Il y a de ces secteurs que tout Tunisien est en devoir de préserver de toute transaction marchande. Ils sont les symboles de notre souveraineté. On doit les défendre pour leur rendre leur dynamisme. Pour ce faire, un engagement de tous dans une sorte de pacte national devra se faire pour barrer la route aux rapaces D'aucuns se demanderaient sur l'opportunité d'un pacte national de non-cession des secteurs stratégiques de notre économie? La réponse est on ne peut plus simple. Elle est à chercher dans ce qui se trame dans les coulisses pour pousser l'Etat à se débarrasser des entreprises publiques en difficulté, perçues comme un fardeau et un handicap qui freinent tout redressement économique. Mais on oublie ou on fait mine d'oublier que ces entreprises sont les symboles de notre souveraineté. Et la souveraineté ne peut en aucun cas être considérée comme valeur marchande qu'on peut mettre aux enchères pour quelques centaines ou même milliers de milliards. La conjoncture économique et les difficultés du moment ne doivent pas figurer en ligne de compte pour justifier toute opération qui viserait la cession en partie ou en totalité de ces symboles bâtis pierre par pierre grâce à l'acharnement et aux sacrifices des deux générations post-indépendance. Ce ne sont ni le fait de Bourguiba ni non plus de son successeur. Ils sont le fait de tout le peuple tunisien, toutes catégories sociale et professionnelle confondues. Un bien de la communauté nationale Le lien ombilical qui nous attache à cette terre, à l'histoire trois fois millénaire, à ce petit pays de 165.000 km2 de superficie, comparé à ses voisins du Sud et de l'Ouest, nous interpelle pour dire halte à la braderie qu'on prépare dans le secret le plus absolu selon certaines informations concordantes et qu'on lance à intervalles réguliers pour sonder les réactions des Tunisiens. Tout en espérant qu'elles ne soient que pures rumeurs, nous demeurons persuadés qu'il n'y a pas de fumée sans feu d'autant que du côté du pouvoir, on en parle, mais pour dire que tel ou tel secteur devra être restructuré ! La restructuration, terme on ne peut plus vague, est sujet à toute interprétation. Et c'est de là que vient le danger qui menace les trois banques publiques, la Compagnie de phosphate de Gafsa, Tunisair, Tunisie-Télécom, la Steg, la Sonede, et bien d'autres entreprises et même un certain nombre de fermes appartenant aux terres domaniales, qui sont en fait des biens de la communauté nationale. Tous ces secteurs sans exception aucune sont notre fierté, voire notre identité. Un paysan tunisien ne peut admettre ni imaginer devenir un khammas (métayer) d'un exploitant étranger et dans son propre pays après avoir chassé les colons de cette terre usurpée à ses aieux. Idem dans tous les autres secteurs où nous sommes maîtres. Est-il pensable qu'après presque soixante ans d'indépendance, on accepte d'être les serfs des temps modernes. Quel que soit le preneur : «frère» ou «ami», ils sont tous pareils et ne voient que le côté mercantile de tout bien acheté. Ce qui se passe dans plus d'un pays africain où des millions d'hectares ont été cédés à des parties étrangères, doit nous alerter pour ne pas succomber aux sirènes poussant nos gouvernants (provisoires encore faut-il le leur rappeler) à céder des terres aux étrangers qui attendent tels des rapaces affamés et qui, une fois installés, adieu à notre sécurité alimentaire. Pour les banques publiques, la solution devra être tunisienne. Mondialisation ou pas, il y a toujours une part d'un secteur donné qui devra rester publique. Et pour celui qui veut vraiment investir, il n'a qu'à venir avec ses milliards pour créer sa propre banque. Il sera le bienvenu si, en le faisant, il participe au financement de projets sur place qui seront générateurs de richesses pour le pays et pour celui qui a investi. Par ailleurs, la STB, la BNA et la BH, chacune dans son domaine, ont contribué à la mise sur pied d'une économie tunisienne nationale. Dans le tourisme, comme dans l'agriculture, comme dans le bâtiment et l'habitat. Ce sont ces trois institutions à primer, toutes les autres ont toujours attendu pour prendre ensuite le train en marche et cueillir les fruits de ce que les autres ont semé. Pour ces raisons et pour bien d'autres, toutes procédant de la même logique, loin de tout chauvinisme ou surenchère patriotique — apanage des politiques des plateaux —, nous en appelons aux Tunisiens pour prendre en main ce dossier vital et qui engage l'avenir de notre pays. Les Tunisiens peuvent trouver les solutions qui préserveront nos secteurs économiques et symboles de notre souveraineté de toute braderie à une quelconque partie étrangère. Nos élites éclairées et nullement intéressées par la politique politicienne, nos syndicats quels qu'ils soient, nos agriculteurs, notre bourgeoisie nationale — car il y en a une qui ne l'est pas— nos salariés, toutes les forces vives du pays dont la société civile, les partis politiques qui ne croient qu'à la Tunisie, tous doivent se mobiliser pour imposer une sorte de pacte national engageant toutes les parties signataires à ne pas céder le moindre domaine ou la moindre entreprise ayant rapport avec notre souveraineté au capital étranger. Un engagement qui devra aussi initier des solutions et prospecter les meilleures voies pour sortir ces pans entiers de notre économie de la crise et difficultés qui les accablent. En sauvant ces entreprises, on sauvera des dizaines de milliers d'emplois, on relancera notre économie et on préservera notre indépendance. Demain, l'électeur, et à l'ouverture du scrutin, saura pour qui voter, pour celui qui a préservé et défendu la souveraineté de la Tunisie ou celui qui l'a sacrifiée sur l'autel de l'affairisme.