«Le processus d'élaboration du projet d'une loi contre les violences faites aux femmes», tel est le thème du séminaire organisé hier, conjointement par le ministère de la Jeunesse, des Sports, de la Femme et de la Famille, ONU femmes, Unhr, l'Unicef, l'Unfpa et le Conseil de l'Europe. Choisir de parler de la violence à l'encontre des femmes est motivé par l'importance de ce phénomène dans toutes les sociétés et notamment dans la société tunisienne. Un sujet qui demeure tabou et dont on ne parle pas facilement malgré sa prépondérance parmi toutes les catégories sociales. Neïla Chaâbane, secrétaire d'Etat à la Femme et à la Famille, précise à ce propos qu'une étude réalisée par l'Office national de la famille et de la population qui a concerné 3.000 femmes âgées de 18 à 64 ans a permis de révéler des chiffres plutôt inquiétants. Ainsi ce sont 47,6% des femmes interrogées qui reconnaissent avoir subi au moins une fois au cours de leur vie un acte de violence et 32,96% qui disent avoir été victimes de violence durant les douze derniers mois précédant le sondage. La répartition selon le type de violence permet de constater que 31,7% des cas sont relatifs à une violence physique, 28,6% à une violence morale, 15,7% à une violence sexuelle et 7,1% à une violence économique. De son côté, Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, a souligné que la protection et la consécration des droits et des acquis de la femme constituent l'une des priorités de la politique nationale. Il a rappelé, également, l'histoire de la femme tunisienne, évoquant, à ce propos, les personnages politiques et les penseurs qui ont contribué à l'édification du statut dont elle jouit au sein de la société. Mohamed Salah Ben Ammar, ministre de la Santé, a déclaré, dans son allocution, que le thème de la violence à l'égard des femmes suscite un grand intérêt au sein du ministère de la Santé. Il précise, à ce propos, que beaucoup reste à faire en matière de sensibilisation et d'information afin de mieux orienter les femmes victimes de violences. En effet, ajoute-t-il, des études ont permis de constater que la majorité de ces femmes ignorent où s'adresser lorsqu'elles sont violentées, d'autant plus que le regard sévère que la société porte sur les victimes de violence et surtout celles de viol n'a fait qu'ancrer davantage la loi du silence. Le ministre déclare, enfin, que c'est en vue d'offrir à cette catégorie de femmes une meilleure prise en charge sanitaire et psychologique que les anciennes urgences de l'hôpital Charles-Nicolle à Tunis seront consacrées à ces victimes, sachant que tous les autres cas seront accueillis dans le nouveau service des urgences en cours d'aménagement. Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice, des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, a noté, pour sa part, que le thème du séminaire revêt une importance particulière à un moment où le nombre d'affaires en justice relatives à des actes de violence portés aux femmes demeure important. En effet, déclare-t-il, le nombre de personnes jugées par les tribunaux pour des affaires de violence physique à l'encontre des femmes au cours de l'année 2012-2013 a été de 551. Le nombre de personnes jugées pour des actes de violences sexuelles envers les femmes a été de 394. Le ministre relève, dans ce cadre, que le défi qui se pose à l'heure actuelle consiste à identifier les moyens appropriés pour réduire le nombre de femmes victimes de violence sous ses différentes formes sans oublier que la législation pénale actuelle en la matière souffre de plusieurs faiblesses dont il cite l'absence de la psychologie criminelle dans le processus pénal et les insuffisances relevées en matière de prise en charge de la victime. Il pense, en outre, que ce séminaire serait une occasion pour évoquer les faiblesses du système juridique actuel en matière de protection de la femme de toute forme de violence, ainsi que les moyens de les contourner. Il déclare, à ce propos, que son département s'est engagé à adapter les principales législations en matière de protection de la femme contre les violences aux normes internationales. Le ministre note, par ailleurs, que la réforme de la législation pénale nécessite de prospecter des idées et des orientations nouvelles à même de développer la législation relative à la protection de la femme contre la violence. Il cite à ce propos l'importance de supprimer certains articles tels le chapitre 227 bis du code pénal (paragraphes 4 et 5) qui offrent la possibilité au violeur d'échapper à la sanction pénale dans le cas où il se marie avec la victime et où le viol n'a pas été accompagné de violence.