d'un accouchement sous césarienne. Elle note que les chirurgies mammaires n'entravent pas l'AM. «Les mamans doivent être rassurées, au préalable, que 99% des problèmes liés à l'AM sont surmontables», souligne l'oratrice. Parmi les informations utiles à savoir, le Dr. Zahra Marrakchi, chef de service de néonatologie à l'hôpital Charles-Nicolle, établit la différence entre les diverses typologies d'allaitement. On appelle allaitement maternel exclusif AME le fait de nourrir le bébé uniquement de lait maternel. L'AM prépondérant consiste à alterner le lait maternel et quelques infusions. L'allaitement mixte, quant à lui, comprend lait maternel et autres aliments, comme les soupes, et ce, à partir du quatrième mois de la naissance. Quant à l'allaitement artificiel — que 90% des femmes préfèrent dès les premières heures de la naissance —, il est considéré comme étant le moins efficace et le moins approprié aux besoins biologiques du nourrisson. Le fameux «lait en poudre», ou plus exactement le substitut de lait maternel, fort riche en graisses et en sucres, favorise l'obésité et les affections cardiovasculaires à l'âge adulte. Parallèlement aux actions de sensibilisation et d'information, le ministère de la Santé opte pour plus de vigilance. «Il est désormais inadmissible, indique M. Mohamed Salah Ben Ammar, ministre de la santé, de permettre la publication au sein des établissements de santé, des posters et des actions de promotion des substituts de lait maternel. Aussi, une circulaire sera –t-elle publiée pour interdire ces aberrations». Les efforts seront plus accrus pour promouvoir l'AM en usant des textes de loi en la matière. Me Kheireddine Ben Soltane, conseiller juridique au ministère, rappelle, lors de cette journée d'information, le droit de la mère allaitante à un congé de maternité de deux mois, suivi d'un congé post-natal de quatre mois contre un demi- salaire. La loi accorde également à la mère allaitante la possibilité de bénéficier d'une heure de repos par vacation pendant six mois à partir de la fin du congé de maternité. Il est à noter que, dans les pays scandinaves, les mamans allaitantes disposent d'un congé de dix mois et bénéficient de la totalité de leurs salaires.