Annoncé comme l'un des moments forts de la cinquantième édition du festival international de Carthage, ce spectacle tout en danse, présenté avant l'Aïd, a été bien en deçà des attentes... Malgré quelques tableaux plaisants. Hymne à la danse, samedi dernier, au festival international de Carthage dans sa cinquantième édition. Le spectacle n'a pas été annulé malgré l'attaque terroriste perpétrée le jour même à Sakiet Sidi Youssef et dans laquelle deux valeureux sous-officiers de notre armée nationale sont tombés en martyrs. Sage décision, car Danser en temps de guerre, c'est comme cracher à la gueule du diable ! Mais il fallait quand même marquer le coup. L'hymne national a donc retenti en toute solennité en signe de résistance avant le début du show. Ensuite, une trentaine de danseurs ont investi tour à tour la scène, présentant une vingtaine de tableaux. Le ballet Danse impériale de Saint-Pétersbourg, le ballet national populaire des Saisons russes et des solistes internationaux venus de France, des USA, du Japon, du Sénégal, de Géorgie, de Bulgarie, de Russie... tous ont exécuté des danses évoquant des cultures et des univers artistiques différents. Le public, qui s'est déplacé en nombre, certainement attiré par le titre tentateur et la belle affiche du spectacle, a eu droit au Malambo argentin, à la danse carthaginoise, au NY gospel dance, à la Danse juive du départ, au Gopak ukrainien, au Kilian celtic suite dance, à la légende géorgienne, au Cuba latino, au chant kabyle, au Sirtaki athénien, au Balkan gypsy et autres. De l'art du grand ballet classique et néo-classique à la danse contemporaine, folk et populaire, danse de caractère... En somme, un flot de rythmes et de mouvements aussi divers que variés. Simple «assemblage» ? «Mille et une danses du monde», qui semble avoir coûté des mille et des cents, présenté ce soir-là en avant-première, était annoncé comme l'un des spectacles phares de cette édition spéciale du festival. Ce ne fut pas le cas. Du tout. En dépit d'un casting de qualité — corps de ballet international et solistes des grands théâtres de danse —, le spectacle fut en deçà des attentes, à telle enseigne que plusieurs spectateurs ont quitté le théâtre romain bien avant la fin du show. Et pour cause. «Mille et une danses du monde» n'est pas une œuvre chorégraphique en bonne et due forme, avec une écriture scénique qui se tient. Il s'agit d'une compilation de tableaux, composée de fragments épars et hétéroclites. Un simple «assemblage» de danses sélectionnées par... la direction du festival, d'après nos sources. L'impression était même celle d'une ébauche, pour ne pas dire un brouillon, d'un grand spectacle ! On a beau intégrer une voix off, mettre un danseur «joker» pour faire un semblant de lien entre les chorégraphies, rien n'y a fait ! Evoquer les valeurs de l'universalité, de la fraternité, de la paix, de la tolérance, pour justifier ce genre de morcellement, cela ne paye plus. On n'est plus dupes. Par ailleurs, si nous pouvons comprendre l'absence totale de décor, nous comprenons moins la piètre qualité de l'éclairage, élément essentiel dans ce type de spectacles. Des faisceaux de lumière blanche éclairaient la plupart du temps la scène, ne rendant pas justice à l'effort des danseurs et n'exprimant point l'ambiance voulue. Pendant cette soirée, il y avait de belles performances et d'autres moins belles. Le rythme était souvent lent au point d'être ennuyeux. Certains tableaux ont été applaudis par le public, d'autres hués et une troisième catégorie est passée dans l'indifférence. Encore heureux que les danses folkloriques et certains airs rythmiques aient mis du peps au spectacle. Il faut quand même avouer que les danseurs ont fait preuve de maîtrise technique : leurs mouvements étaient synchrones, gracieux, rapides et vigoureux quand il le fallait. Le public a eu également droit à de belles acrobaties, exécutées avec justesse et virtuosité. Le clou de «Mille et une danses du monde» — et son moment fort — était sans aucun doute le numéro de danse traditionnelle modernisée, donné par la danseuse tunisienne Nesrine, juste après le salut final. Il a fallu l'entrée de cette jeune pour pimenter la soirée et enflammer réellement le public ainsi que les autres danseurs... Avec l'actualité funeste, il n'est de meilleure façon de conclure qu'en suivant le conseil de Pina Baush : Dansez, sinon nous sommes perdus ! Alors dansez, dansez et dansez !