L'Instance vérité et dignité a pris, hier, ses fonctions. Elle choisira, le 17 juin, son président. Les frondeurs contestent toujours sa composition Contre vents et marées, l'Instance vérité et dignité, dont la composition et le choix des membres ont fait l'objet d'une grande polémique, est finalement mise en place, après avoir prêté serment, vendredi dernier, au Palais de Carthage, devant le président de la République. Et c'était hier, au siège du ministère de la Justice, des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, qu'une conférence internationale a été organisée en son honneur, sur le thème « Pour une nouvelle génération de commissions vérité ». Voilà, encore une fois, qu'une structure constitutionnelle tant attendue vient ainsi rejoindre la cour des mécanismes légitimes censés être les garants de la transition démocratique (Haica et Isie...) dans le pays. Sa création vaut bien la messe, dans la mesure où sa mission consiste essentiellement à rétablir la vérité et dédommager les victimes, usant d'une justice équitable, loin de la revanche et de la discrimination. Lors de la séance inaugurale, rehaussée par un aréopage de hautes personnalités nationales et internationales venues faire part de leur soutien à l'action de ladite instance, les trois présidents étaient tellement fiers qu'ils ont manifesté leur entière disposition à faire réussir ce processus transitoire à l'aune des expériences comparées menées dans les pays d'Afrique, d'Europe et d'Amérique latine. Le Dr. Moncef Marzouki, président provisoire de la République, était dans le ton. Pour lui, la justice transitionnelle est d'autant plus incontournable que le jugement des criminels et la réhabilitation des victimes demeurent un passage obligé à la réconciliation nationale. Quitte à revenir à la case départ, faisant tomber tout à l'eau, a-t-il souligné. Et le Dr Marzouki semble croire fort en la sagesse de l'esprit, plaidant en faveur d'une justice non sélective et encore moins, non plus, vindicative. Mais, se rétracte-t-il, l'on ne doit ni baisser les bras en cas de faiblesse, ni se venger en position de force. Un point de non-retour, dit-il. Car le pays est appelé aujourd'hui plus que jamais à braver toutes les difficultés afin de gagner les enjeux des élections avant la fin de l'année. Dès lors, afin de parachever cet édifice institutionnel qu'est l'Instance vérité et dignité, il a promis que la présidence de la République mettra, désormais, tous ses archives et dossiers à sa disposition. Consacrer les valeurs de justice, de dignité et des droits de l'Homme, ce sont-là les revendications méritoires de la révolution que l'instance devrait consacrer. « L'on ne saurait jamais surmonter le lourd héritage du passé douloureux sans en reconnaître les multiples violations et les exactions perpétrées contre autant de victimes.. L'Etat est en droit d'en tirer les leçons pour éviter que de telles atteintes ne se reproduisent jamais.», lance Mustapha Ben Jaâfar, président de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Cet engagement de réussite relève bel et bien d'une responsabilité collective et participative, impliquant toutes les forces vives de la société. Ben Jaâfar s'est aussi félicité de la mise en place de l'instance concernée, perçue comme pilier fondamental de la justice transitionnelle. D'autant plus, selon l'article 16 de la loi la régissant, l'Instance vérité et dignité jouit de la personnalité morale et de l'autonomie financière et administrative. Elle est censée être indépendante, intègre et compétente, tenant en main un pouvoir décisionnel, sans aucune allégeance à qui que ce soit. Ses activités couvrent une période déterminée allant de 1955 jusqu'à 2013. Le président de l'ANC n'a pas manqué d'exhorter la société civile de redoubler de vigilance pour réunir toutes les conditions de réussite de la justice transitionnelle. Sans pour autant oublier de mettre les membres de l'instance y présents devant leur responsabilité historique dont la redevabilité, le jugement et la réconciliation sont les maîtres mots d'une transition tranquille. Une logique que le chef du gouvernement Mehdi Jomâa a confirmée lors de sa brève allocution. L'ultime but étant la réconciliation nationale, dans le cadre de la primauté de la loi. Il s'est adressé aux membres de l'instance, les appelant à mettre le paquet pour traiter les épineux dossiers de la justice transitionnelle, un processus qui avance, selon lui, à pas sûrs. Et de rappeler que la répartition des tâches au sein de cette structure aura lieu d'ici le 17 de ce mois. Dans le même ordre d'idées, le ministre de tutelle, Hafedh Ben Salah, a insisté sur la nécessité de s'unir, d'unifier les rangs et les visions de toutes les parties prenantes, loin des calculs de boutiquiers. La conférence d'installation de l'Instance vérité et dignité a vu la participation du coordinateur résident du système des Nations unies en Tunisie, du Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, ainsi que le président du Centre international pour la justice transitionnelle. Tous ces invités n'ont pas manqué de manifester leur appui inconditionnel à l'instance. Toutefois, cette instance n'a pas échappé aux critiques virulentes de la société civile nationale. La coordination indépendante de la justice transitionnelle et ses partenaires (Ugtt, Femmes démocrates, Ftdes...) se sont mobilisés, hier devant le siège de ministère abritant cette conférence internationale, pour contester l'absence de la grille d'évaluation des membres de ladite instance. La présence de Sihem Ben Sédrine et Khaled Krichi, au sein de l'Instance, continue à faire débat.