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Une déclaration de guerre et un ennemi qui fuit
Enquête - Sérieux tournant du terrorisme en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 06 - 2014

Derrière des faits allant crescendo, une déclaration officielle de guerre, un ennemi qui ne montre pas son visage, une justice qui fuit,
la réserve de rigueur et le déni d'une bonne partie de Tunisiens, y a-t-il une réalité plausible et un bilan tangible du terrorisme en Tunisie qui justifient la guerre déclarée ?
Dix jours après l'attaque armée perpétrée contre son domicile familial à Kasserine et qui a fait quatre nouvelles victimes dans les rangs de la police, le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou — cible première baptisé «Ras Ettaghut» (chef des idoles à abattre) par les takfiristes — demande «la levée de l'obstacle juridique qui empêche l'armée d'intervenir avec son matériel lourd en milieu urbain et rural pour combattre le terrorisme et assister les efforts des unités sécuritaires». La même demande faite devant un parterre de journalistes, le ministre l'avait adressée, juste la veille, aux députés de l'ANC, les appelant à intégrer au projet de loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, «un article autorisant les forces armées à intervenir dans les villes et les villages pour combattre le terrorisme qui a pris des allures de guerre urbaine».
Dans le sillage du Patriot Act
«Guerre !» Le mot d'ordre récurrent depuis quelques mois déjà du côté ministère de l'Intérieur et dans le discours officiel se matérialise pour la première fois et prend l'allure d'une déclaration.
Le terrorisme en Tunisie n'a pas surgi d'un angle mort : la demande du ministre de l'Intérieur rallie la Tunisie à d'autres pays en guerre contre le terrorisme et s'inscrit dans le sillage du Patriot Act voté par les Etats Unis après l'attaque du 11 septembre pour permettre à ses forces armées d'intervenir partout dans le monde où le terrorisme menace de les toucher.
En faisant appel à une intervention légale des forces armées à côté de la police et de la garde nationale, le ministre de l'Intérieur prend d'un autre côté, une longueur d'avance sur les experts tunisiens en stratégies qui préfèrent jusque-là parler de combats et de batailles : «La guerre contre le terrorisme requiert une déclaration et une législation spéciale à l'instar de la loi américaine. On n'en est pas là», nous précisait il y a quelques jours encore le Colonel Major retraité Mokhtar Ben Nasr, membre du centre d'études pour la sécurité globale. L'expert militaire va plus loin : «A ce stade, parler de guerre, c'est surestimer l'ennemi !»
Alors qui du ministre ou de l'expert surestime ou mésestime le terrorisme en Tunisie ? Lotfi Ben Jeddou vient, tout compte fait, de trancher. Il lui reste à convaincre du bien-fondé de l'adoption d'une loi d'exception : sur quel diagnostic, quels bilans et quelle stratégie s'appuie-t-il ? Comment éviter le «tout sécuritaire» à un moment où le dossier du terrorisme s'entoure de la plus grande réserve, achoppe contre la lenteur judiciaire, le blocage législatif, le flou stratégique, le black-out ou le blanchiment médiatiques et le déni d'une bonne partie de la société ? A un moment où chaque opération se révèle et se traite comme une première, quelle est la réalité la plus plausible du terrorisme en Tunisie ?
Ansar Acharia : des brigades multiples et une même généalogie
Première réalité. Depuis les évènements d'Errouhia en 2011, l'escalade des actes terroristes en Tunisie a mis du temps pour prendre un visage et un nom. Il faudra attendre l'attaque de l'ambassade américaine en septembre 2012, les assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et celui des huit soldats de Châambi en 2013, pour que l'ennemi soit enfin identifié. En août 2013, Ansar Acharia est classé organisation terroriste par Ali Laârayedh alors chef du gouvernement de la Troïka dont le mandat antérieur de ministre de l'Intérieur leur avait été particulièrement accueillant : appel à participer au gouvernement, licences pour leurs tentes de mobilisation et leurs congrès, impunité de leurs forfaits. « Sur le terrain, cette classification va enfin donner l'outil juridique nécessaire qui permettra de rattraper le temps perdu et de mener efficacement la lutte antiterroriste. D'où les nombreuses opérations sécuritaires, les arrestations et les saisies d'armes menées depuis». Affirme Mohamed Ali Laroui, porte-parole du ministère de l'Intérieur. «Mais, en la matière, est-il vraiment possible de rattraper le temps perdu ?» Contrairement aux branches d'Al Qaida et d'Aqmi dont il se revendique, le groupe Ansar Al Chariâa n'a jamais revendiqué aucune opération. Ce qui n'empêche pas le ministère de l'Intérieur tout comme les experts d'établir une seule et même généalogie du crime terroriste en Tunisie : « Ansar Acharia et ses brigades armées ». Une généalogie qui, pour autant, ne réduit en rien la complexité et la nébulosité de la mouvance : des dirigeants en fuite en Libye (Abu yadh, Abubakr Alhakim, Ahmed Rouissi) qui continuent à planifier pour des opérations en Tunisie. Une multiplicité de brigades (kataeb) plus ou moins proches et plus ou moins redoutables : (Okba Ibn Nafaâ, Al Moubaiyôun âla al maout, Serriyatt Oum Youmna...). Des réseaux dormants approximativement estimés à quelques centaines répartis à travers les quartiers périphériques de la capitale et les gouvernorats de l'intérieur. Des camps d'entrainement armés et opérationnels essentiellement retranchés dans les sites les plus inaccessibles des forêts montagneuses de Jendouba, Le Kef et Kasserine. Avec de la hauteur, de la dissimulation et une bonne connexion à l'environnement, ces groupes arrivent généralement à déjouer les plans d'assaut des forces de sécurité et à décamper in extremis. Après des échanges de coups de feu et plus d'une semaine de course-poursuite, les forces de sécurité ont annoncé ce dimanche que le groupe retranché dans la forêt Tbaynya à Ain Draham a quitté son repaire.
Des armes lourdes pour un terrorisme de marché
Deuxième réalité de terrain : des armes de guerre et un terrorisme de marché qui vit du soutien des marchés parallèles et des réseaux du crime organisé.
Nasr Ben Soltana est président du centre tunisien pour les études de la sécurité globale et à ce titre il met en évidence l'étroite relation entre le terrorisme, la contrebande et le crime organisé : «Les éléments terroristes constituent l'ennemi central mais cet ennemi ne serait pas ce qu'il est sans le soutien des réseaux du crime organisé transnational, de la contrebande, du trafic d'armes et du blanchiment d'argent».
Là aussi, il faudra attendre la découverte tardive du dépôt d'armes de Médenine pour se rendre compte de la matérialité de la menace. Inaugurant une année meurtrière, le mois de janvier 2013 révèle à la Tunisie la nature de la guerre qui se prépare à lui être livrée. L'équivalent de quatre camions de missiles et de lance-missiles RPG, de kalachnikovs et de bombes est découvert et saisi dans un dépôt à Médenine sur la route de Gabès. Réplique un mois plus tard dans un autre dépôt à Mnihla à quelques kilomètres de Tunis où les unités de la garde nationale saisissent des dizaines de lance-roquettes RPG, d'obus et de kalachnikovs. Pour le ministère public, le dépôt de Médenine suivi par celui de Mnihla est l'affaire principale dont découlent tous les crimes et assassinats terroristes en Tunisie. Depuis, des saisies d'armes et de munitions sont périodiquement effectuées lors des opérations d'arrestations et de démantèlement de réseaux ( El Ouardia, Raoued...) ou lors des contrôles douaniers. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur rend compte de plusieurs centaines d'armes et de munitions saisies. Chiffres que l'expert Nasr Ben Soltana multiplie par 15 pour estimer la valeur approximative des quantités d'armes dissimulées ou en circulation dans notre pays. Estimation que réfute le colonel major Mokhtar Ben Nasr qui pense que l'estimation valable pour les autres articles de contrebande ne l'est pas pour les armes dont l'introduction, la circulation et la commercialisation sont forcément moins massives. «Les quantités d'armes introduites en Tunisie sont, tout compte fait, moins importantes qu'on ne le croit», estime-t-il.
Fonds de charité étrangers et solidarité locale
Pour vivre, s'entraîner, se déplacer et opérer, les groupes terroristes comptent, par ailleurs, sur l'apport de la contrebande, les revenus des commerces parallèles et surtout le financement des associations de charité qui ont essaimé à l'ombre du décret-loi du 24 septembre 2011 et des activités parallèles des mosquées. Le ministère de l'Intérieur vient, à ce titre, d'informer la direction générale des associations et des partis politiques de la présence de sérieuses présomptions autour de 150 associations impliquées dans le financement du terrorisme et l'appartenance au groupe interdit Ansar Acharia. Des dizaines de dossiers seront soumis à la justice pour la suspension des activités de certaines associations accusées de dépassements : collecte de dons dans les lieux de culte, non-présentation de données sur l'origine des financements étrangers qui leur parviennent...
A côté des armes et des financements étrangers, les groupes terroristes achètent bien souvent le silence et le concours des populations locales, moyennant de généreuses sommes d'argent. Le sujet est embarrassant pour le ministère de l'Intérieur qui préfère en appeler à la vigilance, et au bon sens de ces mêmes populations. Reste qu'entre couvrir des groupes terroristes et alerter les forces de sécurité, il y a encore une déficience d'information et de sensibilisation.
Fêtards et tueurs, autour d'un même feu
Ainsi et bien au-delà de la fatalité géopolitique généralement invoquée, le terrorisme se révèle aussi comme une réalité bien tunisienne qui a déjà son lourd bilan en vies humaines, ses protecteurs déguisés en défenseurs des droits de l'Homme et en justiciers, ses soldats en formation en Syrie, ses armes lourdes, ses finances, ses vénalités et ses complicités et son omerta.
Mais, en ce début d'été, c'est une Tunisie défoulée et festive qui reprend ses droits dans les stations balnéaires et les zones touristiques, comme si de rien n'était. A cela près qu'elle le fait sous l'œil vigilant d'hommes à treillis et armes de guerre lourdement chargés... Dans les plis des quartiers, un tout autre indice : les pétards des fêtes continuent à faire inconsciemment écho à ceux que lancent les terroristes à l'annonce et à la fin de chaque opération et même en d'autres nuits calmes ; question d'habituer notre ouïe aux coups réels. Les derniers feux d'artifice en date sont ceux qui, en cette nuit du mardi 27 à mercredi 28 mai, ont jailli de Kasserine à Tunis, relayant la nouvelle de la victoire sur le Taghut en garde devant le domicile du ministre de l'Intérieur. Ces feux sont aussi l'autre occasion de mesurer le degré d'implantation des cellules dormantes et des sympathisants.
Demain, deuxième partie de notre enquête


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