Un appel de 40 professeurs universitaires de différentes disciplines. Appel à l'initiative des deux professeurs Hatem M'rad et Hamadi Rédissi Nous, professeurs de science politique, de philosophie politique, de sociologie politique, d'histoire politique, d'économie politique, de droit et de communication politique. Constatant que la science politique est restée, paradoxalement, une science marginale dans l'enseignement supérieur en Tunisie, alors que la politique a investi de manière visible et spectaculaire le champ institutionnel, social, médiatique après la révolution ; Constatant que la science politique était déjà marginalisée sous les régimes autoritaires sprécédents, comme discipline scientifique, dans les facultés de sciences humaines. Ce qui expliquait l'absence de structures de recherche, de ressources, de concours, de mastères, d'habilitation de doctorat en science politique, l'insuffisance de mémoires et de thèses soutenus en la matière, l'absence d'intérêt des chercheurs et étudiants qui craignaient surtout la non-reconnaissance de leurs travaux en science politique par un régime autoritaire monopolistique et un marché de l'emploi réticent à cette formation ; Constatant que la science politique est restée encore une science marginalisée après la révolution, malgré l'engouement collectif pour la politique, le déclenchement du processus démocratique, malgré l'affirmation des droits et libertés, la réhabilitation du débat public, l'apparition d'un grand nombre de militants et d'acteurs politiques et associatifs, la création de plus d'une centaine de partis, de milliers d'associations, l'émergence d'une presse et de médias indépendants, d'organismes de consultation, de sondages. Constatant que tous les corps de métiers ont leurs propres facultés, écoles ou instituts en Tunisie, sauf les métiers liés à l'action politique. Et ce n'est pas un hasard si les Tunisiens ont été déçus par leur classe politique, depuis l'élection de l'Assemblée constituante. Ils ont en effet constaté, à travers la médiatisation de ses débats, que beaucoup d'hommes politiques, y compris les membres de l'ANC, n'ont pas reçu une formation suffisante et adéquate en politique. Or un institut d'études politiques est de nature à renforcer la qualité du personnel politique du pays, comme dans les systèmes étrangers ; Constatant que l'Ecole crée toujours des perspectives d'avenir professionnel pour les jeunes. De nouveaux métiers, de nouvelles vocations, en rapport avec la science politique pointent déjà à l'horizon dans de multiples secteurs, en rapport avec l'orientation démocratique, nécessitant une formation adéquate en politique (organisation électorale, élus parlementaires, régionaux et municipaux, fonctionnaires, membres de cabinet, militants, journalistes, membres d'associations, ONG, bureaux de consultation, sondeurs, communication, chercheurs, enseignants) ; Constatant que la recherche en science politique demeurera peu sérieuse et en dessous du seuil scientifique suffisant, en l'absence d'un tel institut. La dynamique de recherche en science politique ne peut résulter que d'un institut d'études politiques, comme pour toutes les autres disciplines scientifiques. Un tel institut créera une formation appropriée en la matière, selon une méthodologie spécifique. Il produira des étudiants, des masters, des doctorants, des docteurs, un corps d'agrégés, tous spécialisés en science politique, ainsi que des structures de recherches et des publications appropriées. Il pourra justifier l'organisation de concours de recrutement d'enseignants spécialisés en la matière; Appelons, pour toutes ces raisons, le ministère de l'Enseignement supérieur, le gouvernement et le Parlement, à mettre en place, dès la rentrée prochaine, un institut d'études politiques (IEP), en vue de satisfaire un besoin pressant en rapport avec les exigences scientifiques, professionnelles, politiques et démocratiques des prochaines générations.