Les efforts déployés en Tunisie en matière de promotion des divers aspects de la santé reproductive ont permis d'améliorer nettement les indices de couverture sanitaire. Quant aux nouveaux défis, ils concernent la préservation des acquis accomplis dans ce domaine et la réduction du taux de mortalité des mères. Notons dans ce contexte qu'en 1994, le taux de mortalité naturelle était de 68,9 pour 100.000 naissances vivantes et aujourd'hui, ce taux est passé à 44 décès pour 100.000 naissances. Notre pays s'est fixé comme objectif du millénaire d'atteindre 18 décès pour 100.000 naissances en 2015. Concernant les causes de la mortalité maternelle, elles sont dues en général à différentes pathologies dont l'hémorragie du post-partum, l'hypertension artérielle gravidique, les pathologies cardiaques sous-jacentes et les cancers. La plupart des experts s'accordent à reconnaître que presque tous les décès maternels peuvent être prévenus avec des soins adéquats prénatals et postnatals ainsi qu'une planification familiale, une aide qualifiée à l'accouchement et la disponibilité de soins d'urgences pour les complications sérieuses. L'onde de choc à Kairouan La maternité de l'hôpital Ibn El Jazzar à Kairouan a vécu, samedi 11 février, un vrai drame avec le décès, quelques heures après l'accouchement, de Mme Khadija Badreddine, 35 ans, et déjà mère de deux autres enfants âgés de 10 et 6 ans. Ce décès a été vécu comme une onde de choc au sein de toute sa famille et des citoyens qui sont encore choqués du décès, il y a juste deux mois, d'un garçon à la suite d'une circoncision fatale au sein d'un cabinet médical privé. Il va sans dire que la direction régionale de la santé et l'hôpital ont pris ce fâcheux incident à bras-le-corps, ont informé le ministère de la Santé et une commission médicale permanente chargée d'identifier les causes des décès maternels est à pied d'œuvre pour éclairer l'opinion publique et la famille de la défunte. Evidemment, en cas de découverte d'une erreur humaine ou médicale, la justice sera saisie. C'est un tsunami qui a balayé notre bonheur familial Pour en savoir un peu plus sur ce drame et par souci d'objectivité, nous avons recueilli les témoignages des membres de la famille de la défunte et du chef de service de maternité. La nouvelle du décès a sonné comme un coup de tonnerre au sein de toute la famille et des voisins. M Adel Bellara, son mari, nous confie, les larmes aux yeux : «C'est un tsunami qui a balayé notre bonheur familial. Je reproche à la gynécologue de service ce jour-là son travail en dilettante. En effet, ma femme, qui était régulièrement suivie pendant sa troisième grossesse, a été admise à la maternité de l'hôpital Ibn El Jazzar après que les examens au groupement de santé de base où elle est suivie, aient révélé la présence de l'albumine dans les urines, une tension artérielle élevée (14,9) et une toxémie gravidique. En plus, elle était enceinte d'un assez gros bébé (3,400 kg). Donc, tout cela impliquait un accouchement par césarienne pour ne pas mettre sa vie en danger. D'ailleurs, c'est ce qu'on lui a dit en cette journée du 10 février à la maternité. Seulement, le lendemain, samedi 11 février, la gynécologue de service a décidé, contre l'avis de son entourage, de pratiquer un accouchement par voie basse. Après la naissance du bébé qui a été pris en charge par un pédiatre à cause d'une circulaire du cordon, ma femme est tombée dans un coma profond et a eu de fortes hémorragies. Et toutes les tentatives du personnel médical appelé en renfort ont été vaines. Et comme les efforts de réanimation ont échoué, ils ont décidé de la transférer par Smur à l'unité chirurgicale «Les Aghlabides» pour, nous a-t-on dit, poursuivre la réanimation. Or, ce n'était qu'un écran de fumée pour disculper le service de maternité où ma femme était déjà décédée. Trois heures plus tard, on nous apprend le décès, puis quelque temps après qu'on m'ait demandé de signer les papiers, une ambulance a transporté son corps à la maison comme si on voulait se débarrasser d'un cadavre encombrant…» La sœur de la défunte renchérit : «Nous voulons connaître toute la vérité afin d'éviter que ce genre d'erreurs n'arrive à d'autres personnes. Toute notre vie a basculé à cause de la négligence du personnel médical, c'est pourquoi, nous allons porter plainte devant la justice…» Une embolie amniotique serait la cause du décès Quant au Dr Ridha Fatnassi, chef du service de la maternité de Kairouan, il s'inscrit en faux contre les fausses accusations de la famille et il nie le fait qu'elle souffrait de toxémie gravidique et de tension : «Madame Khadija Badreddine a été admise dans mon service avec une grossesse de 41 semaines et 6 jours (soit une semaine et 6 jours de plus qu'une grossesse à terme.) Vendredi, on lui a administré une dose de prépidil pour la maturation du col cervical. Le lendemain samedi, on a procédé de l'accouchement qui s'est découlé sans incident. Mais, juste après la délivrance du placenta, elle a ressenti une oppression thoracique, suivie d'une inspiration profonde, puis d'un coma brutal, soudain et rapide. C'est alors que tout le staff médical a été appelé d'urgence pour commencer la réanimation avec masque, deux voies d'abord pour remplissage vasculaire, ainsi qu'un bilan hémostase. Ce dernier a révélé une Civd (coagulation intravasculaire disséminée) avec un TP inférieur à 10%. Ce tableau clinique concorde avec une embolie amnniotique qui est une affection très rare (1 cas sur 30.000), très grave, brutale et imprévisible. Elle est entachée d'une mortalité maternelle dépassait les 50%. Tout en poursuivant la réanimation, nous avons constaté un saignement génital fait de sang noirâtre incoagulant, en rapport à son affection. Afin d'arrêter les saignements, nous avons pratiqué une hystérectomie d'hémostase. En péropératoire, la patiente a reçu 8 poches de sang, 6 poches de PFC, 4 poches de plaquettes, 2 flacons de PPSB ainsi que 2 flacons de fibrinogène. En postopératoire, la malade est restée choquée avec une tension très basse et une tachycardie. Suite à cela, le staff chirurgical a décidé son transfert au service de réanimation de l'unité Les Aghlabides pour poursuivre la réanimation. Malheureusement, l'évolution a été inefficace après 3 heures…»